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ment, elle le fera avancer d'avantage dès qu'on aura diminué la charge qui la retardoit.

Pour répondre, je n'ai pas besoin de faire remarquer la difference qu'il y a entre un corps organique compofé d'une infinité de refforts, & de machines de toutes efpeces, dont le jeu eft entretenu par le fang qui y circule, par la fermentation de mille fucs, par l'air que respirent les animaux, &c. & un corps fimple à qui aucune cause interieure non plus qu'exterieure ne rend le mouvement qu'il perd à la rencontre de ceux qu'il fait mouvoir. Je ne combatrai pas non plus cette fupofition par fon obfcurité, & par la difficulté qu'on éprouve ou plutôt par l'impuiffance où l'on eft de fe former une idée d'un corps doüé d'un mouvement effentiel & imperdable. Il me fuffit de faire voir que cette hypothese ne répond pas aux phenomenes du mouvement,

Quand un corps en choque, un autre, il faudroit, felon ce fyftême, qu'une partie des corpufcules qui font effentiellement mobiles, paffaffent du premier dans le fecond, & que chaque corps s'avançât à proportion de la quantité des corpufcules qui le porteroient en avant. Mais d'où vient qu'un corps n'en chaffe un autre que dés qu'il vient à le toucher Doù vient que ces corpuf cules fi mobiles ne s'échapent pas du premier pour paffer dans le fecond, à quelque proximité qu'il en foit à moins qu'il ne le touche ? L'air leur laisse un chemin trés libre; cependant ils n'y paffent point.

?

Dira-t'on que ces corpufcules, fources & fujets propres de tous les mouvemens, ne fe détachent d'une maffe, où ils font une fois nichés, qu'à proportion des obftacles qu'une autre fait à la continuation de leur route ? Mais d'où vient qu'il en paffe tout autant d'une boule dans une autre, quoiqu'elles ne fe touchent qu'en un point, qu'il en pafferoit d'un cube dans l'autre, s'ils étoient de même poids que les boules, quoique la furface de l'un s'aplique fur toute la furface de l'autre ?

B

11 faut qu'ils fe dégagent bien aisément, & il faut leur atribuer une finguliere dexterité, & une espece d'intelligence & de conduite pour quiter ainfi toutes les parties de la boule où ils font répandus, & en fortir tout à la fois par le feul point du contact, ou pour s'échaper par des lignes paralleles au diametre qui paffe par ce point, traverfer l'air, où ils n'avoient garde de s'échaper fans cela, & fe rendre dans la même boule où fe font rendus ceux qui ont defilé parle point du contact, s'y arrêter enfin & s'y nicher jufques à ce qu'une occafion femblable les avertiffe de fe féparer.

Le feu de la poudre contient une prodigieufe quantité de ces corpufcules mobiles: ils fe repandent dans l'air en un moment avec une extrême promtitude. Doù vient qu'ils n'y paflent pas à beaucoup près fi vîte dès qu'ils font entrés une fois dans la bale? Il y en entre plus quand la charge dû fufil est groffe que quand elle eft petite Ils n'y entrent pourtant pas tous dans ce dernier cas d'où vient qu'il n'y en entre pas autant qu'elle en peut contenir ? Doù vient qu'il en entre moins dans une bale de bois ou dans une bale de metal creufe que dans une bale folide ? Eft-ce qu'il n'y a pas affés de pores pour les contenir; ou fi quand les poresfont trop ouverts ils s'échapent des petits pores qui font dans les particules folides, pour paffer dans les grands pores, que ces parties laiffent entr'elles, & de là le diffiper Si cela eft, dou vient qu'ils ne fe diffipent pas incontinent des pores d'une boule folide dans l'air qui

l'environne ?

On ne peut pas faire retomber les Questions que nous venons de faire fur la cause premiere elle-même de tout mouvement. On ne peut pas dire que pouvant être & n'être pas, il faut qu'il y ait eu une caufe qui l'ait déterminé à être plutôt qu'à n'être pas Ce langage ne fignifie rien: On ne fçauroit chercher une telle cause fans extravagance, ni la fupofer fans contradiction. On

ne fçauroit fupofer un être absolument parfait comme capable d'exister, mais n'existant pas encore, fans fe contredire; car ce qui eft necessairement & ce qui eft si réel qu'il implique contradiction qu'il ne foit pas, eft fans contredit plus parfait que ce qui est, mais qui auroit pû n'être pas.

Il y a plus: Si l'être abfolument parfait n'existoit pas actuellement, il feroit impoffible qu'il exiftât jamais car ce qui le détermineroit à exifter feroit plus parfait que lui, & outre la puiffance il auroit l'éternité, & par confequent une réalité infinie de plus que lui.

Quand nous parlons de l'être abfolument infini, ou abfolument parfait, fi nous voulons penfer conformément à nos expreffions, nous nous rendrons atentifs à l'idée de l'être, & nous nous abftiendrons de le borner à la poffibilité & d'en exclure l'existence actuelle, l'existence éternelle, l'existence neceffaire.

Quand on va à la recherche des premiers principes, c'est une neceffité de se rendre attentif à des idées un peu Metaphyfiques:: Ces idées font ordinairement fulpectes, & j'avoue que ce n'eft pas fans fondement. On abuse ailément de la Metaphyfique, parce que comme fes idées ne frapent pas l'imagination, on s'accoûtume à ne s'y rendre pas attentif, & par là on s'accoûtume à ne mettre pas fur cette matiere une affés grande difference entre les mots qui fignifient & ceux qui ne figuifient pas on n'eft pas affés circonfpect & affés exact à difcerner ceux dont on a fait une jufte aplication d'avec ceux qu'on aplique à des sujets aufquels ils ne con viennent pas.

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Mais pourvû qu'on ufe d'atention & de difcernement, on peut faire des demonftrations Metaphyfiques auffi fures que les demonstrations Mathematiques. La verité de celles-ci ne depend pas de ce qui s'offre aux yeux; car fi cela étoit, elles n'établiroient que des verités ticulieres, au lieu qu'elles roulent fur des verités très

par

La con

de la nature

du

univerfelles, dont ce qu'on a fous les yeux n'eft qu'un exemple particulier. Il faut pour entrer dans la force d'une demonstration s'affurer que tout ce qui eft vrai de ce qu'on a fous les yeux, cft vrai de l'idée generale dont cet objet determiné n'est qu'une aplication.

Et pour ce qui eft des impreffions qui le font fur nos fens, & qu'on regarde comme l'unique fondement des idées Phyfiques, elles n'établiffent point nôtre certitude feules & par elles-mêmes: Ce n'est pas precifément parce qu'il s'excite en nous des fenfations de couleurs, de fons, &c. que je puis conclure qu'au dehors de nous exiftent des corps qui les caufent; chacun fçait qu'il faut raisonner & profiter des idées de l'entendement pour démontrer cette confequence, & pour faire paffer en certitude les raports de nos fens.

Plus on connoîtra diftinctement la nature du corps, noiffance plus on s'affùrera qu'il faut chercher hors du corps la caufe corps, premiere de fon mouvement. Deplus, le mouveconduit à ment étant une maniere d'être du corps, mieux nous nature du connoîtrons ce que le corps eft, moins nous courons mou emet, rifque de nous tromper en lui affignant des attributs qui

cele de la

& à la dé

Couverte de ne lui conviendroient pas; de forte que pour établir la fon origine, nature & l'origine du mouvement, je débute par déterminer la nature du corps, qui en est le sujet.

Il faut convenir que l'étenduë eft une substance, puifque la définition de la substance lui convient toutà-fait; il n'y a point de caractere plus fùr, ni de voye plus naturelle pour en décider: On conçoit que l'étenduë a une existence qui lui eft propre, une existence à part, qui n'eft l'existence d'aucune autre chose; c'est ce qu'on ne concevroit point, fi elle étoit le mode, l'attribut, la maniere d'être d'une autre fubstance.

L'étenduë étant une substance, l'étenduë & la substance étenduë font des termes fynonymes; il ne faut point chercher dans l'étenduë une substance differenLe d'elle, non plus qu'on ne cherche point dans le

triangle une figure differente de lui, quand on le définit par une figure triangulaire car quelle eft cette figure, fi ce n'eft le triangle même ? Ainfi quand on définit le corps une substance étenduë, quelle eft cette substance? c'est l'étenduë même.

S'il y avoit dans les fimples corps, dans une pierre, par exemple, une substance differente de l'étenduë, on fe feroit trompé en regardant cette pierre, comme n'ayant d'autre fubitance que fon étenduë, de la même maniere qu'on fe tromperoit en regardant un animal de quelque efpece jufqu'ici inconnuë, & que l'on prendroit pour un animal brute, quoiqu'il eût une ame femblable à celle de l'homme. En ce cas il roit dans cette pierre une fubftance differente de l'étenduë, & dans cette enceinte, où nous ne fupofions qu'une feule substance, il y en auroit deux; mais l'étenduë en feroit toûjours une.

y au

De plus, cette fubftance prétendue du corps eft-elle étenduë, ou ne l'eft elle pas ? fi elle est étenduë, fon étendue differente de celle que nous voyons & que nous connoiffons, cette étendue inconnue eit-elle une fubftance, ou encore attribut d'une autre substance ? s'ils difent qu'elle est substance; l'étenduë peut donc être fubftance, & tout ce qu'ils objectent contre celle que nous connoiffons retombe fur celle que nous ne connoiffons pas, qui étant étenduë fera divifible, & étant étenduë finie, fera figurée comme celle que nous connoillons.

Diront ils qu'elle n'eft pas fubftance, mais attribut d'une fubftance? Voila donc deux attributs étendus, le connu & l'inconnu, & par là encore on n'avance rien, car je réïtere la même question fur la fubftance dont l'éten luë inconnuë feroit un attribut plus immediat que la connuë.

S'ils répondent qu'ils n'en fçavent rien, & qu'ils n'en peuvent rien fçavoir, puifqu'ils n'en ont aucune idée ;

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