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On peut rendre très-claire cette idée, par le raifonnement fuivant. Qui dit mouvement, dit fucceffion, c'est une de fes proprietés effentielles. Qui dit fucceffion, dit une maniere d'être, qui n'est point renfermée dans de certaines bornes, c'est-à-dire une maniere d'être qui n'est point fixe, qui n'est point déterminée, & n'a point une certaine précision dont elle ne puiffe s'écarter. Dés qu'une application eft fucceffive, elle peut l'être moins & elle peut l'être plus. Un corps peut changer plus ou moins de fituation, cela fignifie qu'il peut le mouvoir plus ou moins, qu'il peut parcourir plus ou moins d'efpace; toutes ces expreffions font fynonimes, la fignifica tion de l'une emporte la fignification de l'autre ; ce que l'on défigne par l'une, eft infeparable de ce que les autres font entendre, c'est donc une neceffité qu'il y ait dans le mouvement du plus & du moins, & par conféquent le nom de quantité lui convient.

Quand plus d'espace eft parcouru, il y a plus de mouvement, quand moins d'espace eft parcouru, ou quand la concavité parcouruë eft d'une moindre capacité, il y

en a moins.

Pour avoir la grandeur d'une efpace, ou, ce qui revient au même, la capacité d'une furface concave, on fçait qu'il en faut multiplier la longueur par la baze; or les mêmes nombres dont on fe fert pour exprimer le raport de deux longueurs de chemin, ce font les mêmes nombres qu'on employe pour exprimer le raport des deux viteffes; car une viteffe eft à l'autre comme la longueur du chemin qu'un des mobiles parcourt à la longueur de celui que parcourt un autre mobile, dans le même tems.

Le poids d'un mobile répond à la baze de l'efpace parcouru, ce que je prouve ainfi. Qu'on fe reprefente un cube parfaitement folide, fi on le fupofe divifé en une infinité de tranches très-minces, qui parcourent l'une après l'autre la longueur d'une toile, c'est tout comme

fi

fi autant de toifes qu'il y a de tranches avoient été parcouruës par une feule de ces tranches. Donc pour avoir la grandeur de l'efpace parcouru, il faut multiplier une toile par la fomme de toutes les tranches. Le poids du cube donne cette fomme abfolument, fi la pefanteur eft quelque chofe d'absolu, il la donne relativement, fila pefanteur n'eft que relative; & cela fuffit, parce que quand on parle de la quantité du mouvement, on ne fe borne jamais à penfer au mouvement d'un feul corps en lui-même, mais on compare toûjours deux mouve

mens entr'eux.

Si toutes les tranches dans lefquelles on fupofe le cube divifé, au lieu d'être affemblées en cube,étoient rangées le bord infiniment mince de l'une fur le bord infiniment mince de l'autre, pour compofer une fimple furface en fituation verticales quand cette furface décriroit la longueur d'une toife, il fe parcourroit autant d'efpace tout d'un coup, qu'il s'en parcourt quand chaque tranche, fe mouvant à la fuite de l'autre, décrit l'efpace qui vient d'être parcouru par celle qui la pre

cede.

Quand le cube eft partagé en tranches, la concavité qui les embraffe a bien une furface incomparablement plus grande que celle qui envelope le cube, mais elle n'est pas d'une plus grande capacité, & ne renferme précisément que la même quantité d'étenduë; ainfi par raport à l'étenduë de la capacité parcouruë, n'importe quelle figure & quel agencement on donne à la même quantité de parties folides.

Si le premier cube que nous avons fupofé étoit divifé en un grand nombre de petits qui ne fe touchaffent que par leurs angles, laiffant entr'eux des intervalles d'une grandeur égale à la leur, la furface qui environneroit cet affemblage de parties folides & d'intervalles, feroit bien encore d'une capacité plus grande que celle qui environnoit le cube; mais la fomme des capacités

D

de toutes les furfaces qui environneroient les parties fo lides, feroit toûjours la même, & c'eft à ces parties fo lides, & à la capacité de la furface qui les renferme, qu'on a uniquement égard, quand il s'agit de la quantité du mouvement; parce que dans l'hypothese du vuide, il n'y a rien dans les intervalles ; & dans l'hypothefe oppofée, il font remplis d'une matiere fubtile & fluide, qui y coule avec facilité, & s'en échape fans ceffe; de forte qu'elle ne doit non plus entrer en ligne de compte, quand il s'agit de la force du mouvement, & de l'efficace du choc, que l'air enfermé entre les intervalles des cordes d'une raquette, n'est compté entre les caufes qui contribuent à pouffer une balle de jeu de paume.

par

Une furface verticale & infiniment mince, qui parcourroit la longueur de deux toifes, parcourroit un efpace ou une concavité, dont fi l'on vouloit avoir la capacité, il faudroit multiplier cette furface baze del'espace par deux toifes fa longueur. Or le poids de cette: furface verticale eft précisément la mesure de fon étenduë. Qu'on la conçoive enfuite divifée en plufieurs quarrés qui apliqués l'un fur l'autre forment un cube, ce fera le même poids, & fi le centre de ce cube court deux toifes, chacune des parties qui le compofent de côté & d'autre de ce centre dans le même plan, parcourra chacune une longueur differente de la longueur parcourue par fes voisines. Les autres parties du cube parcourront la même que celles qui les precedent auront déja parcouruë; mais c'eft comme fi chacune parcouroit une longueur feparée puifque chacune en parcourt l'équivalent. De quel le maniere que les parties de mobiles foient rangées, on multiplie toûjours le même poids par la même lon-gueur, & on a le même espace; & quand on a le même espace parcouru, on a la même quantité de mouvement. Le nombre qui marque le poids marque done

la baze de l'espace parcouru, & le nombre qui marque
la viteffe, marque la longueur de cet efpace; c'eft ce
qui a donné lieu à multiplier le poids par la viteffe,
pour avoir la capacité de l'espace parcouru, & par
la quantité du mouvement.

là,

té du mou vement •

Le mouvement étant l'état d'un corps qui parcourt La quanti un espace, & la quantité du mouvement étant toujours proportionnée à cet efpace, on voit qu'un mouvement c'est le ne differe de fa quantité.

pas

mouvement

même.

ce.

Auffi-bien

ceffaire de comparer , un corps en

Les corps n'ont de force que par leur mouvement la force du mouvement, c'eft le mouvement même ; ma- que la for niere d'être efficace & active de fa nature, efficace & active par là même qu'elle eft ; d'où il fuit que la force du mouvement & fa quantité font encore la même chose. Quand j'ai voulu me former une idée du mouvement, S'il eft ne & découvrir en quoi il confifte en le voyant naître, j'ai comparé le corps où je m'atendois de le voir furvenir je l'ai, dis-je, comparé avec la furface de celui qui l'en- mouvement vironnoit ; mais je n'ai point fait entrer dans ma definition le repos où j'ai d'abord conçu ce corps, en concevant pos. tout l'Univers en repos. Cette fupofition n'étoit point neceffaire. Un corps le meut par rapport à un autre dès qu'il change fa fituation par rapport à lui, & un corps peut changer de fituation par rapport à un autre qui fera en mouvement, tout comme par rapport à un autre qui

fera en repos. Deux corps partent de deflus la même ligne: L'un fait dans une minute une toile, un autre en fait deux : Celui-ci se meut par rapport à celui-là, comme s'il avoit fait une toise, par rapport à un corps en repos. De même un corps en mouvement eft pourtant en repos par rapport à celui avec lequel il garde la même fituation, & conferve les mêmes relations de diftance. Ainfi je fuis en repos par rapport au Globe de la Terre qui me foûtient, avec lequel j'avance d'Occident en Orient, fans changer de fituation à l'égard de ses parties. La fituation d'un corps par rapport à un au

avec des

corps en re

Le mouve ment eft un état relasif.

tre peut encore être changée fans qu'il ceffe d'être en
repos, pourvû que ce ne foit pas lui qui la change ic'eft
feulement celui qui fera ce changement de fituat onde
qui il fera vrai de dire qu'il eft en mouvement.

Si pour établir la nature du mouvement, il est necef-
faire de comparer un corps qui fe meut avec un autre.
en repos, que fera ton du corps en repos ? Le compa-
rera t-on avec un corps en mouvement? La notion du
repos entreroit-elle dans celle du mouvement, & celle
du mouvement dans la notion du repos ? Ce feroit un
cercle. Pour éviter cela, le comparera-t-on avec un
corps en repos, & faudra-t-il faire entrer l'idée du re-
pos
dans fa definition ?

Le mouvement existe hors de nous, indépendamment
de nos reflexions & de nos comparaifons. Si donc pour
s'aflurer du mouvement d'un corps, il falloit confiderer
celui avec lequel on le compare comme s'il étoit en re-
pos, pour avoir une jufte idée du mouvement, il fau-
droit fouvent faire une fupofition fausse.

Le mouvement eft une maniere d'être, un certain état
de l'étenduë; mais c'eft une maniere d'être relative,.
c'eft l'être d'un corps par rapport à un autre.

Il eft impoffible de fe reprefenter une portion d'éten
duë en mouvement, à moins de la comparer avec une
autre qui en foit près ou qui en foit loin, qui la touche
ou qui en foit diftante ; & puifque je dois regler les ju-
gemens que je porte fur les chofes par mes idées,
idées, quand
ces idées font neceffaires & qu'il n'eft pas en mon pou-
voir de les changer, je conclus delà que le mouvement
eft l'état d'un corps relatif à celui d'un autre. Mais je
n'ai nul befoin de faire attention fi un corps avec lequel
je compare celui que je conçois en mouvement, eli en:
repos ou ne l'eft pas.

Dès qu'un corps ne change point de fituation à l'é-
gard d'un autre, il eft en repos par rapport à lui, foir
que celui ci fe meuve ou ne fe meuve pas. Il eft bien vrai i

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