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des Atomes ont attribué une dureté de cette nature à leurs Corpufcules Elementaires: idée qui paroît être la veritable, lorfque l'on ne confidere les chofes que fuperficiellement; mais qu'on s'aperçoit bien-tôt renfermer une contradiction manifefte pour peu qu'on l'aprofondiffe.

5. En effet un pareil principe de dureté ne fçauroit exister ; c'est une chimere qui repugne à cette loy generale que la nature obferve conftamment dans toutes fes operations; je parle de cet ordre immuable & perpetuel, établi depuis la création de l'Univers, qu'on peut apeller LOY DE CONTINUITE', en vertu de laquelle tout ce qui s'execute, s'execute par des degrez infiniment petits. Il femble que le bons fens dicte, qu'aucun changement ne peut fe faire par fault, natura non operatur per faltum ; rien ne peut paffer d'une extremité à l'autre, fans paffer par tous les degrez du milieu. Et quelle connexion concevroit-on entre deux extremitez opofées indépendamment de toute communication de ce qui eft entre deux ? Si la nature pouvoit paffer d'un extrême à l'autre, par exemple, du repos au mouvement, du mouvement au repos, ou d'un mouvement en un fens, à un mouvement en fens contraire, fans paffer par tous les mouvemens infenfibles qui conduifent de l'un à l'autre ; il faudroit que le premier état fut détruit, fans que la nature fçût à quel nouvel état elle doit fe déterminer ; car enfin par quelle raifon en choifiroit-elle un par préference, & dont on ne put demander, pourquoi celui-ci plutôt que celuilà ? puifque n'y ayant aucune liaison neceffaire entre ces deux états; point de paffage du mouvement au repos, du repos au mouvement, ou d'un mouvement à un mouvement opofé; aucune raison ne la détermineroit à produire une chose plutôt que toute autre.

6. Je veux qu'on aperçoive dans la nature des effets fi prompts, qu'on ne remarque aucun intervalle entre le commencement & la fin de leurs actions; s'enfuit-il delà qu'il n'y en ait aucun ? & tous ceux qui font con

vaincus que tous les genres de quantité font divisibles à l'infini, auront-ils de la peine à diviser la plus insensible durée en un nombre infini de petites parties, & à y placer tous les degrez poffibles de viteffe, depuis le repos jufqu'à un mouvement déterminé, par exemple, depuis le commencement d'un éclair, jufqu'à fon entier évanoüiffement?

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Concluons donc que la dureté prise dans le sens vulgaire, eft abfolument impoffible, & ne peut fubfifter avec la loy de continuité. Un de reflexion mettra peu cette verité dans fon jour. Supofons que deux corps durs en ce sens, & parfaitement égaux, le rencontrent dire &tement avec des vîteffes égales, je dis qu'ils doivent dẹ toute neceffité ou s'arrêter tout court en fe choquant, ou rebrouffer chemin après s'être choquez ; il impliqueroit que des corps durs se penetraffent; mais ces corps ne fçauroient s'arrêter tout court, fans paffer fubitement du mouvement au repos, de l'être au non être, ce qui repugne à la loy de continuité: ni reflechir dans le fecond cas, qu'ils ne changent tout d'un coup leurs vîïesfes affirmatives, en une viteffe negative, fans avoir parcouru auparavant toutes les diminutions fuccellives de la premiere vîteffe, jufqu'à fa destruction totale, & de la remonter par de pareilles augmentations, en une vîtefle en fens contraire ; ce qui eft également opofé à cette loy,

8. Et certes ces raifons font telles, qu'il ne me paroît pas poffible que la dureté prife dans le fens que nous venons de refuter, puiffe quadrer avec les loix fondamentales de la nature: auffi rejettai-je les prétendus atômes parfaitement folides, que quelques Philofophes ont admis; ce font des corpufcules imaginaires qui n'ont de réalité que dans l'opinion de leurs partifans.

9. Mais après avoir détruit la fauffe idée qu'on fe forme ordinairement de la dureté, il eft jufte de lui en substituer une nouvelle, propre à expliquer d'une maniere intelligible, les phenomenes que nous connoiffons, & fur

tout les loix de la communication du mouvement. Pour cela je conçois d'abord la matiere, en tant que matiere, comme étant parfaitement fluide de fa nature; enforte qu'aucunes de fes particules, quelques petites qu'on les fupofe, n'ont aucune cohesion neceffaire entr’elles ; mais telles cependant que ces mêmes parties ont pû s'amaffer en de petites molecules élementaires dont fe font formez les corps sensibles de differentes qualitez, les uns liquides, les autres mous, & d'autres plus ou moins durs, felon les differens concours, les differentes figures, & les divers mouvemens de ces molecules élementaires, & des particules qui paffant par leurs inter ftices, les tiennent ou feparez comme dans les fluides, ou qui les comprimant plus ou moins fortement, forment des corps que le Vulgaire, qui n'en juge que par les fens, nomme durs, à proportion de la refinance que les parties de ces corps opofent à la force qui tend à les feparer.

10. Et qu'on ne me demande point une raison Phyfique de la compreffion de ces molecules élementaires, & de celle des corps durs & fenfibles qu'ils compofent. Mon but n'a point été de m'engager dans cette recherche ; j'explique fimplement ici ce que j'entens par le mot de dureté, & j'en donne une idée propre à rendre raifon des proprietez connuës de la communication du mouvement, & à découvrir celles qui ne font point encore connuës, & que l'experience pourra verifier ; & c'eft auffi tout ce que l'Academie exige de moi dans cette occafion.

11. Cette compreflion d'une matiere étrangere qui environne les corps fenfibles, & leurs molecules élementaires, peut être fi grandes par la ftructure particuliere de quelques-uns de ces corps, qu'il faut employer un degré de force très-violent, non-feulement pour en feparer entierement les parties, mais à leur faire fimplement changer de figure; tels font, par exemple, la plupart des métaux, qui quoique très-difficile à être divifez, cedent pourtant au marteau, & s'aplatiffent. Ces fortes de corps font durs, mais d'une dureté imparfaite, en ce qu'après

avoir perdu leur premiere figure, ils ne reprennent pas celle qu'ils avoient avant d'avoir fubi la force qui l'a changée.

12. Il est d'autres corps dont les particules font fi adherentes les unes aux autres, foit que cela vienne d'une compreffion étrangere, ou de quelqu'autre cause, qu'outre la difficulté qu'on trouve à les brifer, ils recouvrent fur le champ leur premiere fituation, fi quelque force exterieure les contraint de fe plier, dès que la force qui les contraignoit ceffe d'agir fur eux, les corps comparez à ceux de la premiere forte, ont plus de dureté qu'eux. 13. Je n'entre point à present dans la caufe Phyfique de cette derniere efpece de dureté, il me fuffit de fçavoir qu'il y a des corps capables de reffort, ou douez d'une vertu élastique ; je ne nie pourtant pas que cet effet puiffe provenir de l'effort d'une matiere fubtile, qui agiffant fur les pores retrecis des corps élastiques, presse les parois de ces pores, & s'éforce de les remettre dans leur premier état.

14. Figurons-nous, par exemple, un ballon rempli d'un air condenfé; à ne confiderer cet air qu'en lui-même, c'eft fans doute une matiere fluide: cependant dès qu'il eft renfermé dans un ballon, il fait avec ce ballon un corps dur, parce qu'étant comprimé par une force exterieure, & ne pouvant échaper par aucun endroit, il réfifte à cette force, & rend au ballon fa premiere figure, dès que la force qui le comprimoit ceffe d'agir, Augmen tons à prefent la denfité de l'air renfermé dans ce ballon, jufqu'à un degré immense de résistance, en forte qu'il . faille une force extrême pour comprimer ce ballon je ne vois pas, à en juger par les fens, en quoi un pareil ballon differeroit des corps qu'on appelle durs.

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15. Concevons enfin un nombre infini de petits balons pleins d'un air extrêmement condenfé, renfermé fous une envelope commune, & fupofons que chaque portion de cet amas, quelque petite qu'elle puiffe être, eft ellemême renfermée sous la propre envelope, nous aurons

une

une idée de ce que j'appelle dureté dans les corps. Les petits ballons répondront aux molecules élementaires ; & les envelopes tant celles qui renferment une portion de cet amas, que la maffe même, tiendront lieu dans cet exemple d'un fluide ambiant, qui par fon activité presseroit & comprimeroit en tout fens la maffe entiere, & chacune de fes plus petites particules. Donnons à prefent un degré immenfe d'élafticité à l'air contenu dans ces petits ballons, & nous verrons que leur maffe entiere, ni aucune portion de cette maile, ne pourra plus être comprimée fenfiblement, par une force nouvelle finie, quelque grande qu'on la fupofe. Je dis fenfiblement, car la réfiftance élastique de l'air n'eft jamais abfolument invincible, quand même elle feroit infinie. On retomberoit autrement dans le cas d'une dureté imaginaire, toute force qui agit fur un reffort, quelque fortement tendu qu'il foit, le bande davantage, & l'oblige de plier encore un peu, quand même la difference en feroit tout-à-fait imperceptible, & cette difference devient infiniment petite, lorfqu'un effort fini agit sur un reffort d'une force infinie.

par

16. Un corps fera donc dur conformément à l'idée que nous venons de donner de la dureté, lorfque fes parties fenfibles changeant difficilement de fituation: un reffort très-prompt & très élastique rend leur premiere fituation dans un tems infenfible aux parties de ce corps, qui ont été tant foit peu pliées par le choc d'un autre corps; cette élasticité eft parfaite lorfque toutes les ties pliées reprennent leur premier état : elle est imparfaite lorfque quelques-unes de ces parties n'y retournent plus. On peut donner le nom de roideur à l'élasticité parfaite, cette roideur peut être finie ou infinie, & elle est d'autant plus grande qu'il faut un effort plus confiderable pour comprimer ce corps à un degré donné ; la roideur eft infinie dans un corps, ou ce corps eft infiniment roide lorfqu'il faut une preffion infinie pour comprimer ce corps à un degré fini, ou une preffion finie pour le

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