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tions de ces ennemis du S. Siége. Les Réformateurs profiterent donc des difpofitions générales, ils ne les firent point naître ; leur Siécle leur donna le ton, & ne le prit point d'eux; les temps étoient arrivés, on n'attendoit qu'un Novateur, Luther paroît, l'Eglife eft déchirée, l'Europe divifée. Abhorré ou révéré, ce nom de Luther eft immortel ; changez feulement un dégré dans la difpofition des efprits, ce Moine mouroit inconnu au fond de fon cloître.

Le feu qu'il alluma, couvoit depuis long-temps fous la cendre; un defir, un befoin univerfel de réfor me, s'étoit annoncé envain pendant plufieurs Siécles. Il faut l'avouer, c'eft dans les combats, c'est dans les épreuves que la vertu s'épure & s'affermit; plus l'Eglife s'approchoit fur la terre de cet état de triomphe, qui lui eft réfervé dans le Ciel, plus fa fainteté première s'altéroit les époques de Conftantin & de Charlemagne furent fata

;

les; ces richeffes fi décriées dans l'Evangile, cette puiffance qui lui eft au moins étrangère, ce Royau. me temporel joint au Royaume fpirituel, tous ces principes de corruption & de mort fermenterent dans le fein de l'Eglife; on en vit bientôt les fruits, le relâchement de la difcipline, la dépravation des mœurs. Le défordre s'accrut avec le temps, il devint fi fenfible qu'il fallut fonger férieufement au reméde; on ne parla plus que de réforme. Toutes les bouches, toutes les plumes répétoient, qu'il falloit réformer l'Eglife dans le Chef & dans les Membres. C'étoit une phrafe de ftyle, & ce n'étoit que cela, car on n'y avoit aucun égard.» O qui me donnera, S. Bern. Ep. difoit Saint Bernard dès le dou-257. ad Eug. zième Siècle, » qui me donnera de

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» mourir, en voyant l'Eglife de » Dieu telle qu'elle étoit dans fes » premiers jours! Les Conciles de Vienne, de Pife, de Conftance, de Bâle, ne parlent que de réforme & de reftauration ; ils commencent

Papam.

l'ouvrage & ne l'achevent pas, mais le vœu de l'Eglife, toujours trompé, eft toujours exprimé.

Eneas Sylvius nous a confervé une Lettre du Cardinal Julien Céfa

rini au Pape Eugêne IV. où ce CarEn. Sylv. dinal prédit tout ce qui arrivera un de geftis Ba- fiécle après ; il menace l'Eglife d'une filiens. Con- réforme violente & irrégulière de la

Commentar.

cil.

part de fes ennemis, fi elle ne fe hâte de les prévenir par une réforme volontaire. » On fe jettera fur nous, ditil, comme ont fait les Huffites, quand → on verra que nous promettons en vain » de nous corriger. Les efprits des hom» mes font dans l'attente de ce qu'on fe»ra, ils femblent devoir bientôt enfan»ter quelque chofe de tragique...... La coignée eft à la racine, l'arbre pen che, & au lieu de le foutenir, pendant » que nous le pourrions encore précipitons fa chûte........ Dieu nous »ôte la vue de nos périls, comme il » a coutume de faire à ceux qu'il veut punir; le feu eft allumé devant nous, » & nous y courons.

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nous

Ce Cardinal du quinziéme fiécle

voyoit bien & difoit bien, par confé. quent on ne l'écoutoit pas.

Mais que s'agiffoit-il de réformer? Etoit-ce la Foi? L'Eglife Romaine foutient qu'au milieu de tant de défordres, elle conferva toujours le dépôt de la Foi pur & entier felon les promeffes. La difcipline étoit donc le feul objet de réforme. Aussi l'Eglife dans le tems où elle étoit le plus frappée de la néceffité de cette réforme, condamna-t'elle les Albigeois, les Vaudois, les Viclefites, les Huffites qui attaquoient la Foi, tandis qu'elle applaudiffoit aux efforts des Durand, des Dailly, des Gerfon, qui s'élevoient contre le relâchement des mœurs & de la difcipline.

Quant à la réforme de Luther & de fes fucceffeurs, on s'en ferait une fauffe idée, fi l'on imaginoit des Po litiques & des Philofophes, examiBant les fondemens de la Foi, les principes de la difcipline, & l'efprit du Chriftianifme, réfléchiffant fur les maux de l'Eglife, en cherchant

Tome VI.

G

le remède, formant un fyftême, com binant des vûes ou même ayant des vûes. Luther fut toujours entraîné par les conjonctures ; il marcha fans favoir où il tendoit, il n'eut ni plan ni deffein, il confondit dans fes attaques & la Foi & la discipline; une querelle de Moines lui mit la plume à la main, l'orgueil fit le refte. Chaque incident produifit une doctrine nouvelle; le Pape le condamna, le Pape fut l'Anté-Chrift; l'Eglife le condamna, l'Eglife fut l'EmpireAnti-Chrétien. Quelques difciples de Luther voulurent à leur tour être chefs de fecte, parce que, comme dit Tertullien, ce qui a été permis à Valentin, l'eft auffi aux Valentiniens, & les Marcionites ont le même droit que Marcion; ils modifièrent, ils corrigèrent, ils combattirent, ils détruifirent les idées de Luther, mais fans ceffer de le reconnoître pour leur chef. Dans les derniers tems la lumière de la Philofophie, répandue par-tout, a introduit dans la réforme des idées de

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