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des anciens (a) qui donnoient cinquante-quatre lieues au Delta, depuis Pelufe jufqu'à Canope, & quatorze depuis Canope jufqu'à Tapofiris.

On divife l'Egypte en haute & en baffe. La première n'eft qu'une longue vallée, qui commence à Syenne, & finit au grand Caire. Deux chaînes de montagnes qui partent de la dernière cataracte, en forment les vaftés contours. Leur direction est du midi au nord, jusqu'à la hauteur du Caire, où fe féparant à droite & à gauche, l'une va gagner le mont Colzoum;

(a) Diodore de Sicile & Strabon donnent à la base du Delta qui s'étendoit de puis Pelufe jufqu'à Canope aujourd'hui Alboukir, 1300 ftades que l'on peut évaluer à¦54 lieucs. Ajoutez enfuite quatorze lieues depuis Canope jufqu'à la tour des Arabes, vous aurez 68 lieues. Hérodote compte 60 fchènes, c'eft-à-dire, 80 lieues depuis le mont Cafius jusqu'au golphe de Plintiné où étoit fituée Tapofiris. Le mont Cafius eft 12 lieues à l'orient de Pelufe; en retranchant ce nombre du premier, il reftera également 68 lieues de Pelufe à Tapofiris. Il est évident que ces deux Géographes ont mefuré la même étendue de pays en ligne droite, & non en fuivant, comme Hérodore, la bafe du Delta. Car depuis Hérodote jufqu'à leur temps, cette partie de l'Egypte s'étoit déja accrue par l'immenfe quantité de fable que le Nil entraîne dans fon cours; & s'ils avoient fuivi le rivage de la mer, ils auroient trouvé une augmentation confidérable.

l'autre fe termine en collines de fables près d'Alexandrie. La première eft composée de rochers hauts & efcarpés; la feconde eft formée de monticules fabloneux, affis fur une base de pierre calcaire. Au-delà de ces montagnes, font des déferts qui ont pour bornes la mer rouge à l'orient, & à l'occident l'éten due de l'Afrique: au milieu s'étend cette longue plaine, qui n'a pas plus de neuf lieues dans fa plus grande largeur. C'eft-là que le Nil promène fes eaux entre deux barrières. infurmontables. Tantôt fleuve tranquille, il fuit lentement le cours que la nature & l'art lui ont tracé: tantôt torrent impétueux, rougi des fables de l'Ethiopie, il fe gonfle, franchit fes bords, domine fur les campagnes, & couvre de fes flots un espace de deux cens lieues. C'eft dans cette vallée célébre que les hommes allumèrent pour la premiere fois le flambeau des fciences, dont la lumière se répandit dans la Grèce (4) &

(b) Hérodote, Strabon & Diodore de Sicile, difens précisément que les Grecs ont puifé la plus grande partie de leurs connoiffances en Egypte. C'est delà qu'Orphée & Homère apportèrent la mythologie, & les filles de Danaüs, les mystères.de Cérès. C'eft-là que leurs philofophes étudièrent l'aftronomie, & leurs légiflateurs fa fcience du gouvernement.

éclaira fucceffivement le refte de la terre. Cette vallée est toujours auffi féconde que dans les beaux jours de Thèbes; mais elle eft bien moins cultivée, & fes villes fameufes font renverfées dans la pouffière. Le defpotisme & l'ignorance affis à la place des Loix & des Arts, les y tiennent enfevelies.

La baffe Egypte comprend tout le pays qui fe trouve entre le Caire, la Méditerranée, l'ifthme de Suès & la Lybie. Cette plaine d'une immense étendue, offre fur fes bords des fables arides une bande de terres cultivées le long des canaux du fleuve, & au milieu l'ifle triangulaire, à laquelle les Grecs donnèrent le nom de Delta. Elle eft formée par les deux branches du Nil, qui fe féparant à Batn el bakara, le ventre de la vache, vont fe jetter dans la mer audeffous de Damiette & de Rofette. Cette île la plus fertile du monde, a beaucoup perdu de fon étendue, puifqu'elle avoit autrefois pour limites Canope & Pelufe (c). Les ravages des conquérans ayant ruiné le boulevard oriental de l'Egypte, les cultivateurs trop expofés aux incurfions des Arabes, fe font retirés dans l'intérieur du pays. Les canaux qui y portoient

(c) Strabon, livre 17.

les eaux & la fécondité fe font comblés. La terre ceffant d'être arrofée, & continuellement brûlée par l'ardeur du foleil, s'eft convertie en fable ftérile. Aux lieux où l'on voyoit autrefois de riches campagnes, des villes florif fantes (d), fur la branche Pelufiaque, Tanitique & Mendéfienne, qui partent toutes trois du canal de Damiette, on ne trouve aujourd'hui que quelques miférables hameaux entourés de dattiers & de déferts. Ces canaux jadis navigables (e) ne font plus qu'une vaine représentation de ce qu'ils étoient. Ils ne communiquent avec le lac Menzalé, que pendant quelques inftans de la crue du Nil. Le refte de l'année ils font à fec. En les creufànt, en ôtant le limon que le fleuve y dépofe, depuis que les Turcs fe font emparés de l'Egypte, on ferti liferoit les campagnes qu'ils traverfent, & l'on rendroit au Delta le tiers de fa grandeur.

Maintenant, Monfieur, que vous avez une idée générale de l'Egypte, arrêtez vos regards fur ce riche pays, & fuivez les changemens qu'il

(d) Bubafte, Pelufe, Phacufe & toutes les villes qui étoient dans la partie orientale du Delta font entiérement détruites.

(e) Les branches Pelufiatique, Tanitique, & Mendé fienne étoient autrefois navigables.

a éprouvés. Au-delà des temps, dont l'hiftoire nous a confervé l'époque, des peuples defcendirent des montagnes qui bordent la cataracte, dans la vallée que le Nil inondoit (ƒ); c'étoit un marais impraticable couvert de joncs & de rofeaux. Après des effais multipliés & fouvent funeftes, ils découvrirent les plantes qui leur étoient falutaires; ils diftinguèrent le (g) lotus qu'Hérodote appelle le lis du Nil, le rofeau que nous nommons la canne à fucre, & qui a confervé dans le pays, le nom primitif de

(f) Herodote, p. 40, Euterpe ; Diodore de Sicile, liv. premier, & Strabon, liv. 17, affurent le même fait.

(g) Le lotus eft une nymphée particuliere à l'Egypte, qui croît dans les ruiffeaux & au bord des. lacs. Il y en a de deux efpeces, l'une à fleur blanche, & l'autre à fleur bleuâtre. Le calice du lotus s'épanouit comme celui d'une large tulippe, & répand une odeur fuave, approchante de celle du lis. La premiere efpece produit une racine ronde femblable à une pomme de terre. Les habitans des bords du lac Menzalé s'en nourriffent. Les ruiffeaux des environs de Damiette font couverts de cette fleur majeftneufe qui s'éleve d'environ deux pieds audeffus des eaux. M. Paw affure qu'elle a difparu de l'Egypte, & en donne une defcription qui ne lui reflemble aucunement, Recherches fur les Egyptiens & les Chinois, page 150; mais il n'est pas étonnant que ce favant se foit trompé, puifque la plupart des voyageurs qui ont parcouru l'Egypte n'ont jamais vu le lotus, qui ne fe

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