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1515.

de leurs affaires publiques. L'Evě que de Pefaro, nommé Paris de Graffis, Maître des Cérémonies du Pape, a donné une relation affez curieufe de l'entrevûe de Bologne. Tout ce qui concerne le cérémonial, y eft détaillé. Nous n'en rapporterons ici que quelques traits. Le Pape étant affis fur fon Trône, le Roi lui baifa les pieds, les mains & la bouche; après cet acte de refpect, il lui dit avec une gaîté Françoise, qui parut digne de remarque en Italie: TrèsSaint Pere, je fuis charmé de voir ainfi face à face le Souverain Pontife, Vicaire de Jefus-Chrift: Je fuis le fils & le ferviteur de Votre Sainteté; me voilà prêt d'exécuter fes ordres. Le Pape voyant un fi grand Prince à ses pieds, s'écria: C'est à Dieu, & non à moi que ceci s'adreffe. Après la cérémonie de l'obédience, le Pape ayant quitté fes habits pontificaux, vint rejoindre le Roi à une fenêtre, mais le Maître des cérémonies fut inexorable fur le cérémonial, & ne permit point au Pape de fe relâcher fur cet

article, comme avoit fait Alexandre VI. lorfque Charles VIII. étoit venu 1515 à Rome; il fallut que Léon X. réfiftant à fa civilité naturelle, observât fcrupuleusement de ne fe découvrir jamais, de ne pas même porter la main au bonnet, quand il pouvoit être apperçu des affiftans. Le Pape officia en préfence du Roi le 12 Décembre dans l'Eglife de Sainte Pétrone. C'est dans ces cérémonies religieufes que les Souverains rendent le plus d'honneurs aux Pontifes parce que c'eft-là que ces honneurs tirent le moins à conféquence. Le. Roivoulut y faire la fonction de Caudataire.

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Quand on fut à la Communion, le Pape demanda au Roi s'il vouloit la recevoir, François répondit qu'il ne s'étoit pas préparé pour cela, mais qu'il y avoit plufieurs perfonnes de fa Cour qui vouloient communier de la main du Pape ; le Pape en communia environ quarante, le Roi prenoit foin lui-même d'écarter la foule pour ne presenter au Pape

que les plus diftingués de fes cour JS15. tifans. Un d'entr'eux trouvant quelque difficulté à pénétrer jusqu'au fanctuaire, cria d'une voix forte : Saint Pere, puifque je ne fuis pas affez heureux pour communier de votre main, au moins je veux me confeffer à vous; & parce qu'il ne m'eft pas poffible de vous dire mon péché à l'oreille, je vous déclare tout haut que j'ai combattu en ennemi, & autant qu'il m'a été poffible contre le Pape Jules II.& que je ne me fuis point mis en peine des cenfures fulminées à cette occafion. A ce difcours, qui attira l'attention de l'affemblée furprife, le Roi dit tout haut qu'il étoit dans le même cas, la plûpart des Seigneurs de fa fuite en dirent autant; tous demanderent l'absolution, le Pape la leur donna fur le champ de peur qu'ils ne s'en paffaffent encore. François I. abfous comme les autres, lui dit tout haut: Saint Pere, ne foyez point furpris que tous ces gens-ci ayent été ennemis du Pape Jules; car c'étoit bien auffi le plus grand de nos adverfaires, & nous n'avons ja

mais connu d'homme plus terrible dans les combats. Il auroit été mieux à la tête d'une armée que fur le Trône de S. Pierre.

Il faut obferver que Léon X. luimême, trois ans auparavant,, n'étant à la vérité que Cardinal, avoit été pris les armes à la main par les François à la bataille de Ravenne.

Après ce petit discours assez ferme, le Roi reprit fes humbles fonctions, & donna à laver au Pape.

L'affaire de la Pragmatique étoit trop délicate pour pouvoir être terminée dans les quatre jours que François paffa dans Bologne; le Pape demandoit une révocation abfolue de la Pragmatique, le Roi vouloit un Concordat qui en tînt lieu. Ils fe féparèrent; mais en quittant Bologne, le Roi y laiffa le Chancelier Duprat pour traiter cette affaire avec les Cardinaux d'Ancône & de Santiquatro, nommés par Léon X. Ce Pontife, pour fe rendre le Roi plus favorable, avoit donné le chapeau à l'Evêque de Coûtance, frere du

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Grand-Maître de Boify, depuis Evêque d'Alby, & Légat en France.

Le Chancelier Duprat étoit veuf & chargé d'une affez nombreuse famille; la faveur de la Ducheffe d'Angoulême, en l'élevant de la profesfion d'Avocat aux plus éminentes dignités de la Magiftrature, ne l'avoit point enrichi (1); on ne s'enrichiffoit que dans l'état Eccléfiafti que; mais tant que les élections auroient lieu, le Chancelier ne pouvoit rien espérer. Des enfans des plus grands Seigneurs avoient eu foin d'entrer dans les Chapitres ou dans les Monaftères pour pouvoir être élus un jour. Le choix de ces corps ne tomboit ordinairement que fur leurs membres; le Chancelier n'a

(2) Il exerça la Profeffion d'Avocat à Paris, & fut fucceffivement Lieutenant-Général au Bailliage de Montferrand en Auvergne, Avocat Général au Parlement de Toulouse, Maître des Requêtes, Président, du Parlement de Paris, Chancelier, puis Cardinal; & il fut fucceffivement, ou en même tems Archevêque de Sens, Evêque de Meaux d'Alby, de Valence, de Die, de Gap, & Abbé de Fleury ou S. Benoît-ft-Loire,

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