Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Alexandrins qui la transportent en Sirie & dans l'île de Crete, où elle fert à la fabrication du Savon. Ces tribus errantes, au premier bruit d'une révolution en Egypte, montent à cheval, infeftent les chemins, & dépouillent les voyageurs. A fix lieues d'Alexandrie, on rencontre (g) la Madié, où l'on paffe un bac. C'est l'extrêmité de la branche Canopique. Elle part de Faoüé, traverse le lac de Behiré, qui a fept lieues de tour, & se jette dans la mer près d'Aboukir (h). Cette bourgade eft l'ancienne Canope. Sa diftance de fix lieues du Phare, fa pofition fur le bord de la mer, s'accordent parfaitement avec la description que les anciens nous ont donnée de Canope. Pline qui avoit recueilli les temoignages de l'antiquité, dit qu'autrefois c'étoit une île. L'afpect des lieux le fait croire. Les terres font fi baffes aux environs, que la mer en couvroit encore une partie au temps de Strabon (i). La ville bâtie fur un rocher, qui forme une belle rade, étoit à l'abri de l'inondation.

(g) Madié, en Arabe fignifie paffage d'un lac, ou d'un fleuve.

(h) Ce lieu eft connu fous le nom de Bekier parmi les marins..

(i) Strabon, liv. 17.

(k) Canope reçut fon nom du pilote de Menelas, qui y mourut. On y voyoit encore fon tombeau dans le fiècle où S. Epiphanes écrivoit. L'agrément de fa fituation, fon temple de Serapis, l'industrie de ses Prêtres, en firent un des plus fameux pélérinages de l'Egypte. On s'y rendoit en foule des provinces les plus éloignées, & fur-tout d'Alexandrie. La licence préfidoit aux fêtes; le plaisir plus encore que la réligion y conduifoit les adorateurs du Dieu. Les Prêtres n'étoient pas moins confultés comme Médecins, que comme interprêtes de l'oracle. Habiles à rétablir les organes affoiblis de leurs malades par des bains parfumés, à reparer le délabrement de leur estomac, par une nourriture adouciffante, pleine de fucs, & mêlée d'aromates, à échauffer leur imagination par des peintures voluptueuses, ils parvenoient à rendre des fens à ceux qui les avoient perdus. Ces cures, dont ils attribuoient l'honneur à Serapis, étoient écrites dans un registre qui éblouiffoit les yeux du peuple & entretenoit leur célébrité. Jamais divinité n'eût plus d'a

(k) Strabon, liv. 17. Diodore de Sicile. S. Epiphanes, livre 4, ch. 3. Ces témoignages confirment le fentiment d'Homère qui fait aborder Menelas çn Egypte. Odyssée,

livre 4.

dorateurs; jamais Prêtres ne recurent plus d'offrandes (1). Strabon affure que le canal qui conduit d'Alexandrie à Canope, étoit rempli nuit & jour de bateaux & de pélerins, dont les chants & la danfe offroient l'image de la joie folle & de la derniere licence. Aujourd'hui le canal eft à fec une partie de l'année, & la ville ruinée ne préfente aux regards que des mafures, & un château garni de quelques pièces de canon pour défendre la rade.

(1) Canope a un temple confacré à Serapis. On y rend un culte particulier à ce Dieu. Les plus honnêtes gens mêmes y croient.... Des prêtres font occupés à écrire les guérifons miraculeufes qui s'y opèrent; d'autres, les oracles qui s'y font rendus. Mais ce qu'il y a de plus étonnant, c'eft l'affluence prodigieufe de peuple qui fe raflemble de toutes parts aux fêtes de Serapis & qui defcend le long du canal d'Alexandrie. Nuit & jour, il eft couvert de bateaux remplis d'hommes & de femmes qui.chantent & danfent avec une extrême licence, Straliv. 17.

bon,

Ces pélérinages en ufage dès le temps d'Hérodote, fubfiftent encore de nos jours. Les Païens alloient au temple de Sérapis. Les Turcs vont au tombeau de leurs fantons. Les Cophtes dans les églifes de leurs faints. Les uns & les autres s'y livrent à la joie ; & la gravité Turque n'a pu abolir ces danfes & ces chants pleins dé licence qui femblent avoir pris naissance avec les Egyptiens.

Après avoir paffé le bac de la Madié, on trouve un caravanferai, seul afyle contre les feux d'un ciel brûlant, pendant une marche de quatorze lieues. Au-delà s'étend une plaine ftérile, où l'on n'apperçoit ni arbre, ni buiffon, ni verdure. Les yeux y font fatigués par un torrent de lumiere; la peau eft brûlée par l'ardeur du foleil. Onze colonnes placées de diftance en diftance, fervent à diriger le voya

geur à travers ce défert, dont le vent fait mouvoir les monticules de fable comme les vagues de l'ocean. Malheur à celui qu'un tourbillon du midi furprend au milieu de cette folitude! s'il n'a pas une tente pour se mettre à l'abri, il eft affailli par des flots de pouf fière embrâfée, qui lui rempliffant les yeux & la bouche, lui ôtent la refpiration & la vie. Le parti le plus fage eft de faire cette route la nuit. On découvre au point du jour les palmiers & les (m) fycomores, qui couronnent

(m) Le fycomore d'Egypte produit une figue qui croît fur le tronc de l'arbre & non à l'extrêmité des rameaux. On la mange, mais elle eft un peu fèche. Cet arbre devient fort gros & très-touffu. Rarement il s'éleve droit. Ordinairement il fe courbe & devient tortueux. Ses branches s'étendant horisontalement & fort loin donnent un bel ombrage. Sa feuille eft découpée, & fon bois im

les bords du Nil, & l'on arrive à Rosette; baigné de fueur & de rofée.

Quand après un long féjour, au milieu des ruines, & un voyage très fatiguant, on fe

[ocr errors]

trouve dans une ville riante, entourée de bofquets & de verdure, l'ame fe dilate, & l'on eft plus difpofé à jouir de toutes les beautés de la nature. Telle eft la fituation du voyageur qui vient de quitter Alexandrie pour habiter Rofette. Echappé aux horreurs du défert, il se croit transporté dans un nouvel Eden, où tout offre l'image de l'abondance.

Rofette appellée Rafchid par les Arabes, est fituée fur l'ancienne branche Bolbitine, à laquelle elle a donné fon nom. Sa fondation remonte au huitième siècle (n). Les enfablemens

prégné d'un fuc amer n'est point sujet à la piquûre des infectes. Le fycomore vit plufieurs fiecles,

(n) Le pere Sicard, Pókoke, Nieburh, & les autres voyageurs n'ont pas fixé la fondation de Rofette. Elmacin, p. 152, nous apprend qu'elle fut bâtie pendant le règne d'Elmetouakkel, Calife de Bagdad, vers l'an 870 de notre Ere, & fous le pontificat de Cofma, patriar che des Jacobites à Alexandrie. M. Mailler ne lui donne que cent ans de fondation, & croit qu'elle remplace Canope, c'eft une erreur. Profper Alpin a commis la même faute.

1

« AnteriorContinuar »