Imágenes de páginas
PDF
EPUB

18. Soit un espace, par exemple, un recipient d'une figure quelconque, rempli de matiere fubtile: on fçait affez que cette matiere qui paffe fans peine par les interftices les plus étroits de tous les corps fenfibles, traverfera avec la même facilité les pores du recipient : je fupofe qu'outre la matiere fubtile contenue dans le recipient, il y a quantité de corpufcules trop groffiers pour pouvoir s'échaper au travers des pores du recipients mais qui nageant librement dans la matiere fubtile, laiffent entre eux des intervalles fi fpatieux, que tous ces corpufcules ramaffez en un tas, n'ocuperoient peut-être pas la cent milliéme partie du recipient. Je fupofe enfin que ces mêmes corpufcules tous extrêmement fufceptibles de mouvement, le font pourtant inégalement, les uns plus, les autres moins, à cause de la diversité de leurs figures.

1.9. Jufques-ici j'ai confideré la matiere fubtile comme étant en repos dans le recipient. Voyons à prefent ce qui doit arriver lorfque cette matiere fe fuccedant continuellement à elle-même, traverse avec rapidité le recipient qu'elle penetre de toutes parts. Il est évident que ces corpufcules que leur groffiereté empêche de s'échaper au travers des pores du recipient, emportez çà & là, par le cours violent de cette matiere, ne peuvent qu'être en une agitation extrêmement confufe, & fe cho quer les uns les autres dans l'irregularité de leurs mouvemens. Mais ces corpufcules agitez ainfi en tous sens, s'embarraffans les uns les autres par des mouvemens rectilignes opofez, chacun d'eux fe trouvera bien-tôt déterminé à fe mouvoir de la maniere où il fera le moins en obstacle au mouvement des autres corpufcules; je veux dire à changer fon mouvement droit en un mou vement circulaire autour d'un centre ; ainfi chaque corpufcule agité, que je nommerai dans la fuite mobile circulant, décrira fon propre cercle plus ou moins grand, felon qu'il aura plus ou moins de vîteffe; car j'ai déja remarqué que tous les mobiles circulans, ne reçoivent

pas un même degré de vîtesse par l'agitation de la matiere Tubtile.

20. Il y aura donc differens ordres de mobiles circulans, & entre ceux qui font d'un même ordre, plufieurs pourront fe mouvoir autour d'un centre commun fur des circonferences égales, & décrire differens plans qui tous pafferont par le centre commun de leur mouvement; en forte que toutes les circonferences que ces mobiles circulans décriront autour d'un même cêntre, feront autant de grands cercle d'une fphere, & la multitude de ces mobiles pourra devenir fi grande, que toute la furface fpherique fera comme couverte de ces petits mobiles, dont les mouvemens rapides & divers parcoureront toujours des circonferences égales, ou au moins des arcs de grands cercles: je dis des arcs, car il arrivera à tout moment que plufieurs mobiles circulans fe rencontrans aux points où leurs cercles fe croiffent, fe détourneront de leur route fans rien perdre de leur vîteffe, parce que le mouvement de la matiere fubtile les entretient toujours dans le même dégré de vîtefle qu'elle leur a une fois communiquée. D'où il est aifé de conclure que les arcs décrits en divers plans par chaque mobile, feront toujours des portions de grands cercles. Car fi on fupofoit qu'un mobile décrivit un petit cercle avec une vîteffe égale, il acquerreroit dès là une force centrifuge prévalante, qui feroit étendre fur la furface fpherique le petit cercle qu'il décrit, jufqu'à ce qu'il fe changeât en un grand cercle, & que fa force centrifuge devint égale à celle des autres mobiles.

21. Mais comme la multitude des mobiles circulans d'un même ordre, eft fans doute beaucoup trop grande pour qu'ils puiffent tous fe mouvoir commodement, & fans s'embarraffer fur une même surface spherique; on conçoit ailement qu'il doit fe former un grand nombre de ces furfaces fpheriques, dont chacune fe mouvra autour de fon centre particulier, à peu près comme font les abeilles, (fi il m'eft permis de me fervir de cette com

paraifon) qui fe partagent en divers effains, lorfqu'elles font trop nombreuses pour n'en compofer qu'un feul.

zz. Confiderons à prefent les difpofitions que pren dront dans le recipient toutes ces furfaces fpheriques, & l'effort qu'elles font les unes fur les autres, & contre les parois interieurs du recipient qui les empêche de fe difater; & nous comprendrons, 1°. que toutes les furfaces grandes & petites de tous les degrez, feront difperfées dans l'étendue du recipient de la même maniere dont Descartes a conçu que l'Univers étoit rempli de tourbillons de toute forte de grandeur, Par quelle raifon Y auroit-il en effet dans une partie du recipient, plus de furfaces fpheriques d'un certain ordre, que dans toute autre partie? 20. Supofant donc les plus grandes fpheres également difperfées dans toute la cavité du recipient, celles qui les faivent en grandeur occuperont les intervalles que les premieres laifferont entre elles, de même que celles du troifiéme ordre fe logeront dans les interftices des fecondes, & ainfi de fuite à l'infini; en forte que chaque furface fpherique fera environnée de toutes parts d'une infinité de furfaces plus petites dans tous les degrez poffibles. 3°. Et comme chacune de ces furfaces fourmille de mobiles qui circulent avec une viteffe convenable à la grandeur de leurs fpheres, & que chacun de ces mobiles acquiert par cette circulation une force centrifuge, il est clair que toutes ces fpheres dont l'in‐ terieur n'eft rempli que de matiere fubtile, s'efforceront continuellement de fe dilater en tout fens, tous les points de leurs furfaces tàchant en même tems de s'éloigner du centre de leur mouvement. On pourroit donc comparer ces fpheres à ces veffies d'eau de favon, , que dilate par le moyen de l'air introduit par un chalumeau, avec cette difference pourtant que les furfaces de celleci font pouffées du dedans au dehors par une force étran

l'on

gere; au lieu que les furfaces fpheriques tendent d'elles

mêmes à fe dilater en dehors, par la force centrifuge qui refide dans ces mêmes mobiles circulans dont cha

que furface fpherique eft compofée. 4°. Auffi chacune de ces fpheres groffiroit-elle actuellement par la dilatation de fa furface, fi les fpheres voifines qui font de pareils efforts pour s'étendre, ne l'en empêchoient. 5°. Mais y ayant un parfait équilibre entre les preffions par le moyen defquelles ces fpheres agiffent les unes fur les autres, il faut de neceffité que chacune de ces fpheres, tant grandes que petites, ait une force égale qui contrebalance l'effort de celles qui l'environnent, & l'empêche de ceder à leur preffion.

23. Tout ceci bien entendu, j'en tire les confequences fuivantes: 1°. Il faut que les mobiles qui circulent fur des furfaces fpheriques de differentes grandeurs ayent des vîteffes qui foient en raison fou-doublée, des rayons de leurs fpheres ; car de cette maniere les forces centrifuges deviennent égales par le Theorême de l'article 1 6. & les furfaces fpheriques que j'appellerai dans la fuite, Spheres creufes, ou fimplement Spheres, fe maintiendront dans un parfait équilibre, quoiqu'inégales en grandeur, par leurs preffions égales & reciproques. 2°. Comme les fpheres contigues aux parois du recipient ne trouvent de réaction du côté de leur attouchement à ces parois, que la fimple refiftance paffive, ou la fermeté du recipient, il eft manifefte que toute la furface interieure devant foutenir l'effort des fpheres qui la touchent, fera continuellement preffée du dedans au dehors dans tous fes points, par des directions perpendicu laires. 3°. Les fpheres qui ne touchent pas les parois du recipient, ne faisant autre chose que fe contre-balancer mutuellement; & fervant ainfi uniquement d'apui aux fpheres qui touchent ces parois, il eft évident que ce font ces dernieres feules dont l'effort fe fait fentir fur la furface interieure du recipient. Il en eft de ceci comme de la preffion de plufieurs refforts rangez en ligne droite, dont j'ai parlé dans mon discours, (Chap.6. art. 3.) où j'ai fait voir que la puiffance L, qui empêche que les FIG. 1. quatre refforts égaux ACB, BED, DGF, FIH, ne se

[ocr errors]

débandent, eft égale à la puiffance P, qui réfifte à un feul de ces refforts, au reffort ACB, par exemple. 4o. D'où il s'enfuit que la preffion totale que fouffre la fur face interieure du recipient, ne doit pas être eftimée par la multitude de toutes les fpheres contenues dans là cavité du recipient, mais feulement par le nombre de celles qui font contigues à fa furface. 5o. Ainfi tout l'amas de nos fpheres creuses, étant tranfporté dans un autre recipient de même capacité, mais de figure differente, la preffion totale que le fecond recipient foutiendra, fera plus ou moins forte, felon que fa furface fera plus ou moins grande que celle du premier recipient. 6. Il s'enfuit encore de là qu'un recipient beaucoup moins fpatieux que le premier, quoiqu'il ne puiffe contenir qu'une partie de ces mêmes fpheres creufes, fera cependant exposé à une plus forte preffion, fi fa furface interieure eft plus grande que celle du premier recipient.

24. Il eft ailé après tout ce que je viens de dire, de déterminer quelle peut être la caufe probable du reffort des corps élastiques. En effet on ne peut guéres attribuer qu'à une matière fubtile, telle que je l'ai décrite, la caufe primitive de l'élasticité de tous les corps à reffort; foit que ces corps foient eux-mêmes fluides, comme l'air groffer que nous refpirons; foit que ces corps foient folides, & de la nature de ceux qu'on nomme roides, lorfque parmi les particules terreftres qui compofent une matiere fluide ou liquide, il fe trouve quantité de ces fpheres creufes, lefquelles tendent conti, nuellement à fe dilater par la force centrifuge de leurs mobiles circulans; il est évident que ce mouvement imprime à ces particules terreftres, une force ou une tendance à s'écarter les uns des autres, & à occuper ainh un plus grand volume qu'auparavant. C'eft en vertu de cette force, ou de cette tendance des fpheres creufes à fe dilater, que le fluide où elles fe trouvent eft apellé élastique tel eft non feulement l'air ordinaire, mais en core l'efprit de yin rectifié, & d'autres liqueurs fpirirucufes

« AnteriorContinuar »