Imágenes de páginas
PDF
EPUB

qui ne gênent aucunement la foupleffe des membres.

Ses inférieurs fe tiennent à genoux le derrière appuié fur leurs talons. Les perfonnes. d'une haute diftin&tion occupent un fopha exhauffé d'où ils dominent fur l'affemblée. (1) Tel Enée dans le palais de Didon étoit à la place d'honneur, lorfqu'affis fur un lit élevé, il racontoit à la reine le défaftre de Troie réduite en cendres. Auffi-tôt que chacun eft placé, les esclaves apportent la pipe, le café, & pofent au milieu du fallon une caffolette avec des parfums dont la vapeur fuave remplit l'appartement. Ils préfentent enfuite les confitures, & le forbet.

Le tabac dont on fait ufage en Egypte vient de Syrie. On l'apporte en feuilles que l'on coupe en longs filamens. Il n'a point l'âcrete de celui d'Amérique. Pour le rendre plus agréa

(t) Inde toro pater Æneas fic orfus ab alto. Æneïde, liv. 2. L'épithète de pater que Virgile donne à Enée prouve que ce grand poëte connoiffoit parfaitement les mœurs des Orientaux, chez qui le nom de père eft le titre le plus refpectable que l'on puiffe donner à un homme. Encore de nos jours ils fe font un honneur de le porter. A la naiffance d'un fils ils quittent leur nom propre & s'appellent, le père d'un tél.

ble on y mêle du bois odorant d'aloës. Les pipes faites ordinairement de jasmin ont le bout garni d'ambre. Souvent on les enrichit de pierres précieuses. Commé elles font extrêmement longues (u), la vapeur que l'on afpire eft douce. Les Orientaux prétendent qu'elle chatouille agréablement le palais, en même temps qu'elle flatte l'odorat. Les gens riches fument dans des appartemens élevés & percés d'un grand nombre de fenêtres.

Vers la fin de la vifite, un esclave tenant en fa main un plat d'argent où brûlent des effences précieuses, l'approche du vilage des affiftans. Chacun à fon tour s'en parfume la barbe. Ils versent enfuite de l'eau rofe fur la tête & les mains. C'eft la dernière des cérémonies, après laquelle il eft permis de fe reti rer. Vous voyez, Monfieur , que l'usage antique de fe (x) parfumer la tête & la barbe, célébré par le prophète roi, fubfifte encore de nos jours. Anacréon, le père de la joie, le poëte des graces ne ceffe de répéter dans

(u) On voit des pipes de quinze pieds de long. Elles en ont ordinairement cinq ou fix.

(x) Sicut unguentum optimum in capite, quod def cendit in barbam Aaron. Pfeaume 132.

fes odes, « (y) J'aime à me parfumer d'effences précieuses, & à me couronner la tête de >>rofes.

"

Vers midi on dreffe la table. Un grand plateau de cuivre étamé reçoit les plats. La variété n'y brille point, mais les mets font abondants. Au milieu s'élève une montagne de riz cuit avec de la volaille, affaifonné de fafran & de beaucoup d'épices. On place à l'entour des viandes hachées, des pigeons, des concombres farcis, des melons délicieux & des fruits. Le roti eft formé de viandes coupées en petits morceaux, recouverts des graiffes de l'animal, affaifonnés de fel, embrochés & cuits fur les charbons. Il eft tendre & fucculent. Les convives s'affeient fur un tapis autour de la table. Un efclave tenant un baffin & une aiguière donne à laver. C'eft une cérémonie indifpenfa-. ble dans un pays où chacun porte la `main au plat, & où l'ufage des fourchettes eft inconnu. On la réitère à la fin du repas. Ces coutumes paroiffent très-anciennes dans l'Orient.

Menelas & la belle Hélène après avoir comblé de préfens Télémaque & Pififtrate, leur donnèrent le feftin d'hofpitalité (z). « Le blond

(y) Anacréon, Ode quinzième.
(z) Odyffée, chant quinzième.

>> Menelas conduit fes hôtes au lieu du banquet:

Il les fait affeoir fur des trônes. Une efclave » portant dans ses mains une aiguière d'or avec » un baffin d'argent leur présente à laver. Elle pose devant eux un platteau brillant & poli » fur lequel elle arrange les mets ».

La manière dont le fils de Thétis reçoit les députés des Grecs reffemble beaucoup à celle dont les Egyptiens traitent leurs couvives.

» (a) Achille appercevant les députés des » Grecs, fe lève, leur ferre la main, leur » donne le falut.... & les introduit dans fa tente, » où il les fait affeoir fur des lits de repos (b), >> couverts de tapis de pourpre... On prépare » le feftin. Automedon tient les chairs; le » noble Achille les divife en morceaux & les »embroche. Menetius mortel femblable à un » Dieu, allume le feu, étend les charbons, » arrange les broches fur la braise & y répand » le fel facré...... Achille affis en face du divin Ulyffe partage les viandes.... Les convives » portent les mains fur les mets (c) qui leur

[ocr errors]

(a) Iliade, liv. 9.

(b) Ce font les fophas des Orientaux qui leur fervent tour-à-tour de fièges & de lits.

(c) Sans doute qu'ils les prenoient avec les doigts comme cela fe pratique encore aujourd'hui.

> font fervis». Un poëte qui auroit eu moins de génie qu'Homère eut cru déshonorer un poëme rempli de magnifiques descriptions en y mêlant ces détails. Cependant, combien ils font précieux, puifqu'ils nous font connoître la fimplicité des mœurs antiques, fimplicité perdue pour l'Europe, mais encore vivante dans les contrées orientales.

Après dîner, les Egyptiens fe retirent dans le harem où ils fommeillent pendant quelques heures au milieu de leurs enfans & de leurs femmes. C'est pour eux une grande volupté d'avoir un lieu commode & agréable pour repofer. Auffi, Mahomet qui ne négligeoit rien de ce qui pouvoit féduire des hommes dont il connoiffoit les goûts & les befoins, leur dit: (d) Les hôtes du paradis jouiront » des douceurs du repos, & auront un lieu » délicieux pour dormir à midi.

Les pauvres qui n'ont ni fopha ni harem, fe couchent fur la natte où ils ont dîné. Ainsi, lorsque J. C. fit la cène avec fes difciples (e), celui qu'il aimoit repofoit la tête appuyée fur fon fein.

(d) Le Coran, ch. 25, p. 119.

(e) Erat ergo recumbens unus ex difcipulis ejus in fine Jefu quem diligebat Jefus. S. Jean, ch. 13 v. 23.

« AnteriorContinuar »