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Hift. liv.

LXI. 72. 4.

vail des mains, rétabli ferienfement dans l'obfervance de Cifteaux mais on y introduifit une nouveauté, qui dans la finite contribua au relâchement ; je veux dire la diftinction des moines du choeur, & des freres lais. La regle n'en fait aucune mention, & jufques à l'onzième fiecle les moines fe rendoient euxmêmes toutes fortes de fervices & s'occupoient tous des mêmes travaux.

Saint Jean Gualbert fut le premier qui inftiEXIII. n. 8. tua des freres lais en fon monaftere de VaMabil. praf. lombreufe, fondé vers l'an 1040. La raison de 2. Sac. n. 9. cette inftitution fut apparemment l'ignorance

Annal.

des laïques, qui la plupart ne favoient pas
Ire, même les nobles: de forte que le latin
n'étant plus la langue vulgaire comme du tems
de faint Benoit, ils ne pouvoient apprendre
les pfeaumes par cœur, ni profiter des lectu-
res qui fe font à l'office divin: au lieu que
les moines étoient dés-lors clercs pour la plû-
part, ou deftinez à le devenir. Mais il femble
que ceux qui introduifirent cette diftinction,
ne confideroient pas que l'on peut arriver
la plus haute perfection fans aucune connoif-
fance des lettres. La plupart des anciens moi-
nes d'Egypte ne favoient pas lire, & faint An-
toine tout le premier: & faint Arfene s'étant
retiré chez eux: le fai les fciences des Grecs
& des Romains ; mais je n'ai pas encore apris
l'alfabet de ce vieillard que vous trouvez fi
groffier. On occupoit donc ces freres lais des
travaux corporels, du menage de la campagne
& des affaires du dehors, pour prieres on leur
prefcrivoit un certain nombre de Pater, à cha-
cune des heures canoniales ; & afin qu'ils s'en
puffent acquitter, ils portoient des grains en-
filez, d'où font venus les chapelets. Ces freres
étoient vêtus un peu differemment des moines

& portoient la barbe longue, comme les autres laïques. Les Chartreux eurent de ces freres dès le commencement, auffi bien que les moines de Grandmont & ceux de Cifteaux ; & tous les Ordres religieux venus depuis ont fuivi leur exemple. Enfin il a paffé même aux religieufes, & on diftingue chez elles les filles du chœur & les feurs converfes, quoique la même raifon n'y foit pas puifqu'ordinairement elles ne favent pas plus de latins les unes que les autres.

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Or cette diftinction entre les religieux a été une grande fource de relâchement, les moines du chœur voyant les freres lais audeffous d'eux, les ont regardez comme des ignorans & des hommes groffiers deftinez à les fervir, & fe font regardez eux-mêmes comme des feigneurs: car c'est ce que fignifie le titre Dom, abregé de dominus ou domnus, Reg. c. 623 qui en Italie & en Efpagne, eft encore un titre de nobleffe, & je ne croi pas qu'on le trouve attribué aux fimples moines avant l'onziéme fiecle, au moins la regle de faint Benoist nc le donne qu'à l'abbé feul. C'eft donc principalement depuis ce tems qu'ils ont cru le travail des mains indigne d'eux fe trouvant fuffi famment occuppez de la priere & de l'é

tude.

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D'un autre côté les freres convers ont été une fource de divifion dans les monafteres qui étant compofez de deux corps f differens n'ont pas été parfaitement unis. Les freres manquant d'étude, & fouvent d'éducation ont quelquefois voulu dominer, comme étant plus neceffaires pour le temporel, que le fpirituel fuppofe car il faut vivre av nt que prier & d'étudier. Vous avez vû ce qui arriva dans l'Ordre de Grandmont fous le pape In

de

KXXV.n. 28.

HiH. liv. nocent III. & comment il fut obligé de repri mer l'infolence des freres, qui vouloient regler même le fpirituel, & l'ordre ne s'eft jamais bien remis de cette divifion. Ce font apparemment de tels exemples qui ont obligé tous les religieux en general à tenir les freres convers fort bas & fort foumis ce qui eft difficile fans s'élever au-deffus d'eux : l'uniformité de la regle de faint Benoist étoit plus fûre.

VI.

Etudes des moines.

que

Les moines ayant abandonné le travail des mains, crûrent l'étude étoit une occupation plus digne d'eux, & l'ignorance des feculiers, même des clcrcs, les y engageoit par une efpece de neceffité. Or ils ne fe bornerent pas à l'étude qui leur étoit la plus convenable, l'écriture fainte & les peres, en un mot la theologie: en quoi ils auroient imité S. Jerôme, & quelques autres anciens moines, mais depuis le huitiéme & le neuviéme fiecle ils embrafferent toutes fortes d'études comme on voit entre autres par Alcuin. Ils joignirent à la theologie l'étude des canons qui fait partie de la fience ecclefiaftique, mais plus convenable aux évêques & aux prêtres deftinez à gouverner les peuples. Les moines ne laifferent pas de s'y appliquer fortement comme on voit par le

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fameux Gratien auteur du Decret ; & cette étu de attira celle du droit civil, principalement depuis la découverte du Digefte, & des autres livres de Juftinien.

Les moines donnerent encore dans une autre étude plus éloignée de leur profeffion, favoir la medecine. Rigord moine de S. Denis étoit phyficien, c'est-à-dire, medecin du roi Louis le Gros, dont il a écrit l'histoire ; & S. Bernard parle d'un moine de fon ordre, qui s'étoit rendu famcux dans cet art. Je veux croire que les moines avoient commencé à s'y

les malades mais

pour

appliquer par charité
comme il falloit fortir pour les vifiter, c'étoit
toûjours une fource de diffipation. On peut
dire le même de la Jurifprudence, qui attiroit
au moins des confultations.

Mais s'ils avoient commencé ces études par charité, ils les continuerent par interest: foit pour conferver les biens de la communauté ou pour leur propre fanté, foit pour gagner dé l'argent comme auroient fait des feculiers. C'est ce que nous apprend le concile de Reims, tenü par lė pape Innocent II. en 1131. qui Can. 6. défend aux moines & aux chanoines reguliers Hift. live d'étudier les loix civiles ou la medecine LXVI, & ajoûte : C'est l'avarice qui les engage à fe " faire avocats, & à plaider des caufes juftes ou injuftes fans diftinction. C'est l'avarice qui les engage à méprifer le foin des ames, pour entreprendre la guerifon des corps & arrêter les yeux fur des objets dont fa pudeur dé fend méme de parler. Ces défenfes furent réïtcrées au concile de Latran, tenu par le même pape en 1139. & encore au concile de Tours tenu par Alexandre III en 1163. on ne défend qu'aux religieux les profeflions de me- Can. decin & d'Avocat, & non aux clercs feculiers: Hift. liv. parce que les laïques en étoient incapables 4. c. 8. n'étant point lettrez,

LXVIII. n.

Hift. liv. Au commencement du fiecle fuivant, on xx. n. 63. permettoit encore aux religieux d'exercer la

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fonction d'avocat pour des reguliers comme Hift. liv. on voit au concile de Paris, tenu par le legat xx111. Robert de Corçon en 1212. & ce même con- 54. cile marque un grand relâchement dans les communautez religieufes de l'un & de l'autre fexe On en voit encore plus au grand concile de Latran tenu trois ans après qui pour y reniedier ordonne la tenue des chapitres gene

VII.

cations

d'Ordres

religieux.

Can. 13.

tra de relig. dums

raux tous les trois ans. Mais ce remede à ett peu d'effet, & depuis ce tems les moines & les chanoines reguliers ont continué de fe relâcher de plus en plus, jufques aux dernieres réformes. D'ailleurs les chapitres generaux ont leurs inconveniens, & la diffipation infeparable des voïages, eft plus grande: & plus ils font grands plus cft la dépenfe, qui oblige à faire des impofitions fur les monafteres, fources de plaintes & de murmures. Et quel eft le fruit de ces chapitres ? De nouveaux reglemens & des députations de vifiteurs pour les faite executer: c eft-à dire, multiplication de voïages & de dépenfes ; & le tout fans grande utilité, comme a fait voir l'experience de quatre fiecles. Auffi S. Benoit n'a-t il rien ordonné de femblable, quoiqu'il ait eu en même tems la conduite de plufieurs monafteres: chacun étoit gouverné par fon abbé & chaque abbé avoit pour infpecteur fon évêque, qui étant fur le lieu étoit plus propre que tout autre à lui faire obferver la regle.

Le même concile de Latran en 1215. défenMultipli dit d'inventer de nouvelles religion, c'est-àdire, de nouveaux ordres ou congregations: de peur, dit le canon, que leur trop grande diverfité n'aporte de la confufion dans l'églife. Ne nimia Mais quiconque voudra entrer en religion emextra 9.ex- braffera une de celles qui font approuvées. Cette défenfe étoit très fage, & conforme à l'efprit de la plus pure antiquité. S. Bafile dans fes regles demande s'il eft à propos d'avoir en un même lieu deux communautez religicufes; & il répond que non. Il ne s'agiffoit pas de deux Ordres differens, mais feulement de deux maifons du même inftitut; & faint Bafile rend deux raifons de fa réponse negative; la premiere qu'il eft difficile de trouver un

Reg. fuf. n.

35.

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