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de la force du reffort: l'un eft la caufe, & l'autre l'effet immediat qui en refulte; or la caufe ne fçauroit perir tout ou en partie, qu'elle ne le retrouve dans l'effet à la production duquel elle a été employée.

7. Je conclus de là que la force vive d'un corps qui a été poduite par le débandement de quelque reffort, est capable de le rebander précisement au même degré de force que ce reffort avoit, & fi on fupofe que cette force vive eft employée toute entiere à bander deux, trois, ou plufieurs refforts égaux entre eux, mais plus foibles que le precedent ; je dis que ce premier reffort peut produire un effet deux fois, trois fois, ou plufieurs fois lus grand qu'un de ces refforts foibles. L'égalité qui regne entre l'effet & fa cause efficiente, prouve ce que nous venons d'avancer

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8. C'est dans cette égalité que confifte la confervation des forces des corps qui font en mouvement, puif qu'il eft vifible que la plus petite partie d'une cause pofitive, ne fçauroit fe perdre qu'elle ne reproduife ailleurs un effet par lequel cette perte foit reparée.

9. Comme on a été long-tems dans la perfuafion qué la quantité de mouvement, où le produit de la masse d'un corps par fa vîteffe, étoit la mesure de la force de ce corps, on a crû fauffement qu'il étoit neceffaire qu'il y eut toujours un égal quantité de mouvement dans l'Univers.

10. L'origine de cette erreur, ainsi que je l'ai déja infinué, vient de ce qu'on a confondu la nature des forces mortes, aveo celle des forces vives; car voyant que le principe fondamentale de la Statique, exige que dans l'équilibre des puiffances, les momens foient en raifon compofée, des forces abfolues, & de leurs vîtesfes virtuelles. On a étendu mal à propos ce principe plus loin qu'il ne falloit, en l'appliquant auffi aux forces des corps qui ont des vêteffes actuelles.

11. Ce n'est que depuis trente ou quarante ans, que quelques perfonnes fe font aperçues que ces deux forces

font d'une nature tout-à-fait differente, n'y ayant pas. plus de raport entre elles, qu'entre une ligne & une furface, ou qu'entre une surface & un folide. M. de Leibnitz est le premier qui a remarqué que cette force n'étoit point égale au produit de la maffe par la vîteffe,, mais que fa mefure étoit le produit de la masse par le quarré de la vîtelle.

12. La nouveauté de ce fentiment lui attira des adver faires. M. de Leibnitz le prouva par le parfait, accord qu'il y avoit entre fon fentiment & la regle de Galilée, pour l'acceleration de la chute des corps pefans; regle. generalement aprouvée, & au moyen de laquelle M. de Leibnitz fit voir qu'un poids avec deux degrez de vîteffe, peut monter quatre fois plus haut, qu'avec un degré de vîteffe: neuf fois plus haut fi il a trois degrez de vîteffe: feize fois plus haut fi il en a quatre enfin il montra que les hauteurs aufquelles les corps pefans font capables de s'élever, font toujours proportionnelles aux quarrez de leurs vîteffes. Il prétendoit que la hauteur à laquelle un poids peut monter, peut être prise pour mefure de la force de ce poids; il concluoit concluoit que la force vive d'un corps, étoit proportionnelle à fa maffe multipliée par le quarré de la vîteffe.

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13. Mais les adverfaires de M. de Leibnitz, ne Jui paf ferent pas fon hypothese touchant les hauteurs qu'il prétendoit être la mesure des forces. Ils formerent des inftances, & foûtinrent entre autres chofes, qu'on ne devoit point negliger le tems que le poids employe à parcourir la hauteur à laquelle il monte. Qu'un poids, par exemple, qui avec une vîteffe double s'éleve à une hauteur quadruple, ne doit être cenfé avoir qu'une force double, parce qu'il employe un tems double à monter ; ces Meffieurs crurent être fondez à foutenir que dans' l'estimation des forces, il falloit avoir égard non feulement aux hauteurs, mais auffi aux tems, perfuadez que la force des corps étoit en raifon compofée, de la raison directe de la hauteur, & de la raison inverse du tems;

ils ne reflechiffoient pas que la confideration du tems. n'étoit d'aucune confequence dans le fujet de leur difpute; puifqu'il étoit facile de faire monter le corps pefant à differentes hauteurs en des tems égaux ; on n'a pour cela qu'à fe fervir d'une cycloïde renverfée, dont on fçait que tous les arcs, à commencer depuis le point le plus bas font Ifochrones, ou parcourus en des tems. égaux.

14. M. de Leibnitz répondit à ces objections, mais ik ne gagna-rien fur des efprits prévenus en faveur du fentiment commun & erroné, que la force des corps en. mouvement étoit égale à la quantité de leur mouve ment, c'est-à-dire, en raifon des produits de leurs masfes, par leurs fimples viteffes. Ce fut en vain qu'il fit voir à fes adverfaires, que fi l'opinion qu'ils foutenoient avoit lieu, on pouvoit executer un mouvement perpetuel purement mechanique, ce qui, felon M. de Leibnitz, étoit abfolument impoffible; ces adverfaires aimerent mieux admettre la poffibilité d'un mouvement perpetuel artificiel, que d'abandonner une opinion reçue depuis long-tems, pour en embraffer une nouvelle qu'ils regar doient comme une espece d'herefie en matiere de Phyfique:

Peu de tems avant la mort de M. de Leibnitz, fon fentiment fut entierement rejetté en Angleterre, & traité même avec mépris. On s'atacha dans un Recueil de Lettres de M. C*** & de M. de Leibnitz, imprimées deux fois de fuite avec des notes: On s'atacha, dis-je, à tourner en ridicule le fentiment de ce grand homme fur l'eftime de la force vive, non fans une furprise extrême de la part de ceux qui reconnoiffent la

verité de ce fentiment.

16. Il eft vrai que le nombre en eft encore fort petit dans le reste de l'Europe : j'ai peut-être été le premier depuis environ vingt-huit ans, ce n'est pas que les preu ves de M. de Leibnitz m'ayent paruës allez fortes, pour me déterminer à embrasser son sentiment ; car j'avouë

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qu'étant indirectes, & nullement tirées du fond de la matiere dont il s'agiffoit, elles ne purent me convaincre, mais elles me donnerent occafion d'y penfer ; & ce n'est qu'après une longue & ferieuse meditation que je trouvai enfin le moyen de me convaincre moi-même, par des démonstrations directes, & au-deffus de toute exception. M. de Leibnitz à qui je le communiquai m'en fçut bon gré, auffi fervirent-elles à lui attirer des fectateurs, & à ramener à fon fentiment quelques-uns de ceux qui auparavant fe trouvoient engagez dans une longue dif pute avec lui, n'ayant pas été pleinement convaincus par les raifonnemens.

17.

A mon égard, j'embraffe avec plaifir l'occafion de faire part de mes découvertes aux illuftres Membres de l'Academie Royale des Sciences, & me fais un honneur de foumettre més lumieres à leur jugement: ce font des Juges également éclairez & penetrans; incapables de partialitez & de prévention, & dont l'équité feule regle les décifions 3 je me flatte qu'ils voudront bien prendre la peine d'examiner avec foin, ce que j'ai l'honneur de leur propofer fur la veritable maniere d'eftimer la quantité de la force des corps en mouvement. Cette question est épineufe, & elle demande une attention d'autant plus fuivie, que des Philofophes mêmes, & des Mathematiciens d'un grand nom, s'y font mépris. Si ce difcours a le bonheur de plaire à mes Juges, j'y ajoûterai plufieurs remarques utiles que la brieveté du tems ne m'a pas permis de communiquer ici; la matiere est abondante & riche, elle meriteroit qu'on en fit un Traité complet..Voici en attendant ce que ce fujet renferme de plus effentiel.

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En quoi confifte la mefure des forces vives. Maniere de les comparer enfemble.

I.

E continuerai à me fervir de refforts, comme du FIG. 3. moyen le plus commode pour expliquer mes penfées fur la production & la force du mouvement. Supofons, pour fixer l'imagination, un reffort d'une figure dé terminée ACB, dont les deux branches égales CA & CB, forment un angle ACB; il eft clair que lorfque ce reffort eft bandé, les branches CA & CB font un effort

continuel s'écarter l'une de l'autre, ou pour
pour
élar-
gir l'ouverture ACB; en forte que fi l'une des forces qui
retiennent ce reffort dans un état de contrainte, ou qui
compriment la jambe CA vers B, & la jambe CB vers
A, venoit à manquer fubitement, les jambes de ce reffort
s'ouvriroient d'elles-mêmes fur le champ, jufqu'à ce que
ce reffort eut entierement perdu la force de fe dilater
davantage. Fixons cet état à 90 degrez, le reffort ACB
fera donc entierement dilaté, lorfque d'un angle de 30
degrez, que formoient ces jambes dans un état de con-
trainte, il fera parvenu à un angle droit arb. Je ne fçai
fi je dois avertir que faifant abftraction de la matiere du
reffort, de fa pefanteur, & de tout autre qualité, je ne
confidere ici que la figure déterminée de ce reffort, &
fa parfaite élasticité en vertu de laquelle il fe dilateroit
avec une promptitude infinie, fi aucun obftacle étran-
ger ne s'opofoit à fa dilatation.

2. Imaginons deux de ces refforts égaux en tout, & FIG. 4. également bandez, par exemple, à un angle de 30 de grez: que le reffort DEF, s'apuie en D contre un plan immobile mn, & du côté F contre une résistance active P, qui aye précisement autant de force qu'il lui en faut pour empêcher que ce reffort ne fe dilate, mais

que le

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