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Ie suis venu deuers toy pour te faire
Le dernier don d'un cordeau, dont j'espère
Plus de confort que de toi : car l'ennuy
Que j'ay par toy se guérira par luy.
Je ne veux plus doresenauant estre
Tant importun, parlant à ta fenestre :
Mais je m'en vas où tu m'as condamné,
'Au lieu d'exil que tu m'as ordonné,
Par le sentier qu'on dit qui achemine
Là où se prend la seule médecine,
Qui reste plus aux amans langoureux,
Dedans le lac de l'oubly bienheureux.
Mais, las! j'ay peur (tant d'vne amour extrême
Ie brusle tout) que, bien qu'estant à mesme,
l'eusse en boiuant tout ce lac épuisé,
Mon chaud désir n'en soit point apaisé.
Ie vas mourir par la mort désirée,
Ma bouche ira bien tost estre serrée;
Mais cependant, qu'encor je puis parler,
Ia te diray deuant que m'en aller :

LA rose est belle, et soudain elle passe
Le lys est blanc, et dure peu d'espace :
La violette est bien belle au printemps,
Et se vieillist en vn petit de temps :
La neige est blanche, et d'vne douce pluye,
En un moment s'écoule éuanouïe :
Et ta beauté, belle parfaitement,
Ne pourra pas te durer longuement.

Le temps viendra (si le destin te laisso
Louir un temps de ta belle jeunesse }

Le temps viendra qu'asprement à ton tour
Tu languiras, comme moy, de l'amour.
le vas mourir, et de ma mort, cruelle,
Tu n'entendras par autre la nouuelle:
Mort à ton huis icy tu me verras,
Et sur moy mort tes yeux tu soûleras,
Puisqu'en viuant je n'ay pu si bien faire,
Qu'en vn seul point ie t'aye pu complaire :
Quelque plaisir, je croy, je te feray,
Quand pour t'aimer, tué je me seray.
Au moins, au moins, si mon trespas t'apporte
Quelque plaisir, si en ouurant ta porte,
Pour ton amour si tu m'auises mort,
Que j'ay' de toy ce dernier réconfort.
De ce cordeau, dont tu me verras pendre,
Deslie-moy, aïde à me descendre,

Au moins des yeux répands-moy quelque pleur:
Quelque souspir tire-moy de ton cœur.

Si ta rigueur se peut faire tant molle,
Pers à moy sourd quelque douce parole:
Et donne-moy, pour ton deuil apaiser,
Et le premier et le dernier baiser:
Non, ne crains point qu'il me rende la vie,
Ne laisse pas d'en passer ton enuie,
Et si tu as de moi quelque soucy,
Sur mon tombeau fays écrire cecy:
<< Amour tua celuy qui se repose
<< Icy dessous : une belle en fut cause,
« Démesurée en grande cruauté,
<< Comme l'amant le fut en loyauté. »

QUAND il eut dit, une pierre il ameine
Au seuil de l'huis, et la dresse à grand'Deine;

Monta dessus, et la corde attacha
A vn crampon, que bien haut il ficha :
D'un noeud coulant son gosier il enserre,
Puis de ses pieds il rejette la pierre ;
Et se débat, demeurant là pendu,
Tant qu'à la fin l'esprit il a rendu.

Au bruit qu'il fit frappant contre la porte,
Comme la mort à sa jeunesse forte
Se débattoit, vn seruant qui sortit
Vit ce méchef, et la dame auertit;
Qui venant là sans estre en rien émuě,
Eut bien le coeur de repaistre sa vuë
Du pauure corps, qui pour elle estoit mört,
Et ne monstroit en auoir nul remord;
Nulle douleur sa dure âme ne perce,
De ses yeux fiers vne larme ne verse;
Un seul souspir ne tire de son cœur :
Tant la meurtrière est pleine de rancœur.

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CE mesme jour, celle femme inhumaine,
Qui ne deuoit bien loing traisner la peine
De son forfait à fin qu'il fust vengé,
Vint droit au Dieu qu'elle auoit outrage;
Car en passant auprès d'une colonne
Dessus laquelle, en beau marbre, Dione,
Tenoit la main de sa fille Vénus,
Qu'accompagnoient Plaisir et Désir nus;
Plaisir s'ébranle et chet sur la cruelle,
Et de son poids, écrazant sa ceruelle,
La terrassa: la pauure, sous le coup,
Perdit la vie, et la voix tout à coup.

RIEZ, amans, puisque cette ennemie
De tout amour, est justement punie
Filles, aimez, puisque pour n'aimer point
Une cruelle est traitée en ce point.

LES ROSES.

AU SIEUR GUIBERT.

GUIBERT, qui la vertu chéris,
A fin que l'âge à venir sçache
Que ma muse ingrate ne cache
Le nom de ses plus favoris;
Prends de ces Roses le chapeau,
A qui ne chaleur, ne gelée,
N'ostera ce qu'il a de beau
Pour honorer ta renommée.

Au mois que tout est en vigueur,
Un iour que la blanche lumière
Poignoit, comme elle est coustumière,
Soufflant la piquante frescheur
D'vn petit vent qui deuançoit
Le char de l'aube ensafranée,
Et deuancer nous auançoit
Le chaud prochain de la journée.

L'UN chemin, puis l'autre prenant
Autour des planches compassées,
A trauers les sentes dressées,
le m'en alloy' me pourmenant;

Au point du jour m'étant leué,
A fin que me regaillardise,
Dans un jardinet abreuvé,
De mainte rigole fetisse.

IE Vy la rosée tenir

Pendant sous les herbes penchantes,
Et sur les cimes verdissantes,
Se concréer et contenir;

le vy dessus les choux feuillus
Jouster les gouttes rondeleites,
Qui, de l'eau tombant de là sus,
Se faisoient déjà grosselettes.

IE vy les Rosiers s'éjour,
Cultiuez d'une façon belle;
Ie vy sous la clarté nouvelle,
Les fresches fleurs s'épanouir;
Des perles blanches qui pendoyent
Aux raincelets. rosoyans nées,
Leur mort du soleil attendoyent
A ses premières rayonnées.

LES voyant, vous eussiez douté :
Si l'aurore son teint colore
De ces fleurs, ou si de l'aurore
Les fleurs leur teint ont emprunté,
Sur la belle étoile et la fleur,
Vénus pour dame est ordonnée;
Une rosée, une couleur,

Et une mesme matinée.

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