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Lu le 14

Août

1763.

ÉLOGE HISTORIQUE

DE

M. LE MARQUIS D'ANLEZY.

DEPUIS

PAR M. MICHAULT.

EPUIS l'établiffement des Sociétés littéraires dans la Monarchie, on a vu les Princes, les Héros, les Hommes conftitués dans les plus grandes dignités, entrer en commerce avec les Muses, & briller dans les exercices académiques. En célébrant leur mémoire, fouvent nous fommes obligés d'employer, par rapport aux fonctions de leur état, des termes étrangers, en quelque forte, à la littérature. C'eft ainfi qu'en exprimant notre douleur fur la perte que nous avons faite de M. le Marquis d'Anlezy, je ferai forcé d'ufer du langage de la guerre, dans l'éloge d'un homme qui a paffé la plus grande partie de fa vie fous les drapeaux de Mars.

Je n'entreprendrai point ici d'établir l'ancienneté de la Maifon de Damas, illuftrée dès le dixiéme fiécle; je ne ferai point l'histoire des grandes alliances, des actions héroïques, des

glorieuses récompenfes qui ont honoré les ancêtres de M. le Marquis d'Anlezy; ses exploits militaires fuffiront à son éloge.

Louis-François de Damas, Marquis d'Anlezy, naquit le 7 Janvier 1698, de Nicolas - François de Damas, Brigadier, Meftre de Camp & Colonel d'un Régiment de Cavalerie de fon nom; & de Marie - Magdeleine Desvaux de ChefneBelard.

Les premieres années de fa jeuneffe fe pafferent à remplir les devoirs de l'éducation d'un Gentilhomme. Ayant été reçu en 1713 parmi les Pages du Roi, dans le cours de ses exercices, il s'appliqua particuliérement aux fciences rélatives à l'art militaire : trois ans après, il entra dans le Régiment du Roi, où bientôt il obtint un brevet de Capitaine.

En 1724, par fon mariage avec Marie-Elizabeth Ferrero de Saint-Laurent, d'une ancienne Maison de Piémont, il devint Colonel du Régiment d'Infanterie de Nice qu'avoit eu le Marquis de Saint-Laurent, fon beau-pere, & qui avoit paffé fucceffivement à quatre de fes fils morts à la tête de ce Régiment. Tous les Officiers applaudirent à ce choix; & le Marquis d'Anlezy, foit par fa naissance, foit par fes qualités perfonnelles, parut digne de tous les avantages de cette alliance.

L'activité du foldat François ne lui permet pas de jouir tranquillement des douceurs de la paix. Si l'on ne met fon courage à l'épreuve, il faut du moins le foutenir par les manoeuvres de la guerre.. C'eft dans les camps de paix que nos troupes, guidées par les principes d'une favante tactique, apprennent l'ordre des batailles, des marches & des évolutions, l'attaque & la défense des places, le service de l'artillerie, les rufes & les préceptes de la difcipline militaire. M. le Marquis d'Anlezy, qui fut de tous les camps de paix, s'y distingua toujours par la prudence, par la fagacité & par une fcience profonde de l'art de la guerre.

En 1733, la mort de Frédéric Augufte, Roi de Pologne, ayant troublé la paix, le premier - acte d'hostilité fut le fiége de Kell. M. d'Anlezy fut alors détaché avec fon Régiment pour garde les lignes de Weiffembourg. La campagne fui vante s'ouvrit par le paffage du Rhin. Nous for çames les lignes d'Etlinguen, nous éloignames l'en nemi du Nékre, & tandis que le Comte de Belle Ifle faifoit le fiége de Traerbach, on fit celui d Philisbourg; qui malgré la nombreuse garnison malgré le fecours d'une armée de quatre-vingt mill hommes, commandée par le Prince Eugene malgré les prodigieux débordements du Rhin fut pris en trente-cinq jours. Le Marquis d'Anlez

qui avoit marché à l'investissement de la Place, étoit à la tranchée, & prefqu'à côté du Maréchal de Berwick, le jour même que ce Général eut la tête emportée d'un coup de canon.

Il fut auffi de tranchée tout le temps de cette horrible inondation qui nous força de placer les affiégeants fur le revers, épaulé feulement de fascines & de gabions. En vain effaya-t-on de s'opposer aux ravages de l'inondation ; il fallut y faire face deux jours entiers, expofés au plus grand péril, & avec très-peu de vivres; encore ne put-on se retirer qu'en paffant fous le feu de l'ennemi. Dans une conjoncture auffi critique, M. le Marquis d'Anlezy fignala fon courage & fa fermeté en donnant fes ordres avec une présence d'efprit admirable & une tranquillité étonnante.

Vers la fin de 1734, une partie de fon Régiment ayant été envoyée fous les ordres de Milord Clare, depuis Maréchal de Thomond, pour enlever Worms aux ennemis; le Marquis d'Anlezy y parut enfuite lui-même pour conferver un pofte fi important à la communication de l'armée qui s'étoit avancée jufqu'aux portes de Mayence. La paix qui termina cette campagne ne fut pas de longue durée ; mais en 1738, avant que la mort de l'Empereur Charles VI eût ralumé lǝs feux de la guerre, M. le Marquis d'Anlezy fut fait Brigadier des Armées du Roi.

On vit alors voler nos troupes en Autriche avec une rapidité prefqu'incroyable, & même avant qu'on fût informé à Vienne de leur départ. La prise de Prague couronna cette campagne. La rigueur de l'hiver, les fatigues qu'on essuya pour conferver un pays presqu'inconnu, où se trouvoient peu de bonnes places, où d'ailleurs on n'étoit pas en force, furent inconcevables, & affoiblirent beaucoup notre petite armée, qui ne put recevoir de renfort qu'au mois de Mai. Le Régiment de Nice, joint à celui de Navarre, formoit une brigade aux ordres de M. d'Anlezy, qui, après avoir fait lever le fiége d'un Château fort, atteignit les ennemis près de Sahay où se donna la bataille. Il marqua dans cette occafion une grande intelligence de fon métier, fur-tout lorsque les flammes du feu qu'on avoit mis au Village de Sahay, pouffées par le vent, l'obligerent de faire faire à fa brigade un mouvement fi délicat & fi ingénieux, que le corps d'ennemis qu'elle avoit en tête, n'ofa l'entamer. Deux jours après, il conduifit à Thein une nouvelle brigade compofée du Régiment de Nice & de celui de la vieille Marine, fous les ordres du Marquis d'Aubigné, Lieutenant Général.

La retraite inopinée du Roi de Pruffe, laissa au Prince Charles la liberté de venir à la tête de vingt-huit mille hommes furprendre le petit camp

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