DIALOGVE D'VN AMOUREUX ET D'ÉCHO.
PITEUSE Écho, qui erres en ces bois, Respons au son de ma dolente voix. D'où ay-ie peu ce grand mal conceuoir, Qui m'oste ainsi de raison le devoir? Qui est l'auteur de ces maux auenus? Comment en sont tous mes sens deuenus? Qu'estoy-ie auant qu'entrer en ce passage? Sage. Et maintenant, que sens-ie en mon courage? Rage. Qu'est-ce qu'aimer, et s'en plaindre souuent? Vent. Que suis-ie donq' lorsque mon coeur en fend? Enfant. Qui est la fin de prison si obscure? Cure. Dis- moy quelle est celle pour qui i'endure? Dure. Sent-elle bien la douleur qui me poingt?
que cela me vient bien mal à poinct!
DISCOURS SUR LA LOUANGE DE LA VERTU, ET SUR LES DIUERSES ERREURS DES HOMMES.
A SALM. MACRIN.
BIEN que ma muse petite Ce doux vtile n'imite, Qui si doctement escrit, Ayant premier en la France
Contre la sage ignorance,
Fait renaistre Démocrit ;
POURTANT, Macrin, ne te fasche, Si la bride vn peu ie lasche Au soin qui l'esprit me rompt: Et si pour t'aider à rire, l'ay entrepris de t'escrire, Pour me desrider le front.
LA félicité non fausse, L'eschelle qui nous surhausse Par degrez jusques aux cieux, N'est-ce pas la vertu seule, Qui nous tire de la gueule De l'Orque auaricieux?
L'HOMME vertueux est riche; Si sa terre tumbe en friche Il en porte peu d'ennuy; Car la plus grande richesse Dont les dieux luy font largesse Est tousiours auecques luy.
IL est noble, il est illustre : Et si n'emprunte son lustre D'vne vitre, ou d'vn tombeau, Ou d'une image enfumée, Dont la face consumée Rechigne dans vn tableau.
S'IL n'est duc, ou s'il n'est prince D'vne et d'vne autre prouince, Si est-il roi de son cœur :
Et de son cœur estre maistre, C'est plus grand' chose que De tout le monde vainqueur.
Si les mains de la nature Toute sa linéature
N'ont mignardé proprement, Si en est l'esprit aymable: Et qui est plus estimable, Le corps, ou l'accoustrement?
La richesse naturelle, C'est la santé corporelle: Mais si le ciel est donneur D'vne âme saine, et lauée De tout humeur déprauée, C'est le comble du bonheur. QUE me sert la docte escole De Platon, ou que i'accolle Tout cela, que maintenoit Le grand Péripatétique, Ou tout ce qu'en son portique Zénon iadis soustenoit :
Si l'ignorant et pauure homme,
Tout ce que vertu on nomme
Garde précieusement,
Qui n'a vertu qu'au visage,
En parle ocieusement?
QUE me sert-il que i'embrasse Pétrarque, Virgile, Horace, Ouide, et tant de secrets,
Tant de Dieux, tant de miracles, Tant de monstres, et d'oracles, Que nous ont forgé les Grecs :
Sr, pendant que ces beaux songes M'appasten't de leurs mensonges, L'an, qui retourne souuent, Sur ses ailes empennées, De mes meilleures années M'emporte auecques le vent?
QUE me sert la rhétorique Du nombre pythagorique : Vn rond, vne ligne, vn poinct : Le pinceter d'une corde, Ou sçauoir quel ton accorde, Et quel ton n'accorde point?
QUE me sert voir tout le monde En papier, où ie me fonde A l'arpenter pas à pas,
Si en mon cœur ie n'eus oncques Mesure, ou nombres quelconques, Accord, règle, ni compas?
QUE me sert l'architecture, La perspectiue, et peinture, Ou au mouuement des cieux Contempler les choses hautes, Si, pour cognoistre mes fautes, Ie ne me voy que des yeux?
C'EST Vne divine ruse
De bien forger une excuse;
Et en subtil artisan,
Soit qu'on parle, ou qu'on chemine, Contrefaire bien la mine
D'un vieil singe courtisan.
C'EST Vne louable enuie A ceux qui toute leur vie Veulent demourer oyseux, D'vn nouueau ne faire compte, Et pour garder qu'il ne monte, Tirer l'eschelle après eux.
Des hommes appelé maistre, Et du vulgaire eslongné, Ne parlant qu'en voix d'oracle, Espouuanter d'un miracle, Et d'un sourcy renfrongné.
C'EST chose fort singulière, Qu'une règle irrégulière Dessous un front de Caton: Ou dire qu'on est fragile, Affeublant de l'Euangile La charité de Platon.
C'EST Vne belle science, Pour faire vne expérience Auant qu'estre vieil routier :
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