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vint encore favorifer le goût des Habitans de cette Ville pour les Sciences & les Belles Lettres. Si dans le dix-feptiéme fiécle, & dans celui-ci la Bourgogne a fourni dans tous les genres des hommes d'un mérite diftingué (1), il n'est pas douteux que les fuccès de ces hommes célèbres ne foient dus en partie aux occafions de s'instruire, qu'offroit & qu'offre encore aujourd'hui le Collége des Godrans, où les Belles Lettres, la Philofophie & la Théologie ont été enfeignées fans interruption depuis la fin du feiziéme fiècle. Quelque avantageux cependant que

foient ces

mais il mit cette claufe à fa donation, que fi par la fuite on croyoit retirer plus d'avantage de l'enfeignement de quelque autre science, M. le Premier Préfident du Parlement feroit libre d'employer les revenus des fonds de la donation à payer des Profeffeurs d'un autre genre. Ce que le Fondateur avoit prévu, eft arrivé. Deux Profeffeurs de Langues ont été fubftitués, par des Lettres patentes du 18 Septembre 1764, à deux des quatre Profeffeurs de Théologie établis par cette fondation. L'un enfeigne le grec, l'autre l'allemand.

(1) Sans entrer dans un grand détail, il fuffit de nommer Boffuet, les Maréchaux de Chamilli & de Vauban, Chaffeneux, Febvret, le Préfident Jeannin, Saumaife, le Préfident Bouhier, Paradin, le Comte de Buffy-Rabutin, de Longe-. pierre, de la Monnoie, Crebillon, Mariote, Rameau, Mrs. de Lacurne de Sainte-Palaye, de Buffon, & Piron. Le fexemême en Bourgogne a eu des droits à la gloire que procure le mérite littéraire : on en peut juger par Mde. de Sevigné.

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fortes d'établissements, ils ne peuvent, pour ainfi diré, qu'infpirer le goût de l'étude. L'éleve le plus heureusement né a besoin qu'au fortir du Collége, le commerce des Savants & des Gens de Lettres, entretienne, excite, ou modére fon ardeur, & par une critique auffi amicale que judicieufe, rectifie fes idées & forme fon goût. Sans ce commerce les meilleures difpofitions ne produiroient fouvent que des écarts. L'homme de Lettres, livré au feu de fon imagination, ne se rendroit célèbre que par fes chûtes; & le dégoût, fuivant de près les bleffures faites à l'amour propre, feroit abjurer l'étude, feroit négliger les Lettres, & rameneroit infenfiblement un fiécle d'ignorance.

Cette vérité reconnue de tout temps, portoit les anciens à chercher au loin les Savants & les Hommes de Lettres. On a toujours vu ceux-ci se rapprocher avec empreffement les uns des autres; & fi quelquefois la rivalité les a repouffés avec éclat, le besoin d'un commerce intime n'en a pas été moins fenti.

C'est ce befoin qui a donné naissance à toutes les Sociétés favantes ou littéraires, connues fous le nom d'Académies; Sociétés où des hommes ambitieux de fe rendre utiles, paffionnés pour la gloire, fe communiquent réciproquement leurs

idées, fe prêtent, pour ainfi dire, leurs organes, & s'encouragent dans la recherche des vérités de toute espèce; Sociétés où la gloire devient commune entre tous les membres, parce que tous partagent les mêmes travaux ; Sociétés que toutes les nations éclairées se font empreffées d'établir, & qui, femblables à ces boulevards élevés fur les frontieres d'un Etat pour en éloigner les ennemis, mettent pour jamais les Sciences à l'abri des efforts deftructeurs de l'ignorance.

A chaque pas qu'ont fait les Lettres, on a vu fe former de pareils établissements comme autant de monuments de leurs conquêtes. L'Italie où elles commencerent à briller, eft auffi la partie de l'Europe où parurent les premieres Académies. L'Angleterre, la France, l'Ecoffe, l'Allemagne la Suiffe, la Suede, le Dannemark, la Pruffe, l'Espagne & la Ruffie, fe font fucceffivement attachés à fuivre un exemple fi avantageux.

Dijon a été une des premieres Villes de France qui ait fentile prix des Sociétés littéraires. Arles, Soiffon, Nifmes & Angers étoient encore les feules, fi nous en exceptons Paris, où l'on eût élevé de ces espèces de temples aux Muses, lorsqu'en 1693 M. Moreau, Avocat Général à la Chambre des Comptes, fit imprimer un discours fur la néceffité & la poffibilité d'établir une Acadé

mie en cette Ville (1). Cet ouvrage fut comme le fignal du ralliement des Gens de Lettres, & M. Lantin, Confeiller au Parlement, en raffembla chez lui plusieurs qui s'étoient déjà distingués par leurs connoiffances, leurs talents & leur goût (2).

La littérature étoit l'objet des conférences & du travail de cette Société; elle cultivoit avec fuccès la poëfie latine, la françoise & la grecque. Mais elle fut presqu'auffi-tôt diffipée que formée, La mort du Magistrat chez lequel se tenoient ses féances, fut l'époque de fa destruction (3). Tous les Citoyens fentibles à la vraie gloire, virent sa chûte avec regret, & ne cefferent de faire des vœux pour le rétabliffement d'une Société académique.

(1) Ce difcours fut imprimé in-4°. à Dijon en 1693 chez Claude Michard. L'Auteur y réfute avec force les objections prifes des occupations auxquelles la plupart des Citoyens font forcés de fe livrer, & fait voir que l'application aux Belles Lettres eft un délaffement néceffaire à tous les gens de Robbe & aux Eccléfiaftiques; qu'une Académie augmentera leurs connoiffances, perfectionnera leur goût, épurera leurs mœurs, & les rendra plus utiles à leur Patrie.

(2) MM. Pierre Dumay, Pierre Legouz, Bernard de la Monnoie, François Baudot, Pierre Taifand, François Quarr d'Aligny, Philibert Papillon & Etienne Moreau,

(3) Jean Baptifte Lantin mourut en 1695.

La patrie des Boffuet, des la Monnoye, des Crebillon, ne pouvoit pas avoir long-temps des defirs inutiles fur un pareil objet. L'illuftre Président Bouhier, un des quarante de l'Académie françoise, reçut, quelques années après, dans sa bibliothèque (1) plufieurs Hommes de Lettres qui s'y raffembloient un jour de chaque femaine; & lorfqu'en 1738 il fe fut démis de fa Charge, il donna à cette espèce d'Académie, par fon exemple & par fon affabilité, un accroiffement & une consistance qui ne laiffoient à defirer que la fanction royale, pour qu'elle en pût prendre le titre (2).

Mais les différentes tentatives faites pour établir une Société littéraire en cette Ville, n'avoient fait que prouver la poffibilité de cet établissement;

(1) Cette Bibliothéque non moins précieufe par le grand nom bre de manufcrits qu'elle renfermoit, que par celui des livres qui la compofoient, a paffé entre les mains de M. Chartraire de Bourbonne, Préfident à Mortier au Parlement de cette Ville, gendre de M. ie Préfident Bouhier; elle eft poffédée actuellement par M. de Bourbonne le fils, auffi Préfident à Mortier, & Académicien honoraire ; l'un & l'autre l'ont confidérablement augmentée.

(2) MM. le Baron de la Baftie, Bazin, Desforets, Leauté Tréforier de la Cathédrale, les PP. Oudin & Hennin, Jéfuites, la compofoient; MM. Coquard, Michault & l'Abbé Joly y furent admis en 1738. Sa derniere féance eft du 17 Avril 1746, dix jours avant la mort du Littérateur célèbre qui l'avoit formée.

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