36 SAINT AMANT. POÉSIES DIVERSES.
AMOUR Sur moy comme vainqueur Exerce ses rapines,
Et moins en mes bras qu'en mon cœur
le porte des espines;
Mais ie ne viuray pas long-temps, C'est le seul bien où ie m'attends.
ENCORE Si, pour réconfort,
Quelques beaux doigts me cueillent, Auant que par un triste sort
Tous mes honneurs s'effeuillent,
le n'auray rien à désirer,
Et finiray sans murmurer.
Reyne des fleurs, appaise-toy, Voicy venir Syluie, Qui t'apporte en elle de quoy Contenter cette enuie; Car sa main de lys a dessein De te loger en son beau sein.
QUE n'es-tu las, mon désir, de tant suiure Celle qui est tant gaillarde à la fuite? Ne la vois-tu deuant ma lente suite De lacqs d'Amour voler franche et déliure? CE faux espoir, dont la douceur m'enyure, Tout en vn poinct m'arreste, et puis m'incite, Me pousse en haut, et puis me précipite, Me faict mourir, et puis me faict reuiure. AINSI Courant de sommets en sommets Auec Amour, ie ne pense iamais,
Fol désir mien, à te hausser la bride. BIEN m'as-tu donc mis en proye au danger, Si ie ne puis à mon gré te ranger, Et si i'ay pris vn aueugle pour guide.
Tour ce qu'Égypte en pointe façonna, Tout ce que Grèce à la Corinthienne, A l'Ionique, Attique, ou Dorienne, Pour l'ornement des temples maçonna; TOUT ce que l'art de Lysippe donna, La main d'Apelle, ou la main Phidienne, Souloit orner ceste ville ancienne, Dont la grandeur le ciel mesme estonna:
Tour ce qu'Athène eut oncques de sagesse, Tout ce qu'Asie eut oncques de richesse, Tout ce qu'Afrique eut oncques de nouveau, S'EST veu ici, ô merueille profonde! Rome viuant fut l'ornement du monde, Et morte elle est du monde le tombeau.
DV PREMIER IOUR DE L'AN,
AU SEIGNEUR BERTRAND BERGIER.
Voici le père au double front, Le bon Ianus, qui renouuelle Le cours de l'An, qui en vn rond Ameine la saison nouuelle.
Renouuellons aussi
Toute vieille pensée,
Et tuons le souci
De fortune insensée.
Sus doncq, que tardons-nous encore? Auant que vieillars deuenir,
Chassons le soin qui nous déuore,
Trop curieux de l'aduenir.
Ce qui viendra demain
Ià pensif ne te tienne :
Les Dieux ont en leur main Ta fortune et la mienne.
Tu vois de neige tous couuerts Les sommes de la forest nue,
Qui quasi enuoye à l'envers Le fais de sa teste chenue.
La froide bise ferme Le gosier des oiseaux, Et les poissons enferme Sous le cristal des eaux.
VEUX-TU attendre les frimas De l'hyuer, qui desia s'appreste, Pour faire de neige vn amas Sur ton menton et sur ta teste? Que tes membres transis Priuez de leur verdeur, Et tes nerfs endurcis Tremblent tous de froideur?
QUAND la saison amollira Tes bras autrefois durs et roides, Adoncq' malgré toy périra Le feu de tes mouëlles froides, Que toute herbe, ou estuue,
Tout génial repas,
Mais tout l'Aethne et Vésuue Ne réchaufferoyent pas.
MON fils, c'est assez combattu, (Disoit la mère au fort Grégeois) Pourquoy ne te resiouis-tu Auecq' ces filles quelquefois? Les vins, l'amour, consolent Le triste coeur de l'homme : Les ans légers s'envolent, Et la mort nous assomme.
IE te souhaitte pour t'esbattre Durant cette morte saison,
Vn plaisir, voire trois ou quatre, Que donne l'amie maison : Bon vin en ton célier
Beau feu, nuict sans souci, Vn ami familier,
Et belle amie aussi;
Qui de son luth, qui de sa voix Endorme souuent tes ennuis, Qui de son babil quelquefois Te fasse moins durer les nuits. Au lict folastre autant Que ces chèures lasciues, Lorsqu'elles vont broutant Sur les herbeuses riues.
MISE EN TESTE DE SA TRANSLATION
DU QUATRIÈME LIVRE DE L'ÉNÉIDE, EN VERS FRANÇOIS.
On voit plus d'vn moqueur
Et plus d'vne folle Didon
Couuer le feu de Cupidon
Dessous les cendres d'Hyménée.
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