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qui eft fous un recipient de verre ; ce verre & tout l'efpace qu'il renferme, n'en feront pas moins tranfparens. Mais il reftera & dans le verre, & fous le verre, une matiere fans comparaifon plus déliée que n'eft l'air le plus fubtil; & cette matiere continuëra de traverser le verre, & de prendre la place de l'air à mesure qu'il fera pompé.

Cependant il y a des Auteurs d'un grand nom, qui foutiennent que T'air eft la caufe phyfique du reffort. Ils prétendent le faire voir par quantité d'experiences qui font connuës, & dont on me difpenfera de faire le détail. Toutes ces experiences prouvent bien à la verité l'air a du reffort; mais elles ne prouvent pas qu'il eft la caufe phyfique du reffort.

que

En effet, fuivant ces Auteurs, l'air eft compofé de petites parties branchuës, ou de petites lames, foit fpirales, foit d'une autre figure; & ces parties branchuës ou ces lames qui font les parties intégrantes de l'air, onc du reffort. J'en conviens; mais l'ont-elles par elles-mêmes? Il n'y a pas lieu de douter qu'elles ne l'empruntent d'un autre fluide dans lequel elles nagent, & qui en remplit tous les pores. Il eft facile de le prouver.

:

Si je preffe fortement un ballon plein d'air entre mes mains, j'en fais fortir une affez grande quantité de matiere; plus je le preffe, plus il en fort; de fpherique qu'il étoit, il devient à peu près elliptique. L'air qui eft dans le ballon fe condenfe, fon volume diminuë, les lames fpirales fe refferrent de plus en plus le reffort fe bande, à mesure que je preffe ce ballon. Dès que je ceffe de le preffer, la même quantité de matiere qui en étoit fortie, ou à peu près, y rentre en moins d'un clin d'œil: l'air qui eft comprimé dans le ballon fe dilate, fon volume augmente, les lames fpirales fe déployent : le reffort fe debande, & le ballon reprend à peu près la figure fpherique qu'il avoit d'abord.

Il est évident que c'eft la matiere qui fort du ballon & qui y rentre enfuite, qui doit être la cause physique

du reffort. Or certainement la matiere qui fort du ballon, en affez grande quantité, n'est pas de l'air. S'il en fort, ce n'est qu'en petite quantité; & cette petite quantité ne doit pas y rentrer. Car l'air eft plus preffé dans le ballon, qu'il ne l'eft hors du ballon. Donc les corpufcules de l'air groffier, & même de l'air fubtil, ne doivent pas y rentrer, par cette loy invariable, que les corps vont du côté vers lequel ils font moins preffez. Donc ce n'est ni l'air groffier, ni l'air fubtil qui eft la caufe phyfique du reffort du ballon ; & ce que je dis d'un ballon qui fert ici d'exemple fenfible, je puis le dire à proportion de tous les autres corps,

A moins donc que l'on ne veuille avoir recours aux qualitez occultes, &c. à des termes vagues qui ne prefentent rien à l'efprit ; il faut convenir que la caufe phyfique du reffort eft une matiere dont l'air emprunte fa fluidité & fa force. C'eft cette matiere que l'on nomme fubtile ou étherée, dans laquelle tous les hommes vivent, & dont peut-être tous les hommes ont ignoré l'existence avant M. Defcartes. Mais il ne fuffit pas de fçavoir qu'elle exifte, & qu'elle eft fans comparaifon plus déliée que l'air; il faut tâcher d'en découvrir les proprietez.

PROPOSITION IV.
TION IV.

LA matiere fubtile a une force infinie, ou comme infinie. 16,

Quoique nous n'ayons pas encore donné une notion aflez claire & affez diftincte de cette matiere, nous la connoiffons au moins par fes effets, puifque nous fçavons quelle eft la caufe phyfique du reffort. Or une ma◄ tiere qui eft la caufe phyfique du reffort, a une force infinie. Effayons de le prouver.

Si deux boules de verre fe choquent avec des forces égales, de 16 degrez, elles rejailliront avec 15 degrez de force; & fi elles pouvoient fe choquer avec 16 mille

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degrez de force, fans fe brifer, elles retourneroient en arriere avec 15 mille degrez de force; par confequent elles ne perdroient que la 16e partie de leurs forces primitives. Or leurs forces primitives feroient entièrement aneanties fans le reffort; dont la caufe phyfique * eft la matiere fubtile. Donc la matiere fubtile par fon action feule, fait renaître prefque toutes les forces primitives des deux boules, & il ne s'en faut tout au plus que la 16 partie. Or nous pouvons supposer que la matiere fubtile par la force qu'elle a reçûë de l'Auteur de la Nature, feroit renaître toutes les forces primitives des deux boules, fans les imperfections qui fe trouvent dans les corps ; & cela jufqu'à l'infini ; c'està-dire, qu'en concevant que les forces primitives font infinies, les forces après le choc devroient dans ce cas même, par l'efficacité de leur caufe, égaler les forces primitives. Donc dans ce cas, la matiere fubtile par fon action toute feule, feroit conçue produire une force infinie. Or une force finie ne peut pas être conçûë produire une force infinie. Donc la matiere fubtile qui produit le reffort, a reçû de l'Auteur de la Nature une force infinie, ou fi l'on veut, une force qu'il eft permis en Physique de fuppofer infinie.

17:

L

PROPOSITION

A matiere fubtile eft un fluide parfait.

V..

On ne peut avoir une autre idée d'une matiere qui s'infinue fans peine dans les pores imperceptibles des corps les plus durs, tels que font le Verre, l'Yvoire, le Marbre, le Jafpe, l'Aimant, le Fer, le Diamant, &c. d'une matiere qui, par des efpaces immenfes, tranfmet prefque dans un moment l'action de la lumiere depuis les Aftres jufqu'à nous; d'une matiere enfin (pour me borner à mon fujet) qui fait que les refforts des corps les plus

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durs, fe bandent & fe débandent dans des tems fi courts,
qu'on peut les prendre pour des inftans indivifibles..

Il fuffit, par exemple, que l'on frape un bloc de mar-
bre; le mouvement fe diftribuë par tout le marbre pref-
que dans l'inftant qu'on le frape; il n'y a aucune de fes
parties qui ne foit ébranlée; la partie même la plus
éloignée du choc, & qui lui eft oppofée directement,
s'avance vers la partie que l'on frape, & dans l'inftant
fuivant toutes les parties de ce vafte corps, font rétablies
dans leur premiere fituation. Cette vibration, cette dou-
ble action de la matiere fubtile, eft fi infenfible & fi
prompte, que nous n'avons pas de mesures affez préci-
fes, pour en déterminer ni la longueur ni la durée.

par

Ce n'eft pas tout. Cette premiere vibration eft bien-tôt
fuivie d'une autre en fens contraire ; c'est-à-dire, que
la parcie que l'on avoit avancée en la frapant, & la
tie oppofée au coup qui s'en étoit approchée, après s'ê-
tre rétablies dans leurs premieres fituations, s'écartent
l'une de l'autre dans l'inftant qui fuit. Cette feconde vi-
bration est suivie d'une troifiéme femblable à la pre-
miere. Cette troifiéme d'une quatriéme femblable à la
feconde, & ainfi de fuite. Toutes ces vibrations fans
nombre, ne font occafionnées que par un choc unique,
& toutes ensemble ne durent pas une feconde de tems.
Elles échapent à l'œil le plus attentif ; elles font sen-
fibles à l'ouïe, & même au toucher, lorfque le coup
eft violent, & que l'on met l'oreille ou la main fur la
partie directement oppofée au coup; on en juge mieux
par d'autres effets analogues, & qui font beaucoup plus
fenfibles.

*V.M. Mariotte

cuffion des

corps.

Comment s'empêcher de conclure qu'un fluide qui pro de la per-. duit tous ces effets, eft un fluide parfait, ou au moins un fluide qu'on peut fuppofer parfait dans la Phyfique? I Partie. C'eft de cette proprieté de la matiere fubtile que je vais Propofition

déduire les fuivantes.

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18.

19.

20.

2. I.

COROLLAIRE S.

I.

La matiere fubtile doit couler dans tous les corps avec une extrême facilité par les plus petits canaux, comme par les plus grands, & par conféquent elle ne doit laiffer aucun vuide dans les efpaces immenfes qu'elle oc

cupe.

I I.

Elle doit ceder au choc fans aucune réfiftance, & aller toujours vers où elle eft pouffée, & à proportion qu'elle eft plus pouffée.

I I I.

Elle doit être compofée de corpufcules très-petits, qui puiffent fuivant les differens befoins, être divifez fans aucune peine, & fubdivifez en d'autres plus petits à l'infini; en un mot, qui foient eux-mêmes infiniment fluides, & qui n'ayent de dureté que par la compreffion de ceux qui les environnent.

Car il est évident que la fluidité d'une matiere, dépend de la fluidité & de la petiteffe de chacune de fes parties. Ainfi on ne peut, ce me femble, donner des bornes ni à la petiteffe, ni à la fluidité d'aucune des parties de la matiere fubtile, fans lui ôter quelque chofe de cette fluidité parfaite qu'on lui a accordée.

REMARQUE. Ainfi un corpufcule d'air, par exemple, pourra contenir un million de corpufcules de matiere fubtile, quoiqu'il foit peut-être lui-même un million de fois plus petit qu'un Ciron; car nos yeux armez des meilleurs Microfcopes, n'apperçoivent pas les corpufcules d'air, & avec ces memes Microfcopes, ils découvrent dans les liqueurs des animaux qui font des millions de fois plus petits qu'un Ciron.

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