l'ay d'aigreur et de douceur,
De soupirs, d'ennuis, de craintes : Autant que de iustes plaintes le couue dedans mon cœur.
BAISE-MOY 'donc, ma sucrée, Mon désir, ma Cythérée, Baise-moy mignonnement, Serrement,
lusques à tant que ie die, Las! ie n'en puis plus, ma vie, Las! mon Dieu, ie n'en puis plus. Lors ta bouchette retire,
Afin que mort ie soupire,
Puis me donne le surplus.
AINSI, ma douce guerrière,
Mon cœur, mon tout, ma lumière, Viuons ensemble, viuons,
Les doux sentiers de ieunesse
Aussi bien une vieillesse
Nous menace sur le port,
Qui, toute courbe et tremblante,
Nous attraine chancellante
La maladie et la mort,
A MONSIEUR DE POUGNY.
HONORANT ONORANT mes amis des présents de ma muse, Dangennes, ie seroy dehors de toute excuse, Si j'aloy t'oublier : car c'est toy (ie le sçay) Qui défens le party de mon nouuel essay De mesurer les vers en la langue françoyse, A l'antique façon et romaine et grégeoise. Là ie te payeray quelquefois mon deuoir : Cependant viens icy l'auance receuoir En ces vers usitez, où du Grec Théocrite, D'vn malheureux amour l'histoire j'ay transcrite. Que ta maistresse vn jour, par ébat y lisant, Craignant l'Amour vengeur, t'allât fauorisant.
DAMES, oyez un conte lamentable
D'vn pauure amant, et d'vne impitoyable, Qui, pour n'auoir voulu le secourir, Sentit combien on doit craindre encourir L'ire des dieux, en se monstrant cruelles Contre la foy des seruiteurs fidelles. De cet exemple, ô dames, apprenez De faire grâce à ceux que vous gennez:
Et n'irritez la diuine vengeance, Qui de bien près accompagne l'offence: Si vous sçauez quelcune de bon cœur, Apprenez d'elle à fuïr la rigueur :
Si d'autre part vous en sçauez quelcune, Qui contre Amour s'emplisse de rancune, Remonstrez-luy et la faites changer, Luy racontant cet exemple estranger. A fin qu'à voir cette auanture grande, Chacune ait peur de forfaire, et s'amende, M'en sçachant gré : «Bienheureux est celuy « Qui se fait sage à la perte d'autruy. »
Au temps jadis, en vn pays de Grèce, Un jeune amant seruit une maistresse Bien accomplie en parfaite beauté, Mais endurcie en toute cruauté; De son amant clie estoit ennemie, Et n'auoit rien de douce courtoisie; Ne cognoissant Amour, quel dieu c'estoit, Quel estoit l'arc qu'en ses mains il portoit; Ny comme grief, par les flesches qu'il tire, Aux cœurs humains il donne grand martyre; Mais de tous points dure en toute rigueur, Ne luy monstroit nul semblant de faueur, N'en doux parler, n'en douce contenance, Ne luy donnant d'Amour nulle allégeance : Non vn clin-d'oeil, non vn mot seulement, Non de sa lèvre un petit branlement, Non le laissant tant approcher qu'il touche, Tant soit petit, à sa main de sa bouche,
Non luy laissant prendre vn petit baiser Qui peust d'amour 'e tourment apaiser. Mais tout ainsi que la beste sauuage Fuit le chasseur se cachant au bocage, Elle, farouche, et pleine de soupçon, Fuyoit cet homme en la mesme façon.
Lux, cependant, cuidant venger l'injure Que luy faisoit cette cruelle et dure, Par vn courroux, chagrin et despiteux, Contre soi-mesme, hélas! fut impiteux : Car en un rien, ses deux lèures tant belles Se vont sescher: il rouloit ses prunelles Dedans deux yeux enfoncez, comme atteint Lusqu'à la mort : il perdit son beau teint; Une jaunisse enuironna sa face; Mais cependant, pour tout cecy, l'audace De sa cruelle, en rien n'adoucissoit, Ny sa fureur de rien n'amoindrissoit. Tant qu'à la fin ayant son âme outrée De désespoir, il s'en vint où l'entrée On luy auoit refusé tant de fois, Ne luy faisant qu'un visage de bois : Et deuant l'huis maudit de sa meurtrière, Il sanglotta sa complainte dernière, Et larmoyant donne vn baiser dernier A l'huis ingrat; puis se met à crier :
INGRATE, ingrate, ô inhumaine, ô dure, D'vne lionne ò fière nourriture,
Toute de fer, indigne d'amitié, Puisque tu as en horreur la pitié,
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