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choc. Art, 16. 824

CHAPITRE III.

De la force de la matiere fubtile.

V. Loix du I. Il y a dans l'Univers des refforts que l'on peut fuppofer parfaits. II. La matiere fubtile a affez de force pour rendre tous les refforts parfaits. III. Cette force de la matiere fubtile eft dans les corps, méme lorsqu'ils font en repos. IV. Cette force de la matiere fubtile eft dans les corps durs, quoiqu'ils foient fragiles. V. La matiere fubtile qui eft renfermée dans une boule à reffort, a une force indéfinie, ou comme infinie. VI. La matiere fubtile qui remplit l'Univers, eft très-comprimée & très-agitée dans toutes fes parties. VII. La force & la fluidité de la matiere fubtile, ne peuvent fubfifter l'une fans l'autre. VIII. Exemple fenfible qui confirme & éclaircit tout ce qui précede. IX. On ne fent pas la force de la matiere fubtile, parce que toutes les parties fe contrebalancent.

I. Il y a dans PUnivers des refforts que l'on peut Suppofer parfaits.

'ACADEMIE dans la queftion qui fait le fujet de la premiere Partie des Loix du choc, & que je continuë d'examiner dans ce Traité, demande la caufe phyfique des refforts parfaits. Or comment réfoudre une queftion, fi l'on ne fuppofe comme réels & exiftans dans la Nature, des effets dont on demande la cause physique ?

Nous pouvons donc fuppofer qu'il y a dans l'Univers des corps dont les refforts fe débandent avec toute la force avec laquelle ils ont été bandez ; ou des corps qui reprennent exactement au fecond tems du choc la même figure qu'ils avoient avant le choc ; ou enfin des corps qui s'étant choquez avec des forces égales, rejailliffent avec des forces égales à leurs forces primitives; en un mot des reforts parfaits en force.

Cette fuppofition que nous donne l'Academie, n'est
pas arbitraire, puifque nous obfervons dans la nature
des refforts qui ne font pas fort éloignez de la perfec-
tion ; & que d'ailleurs nous fçavons qu'il y a, foit au-
dedans des corps, foit au dehors, diverfes imperfections,
ou pour parler plus clairement, divers obstacles qui doi-

vent naturellement diminuer l'effet de l'action de la ma-
tiere fubtile.

Par exemple, deux boules de Marbre perdent environ la douzième partie de leurs forces primitives ; c'est-àdire, que s'étant choquées avec des forces égales de douze degrez, elles rejailliffent avec onze degrez de force. Deux boules d'Yvoire perdent environ la quatorziéme partie de leurs forces primitives. Deux boules folides de Verre n'en perdent qu'environ la feiziéme partie. A-t-on éprouvé la force élastique de tous les corps? & n'a-t-on pas lieu de conjecturer qu'il y en a dans l'Univers, qui approchent encore indéfiniment plus de la perfection?

que

* V. le Cha

Mais fans hazarder aucune conjecture, ne nous fuffit-il pas de remarquer, foit au-dedans des corps, foit au-dehors, diverfes caufes de la diminution de leurs 44 forces Comptons parmi les obftacles * interieurs, la fragilité des corps phyfiques, le mêlange des parties pitre vi. de heterogenes qui entrent dans la compofition de leurs Traité. maffes, le mêlange des fluides groffiers qui s'infinuent dans leurs pores avec la matiere fubtile. Comptons parmi les obftacles exterieurs la réfiftance > P'Air fait au mouvement des corps, la matiere glutineufe qui couvre leurs furfaces, l'imperfection des machines dont on fe fert pour les faire choquer, la difficulté que l'on trouve à les faire choquer directement, le poids & l'agitation des fils de fufpenfion, enfin les moindres frot temens, foit des corps, foit des fils. Faifons reflexion que tous ces obftacles, foit interieurs, foit exterieurs, & autres qu'il eft facile d'imaginer, concourent pour dimiauer les forces en arriere, & les faire paroître moindres

çe

* Art. 11.

II.

La matiere Subtile a affez de force pour vendre tous les refforts parfaits.

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qu'elles font en effet. Ne font-ils donc pas capables tous
ensemble, de confumer la feiziéme partie du mouve-
ment primitif de deux boules de verre? Qu'il me foit
permis de le fuppofer ici, comme je l'ai fait dans le
Memoire des Loix du choc..

Maintenant pour nous former une idée juste de la
force de la matiere qui produit les refforts; on voit
affez qu'il faut faire abstraction de toutes les causes qui font
capables de les affoiblir. Ainfi les forces que les refforts
en fe débandant,communiquent aux deux boules de Verre
que nous confiderons, & que nous fuppofons toûjours fe
choquer avec des forces égales, font précisement égales à
leurs forces primitives. Car les forces primitives font en-
tierement détruites, lorfque les refforts font entierement
bandez. Donc toutes les forces que les boules ont après
le choc, renaiffent par la force feule des refforts, ou du
Auide qui produit les refforts, c'eft-à-dire, par
› par l'action
feule de la matiere fubtile. Donc la matiere fubtile fait
renaître par son action toute feule des forces égales aux
forces primitives de ces deux boules. Une feizième partie
de cette action, ou à peu-près, eft employée à vaincre les
obstacles dont nous avons parlé dans l'article precedent,
& le reste à mouvoir les corps en arriere..

En rejettant donc fur les causes qui font étrangeres à la matiere qui produit les refforts, tout ce qu'ils ont d'imperfection; il eft clair qu'elle doit avoir une force capable de les rendre parfaits, ou de faire renaître en eux des forces égales à leurs forces primitives..

ON dira peut-être que cette force de la matiere subtile dépend des forces primitives. Mais le dira-t-on avec quelque air de vrai-semblance ?:

Cette force de la matiere fubtile eft dans les La matiere fubtile eft pouffée par les forces primitives. corps durs, lors du point d'attouchement de chaque boule vers fon centre même qu'ils font de gravité, & par fa fluidité naturelle elle fuit cette direction. Enfuite pour relever les refforts, elle agit du centre

en repos..

de gravité vers le point d'attouchement. Deux forces qui
agiffent dans des fens contraires, dépendent-elles l'une de
l'autre, comme un effet doit dépendre de fa cause ?

N'en doutons pas, cette force eft indépendante des for-
ces primitives. Il eft vrai qu'elle fe déployé, pour ainfi dire,
à l'occafion du choc, plus ou moins, à proportion qu'il eft
plus ou moins grand. Mais elle ne vient pas du choc,
puifqu'elle agit dans un fens tout oppofé à l'impreffion
qu'elle a reçue à son occafion. Elle est donc dans les bou-
les indépendamment du choc. Elle y étoit avant le choc,
dans le temps même qu'elles étoient en repos.

Si l'on demande ici en quoi confifte cette force, on fort de la queftion de ce Chapitre, pour prévenir celles des fuivans. Il nous fuffit ici d'avoir prouvé que la matiere fubtile a une force, qui feroit capable de faire rejaillir des boules de verre (fi elles ne fe brifoient pas) avec des forces égales, ou prefque égales, & toûjours proportionnées à leurs forces primitives.

fi

IV.

MAis, dira-t-on, ces boules de verre se briseront, si on
vient à augmenter leurs forces primitives jufqu'à un cer- Cette force de
tain point: Et alors leurs parties feparées les unes des au- la matiere fub-
tres, rejailliront avec des forces qui feront beaucoup tile eft dans les
moindres que leurs forces primitives.
corps durs, quoi-

fragiles

Je réponds que la fragilité des corps eft un des obftacles qu'ils soient dont je fais & dont je dois faire ici abstraction ; & que d'ailleurs elle ne fait que confirmer la très-grande force de la matiere fubtile. Ĉar fi les parties d'un corps très-dur fe féparent les unes des autres à l'occafion de quelque choc violent ; ce n'eft pas que la matiere fubtile n'ait affez de force pour les conferver dans l'union; mais aucontraire, c'eft qu'elle a une très-grande force pour féparer, lorfque les regles de l'équilibre le demandent.

les

Une même quantité de matiere subtile peut être appli quée, ou fucceffivement, ou en même tems, à des actions differentes. Les effets varient à l'infini, & la force

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est toûjours la même, ou pour mieux dire, elle tend toûjours à être la même.

On a tout lieu de penfer, que c'est la matiere fubtile qui rend les corps durs, fragiles, tranfparens, liquides, élaftiques ; & qu'elle contribue principalement à les distinguer les uns des autres, par les differentes proprietez qu'el le leur communique. Mais on a tort d'oppofer ces proprie tez les unes aux autres. La fragilité & l'elasticité du verre naiffent apparemment de la même cause. La force que la matiere fubtile employe à féparer & à écarter les parties de deux corps lorfqu'ils fe brifent, eft égale à celle qu'elle employeroit à faire rejaillir les deux mêmes corps, s'ils ne fe brifoient pas, & à vaincre tous les obftacles dont nous avons parlé dans l'Article I,

Ainfi afin de juger de la force que doit avoir la matiere fubtile pour relever les refforts, il faut confiderer les corps dans un choc où ils ne fe brifent pas. Si dans ce choc ils rejailliffent avec des forces égales aux forces primitives; c'est uniquement de la matiere fubtile que leur vient cette force. S'ils fe choquent une feconde fois avec des forces cent fois plus petites que dans le premier choc ; la matiere fubtile les fera rejaillir avec des forces cent fois plus perites que dans le premier choc. Si dans un troifiéme choc ils se rencontrent avec des forces cent fois plus grandes que dans le premier; la force que la matiere fubtile employera, foit pour les faire rejaillir, foit pour les briser, fera cent fois plus grande que dans le premier choc. Ainfi de quelque maniere que l'on confidere les chofes, l'action ou la réaction de la matiere fubtile, fera toûjours égale aux forces primitives.

la

La matiere fub- C'Eft pourquoi fi l'on fuppofe que les forces primitives tile qui eft ren- de deux corps durs, augmentent à l'infini ; la force que fermée dans une matiere fubtile employera, foit pour relever leurs refboule à reffort, forts, foit pour féparer leurs parties, deviendra indéfinia une force indéfinie, ou comment grande. Or nous avons fait voir que la matiere fube me in finie.

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