Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Severe (c) & l'hiftoire nous apprend que cet Empereur vifita l'Egypte (d), donna un Sénat à la ville d'Alexandrie, & mérita bien de fes habitans. Cette colonne fut une marque de leur gratitude; l'infcription grecque à moitié effacée que l'on y voit du côté de l'occident, lorfque le foleil l'éclaire, étoit fans doute lifible du temps d'Abulfeda, & confervoit le nom de Sevère. Ce n'eft pas le feul monument que la reconnoiffance des Alexandrins lui ait élevé. On voit au milieu de ruines d'Antinoë, bâtie par Adrien, une magnifique colonne dont l'inscription encore fubfiftante, la dédie à Alexandre Sevère.

A une demi-lieue au midi de la ville, on descend dans des catacombes, ancien afyle des morts. Des allées tortueufes conduifent à des

(c) « Oua escanderié ala chat bahr elroum, oua beha » elmenarat el machhoura, oua beha Aamoud Severi.

Alexandrie eft bâtie für le bord de la mer, elle pof» sède un phare fameux & la colonne de Sévere. Abulfeda, defcription d'Egypte..

(d) L'Empereur Sévere fe rendit dans la ville d'Alexandrie. Il accorda un fénat à fes habitans, qui jusqu'a· lors foumis à l'autorité d'un feul magiftrat Romain avoient vécu fans confeil nationnal comme fous les Ptolemées, où la volonté du Prince étoit leur loi. Sévere ne borna pas 1à ses bienfaits, il changea plufieurs loix en leur faveur. Spartien, ch. 17, vie de l'Empereur Sévere.

[ocr errors]

grottes fouterraines où ils étoient déposés. Le fauxbourg de Necropoli (e), s'étendoit jusque-là. En avançant du côté de la mer, on trouve un grand baffin creufé dans le rocher, qui borde le rivage fur les côtés de ce baffin, on a taillé au cifeau deux jolies falles, avec des bancs qui les traversent. Un canal fait en zig zag, afin que le fable s'arrête dans les détours, y conduit l'eau de la mer : elle y vient pure & transparente comme le cryftal. J'y ai pris le bain. Affis fur le banc de pierre, on a de l'eau un peu au-deffus de la ceinture. Les pieds repofent mollement fur un fable fin. On entend les vagues bruire contre le rocher, & frémir dans le canal. Le flot entre, vous foulève, fe retire, & en rentrant & fortant tour à tour, apporte une eau toujours nouvelle, & une fraîcheur délicieufe, fous un ciel embrâfé. On appelle vulgairement ce lieu, le bain de Cléopatre. Des ruines annoncent qu'autrefois il étoit orné.

Je ne puis, Monfieur, quitter cette ville fans vous rappeler quelques-uns des faits memorables, dont elle a été le théâtre. Près de ce monticule, Céfar incendiant l'arfenal des Alexan

(e) La ville des morts. On y voyoit des jardins, des temples, & de fuperbes maufolées.

drins, brûla une partie de la bibliothéque des Ptolemées. A l'extrêmité de ce port, repouffé par les ennemis, il fe jetta tout armé dans les flots, & toujours maître de fon ame, il prévit que la foule des fuyards feroit couler bas fon navire, & en gagna à la nage un autre plus éloigné. Cette présence d'efprit le fauva, car fon vaiffeau fut englouti avec ceux qui s'y étoient précipités. Là, Cléopatre célebre par fa beauté, fes talens & fes artifices l'enlaca dans fes filets, enchaîna fon indomptable activité, & l'endormant au fein des voluptés, le conduifit à fa fuite dans un voyage fur le Nil, quand il auroit dû faire voile pour Rome dont cette complaifance pouvoit lui fermer à jamais l'entrée. Près de ces colonnes, tristes débris du gymnafe, l'orgueilleufe Reine d'Egypte, affife fur un trône d'or, reçut aux yeux de l'univers, le titre d'époufe d'Antoine, qui lui facrifia fa gloire. Ayant perdu dans les plaifirs le temps de vaincre, elle fe fit mordre par une vipère, il fe perça de fon épée, & leur mort offrit un grand exemple à la postérité.

Le Mufée dont ces décombres m'annoncent l'emplacement, fut l'afyle des fciences. Appien, Herodien, Euclide, Origène, Philon & une foule d'autres favans les y cultivérent. Main

tenant l'ignorance & la barbarie ont couvert

la partie des beaux arts. Il faudroit une grande révolution pour leur rendre la vie.

Cette lettre, Monfieur, eft fort longue, je n'y joindrai point des obfervations fur les mœurs & le commerce des Alexandrins. Ces détails auront leur tour. Je me hâte de quitter une ville où l'on vit au milieu des ruines, où tous les objets infpirent la trifteffe, où les habitans font un mélange de Mores & de Turcs, que des crimes ont chaffé de leur patrie, où les Arabes Bedouins viennent vous dépouiller en plein jour, où enfin toute la nature morte pendant onze mois de l'année, ne se pare un instant de verdure que pour caufer de longs regrets. J'ai l'honneur d'être, &c.

LETTRE III

A. M. L. M.

A Rofette, le

Les voyageurs, Monfieur, qui vont d'Alexan

drie à Rofette par terre, laiffent à droite le canal. de Facüé, paffent près des débris du grand Cirque, & rencontrent fur leur gauche les ruines de Nicopolis. Ce fauxbourg avoit été embelli par Augufte, après la victoire qu'il y remporta fur Antoine. Durant l'efpace de deux lieues ce ne font que monceaux de décombres, qui couvrent des reftes précieux d'antiquité. On cotoie enfuite le rivage de la mer. La vue s'étend d'un côté fur les flots, & de l'autre fur des campagnes fabloneufes. Des dattiers épars ça & là interrompent la trifte uniformité de ces plaines arides. L'hyver, les Arabes Bedouins y font paître leurs troupeaux. L'été, ils y ramaffent la foude (f) en monceaux, la brûlent, & en vendent les cendres aux

(f) La foude eft une plante rampante qui croît dans les fables.

« AnteriorContinuar »