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blent la paix des religieux par les foins & les mouvemens que les fuperieurs & ceux qui agiffent fous leurs ordres font obligez de fe donner pour examiner les deffeins, les plans, & veiller à l'execution: mais fur tout pour fournir à la dépenfe, n'ayant aucun fond afluré; & c'eft ce qui incommode les amis. Mais tant que l'ouvrage dure, la paix de toute la communauté eft troublée par l'embarras des materiaux & des ouvriers. Quant aux mauvais jugemens des hommes au fujet de ces bâtimens, Pierre des Vignes les exprime affez en difant: Ces 1. epi?... freres qui dans la naiffance de leur religion fembloient fouler aux pieds la gloire du monde, reprenent le fafte qu'ils ont méprifé n'ayant rien ils pofledent tout, & font plus riches que les riches mêmes. Enfin faint Bonaventure réproche à fes freres l'avidité des fépultures & des teftamens, qui attire, dit-il, l'indignation du clergé, & particulierement des curez ; c'eft auffi de quoi le plaignoit Matthieu Paris, en difant Ils font foigneux d'affifter à la mort des grands & des riches, au préjudice des pafteurs P. 54TM ordinaires ils font avides de gain & extorquent des teftamens fecrets; ils ne recommandent que leur Ordre, & le préferent à tous les

autres.

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XI.

Schifme

entre les

LXXXIX. 12.

Mais après faint Bonaventure le relâchement fit de grands progrès chez les freres Mineurs, par le malheureux fchifme qui divifa freres Mitout l'Ordre entre les freres fpirituels & ceux nours. de l'obfervance commune. Le bon pape faint Hift. Liv. Celeftin dont le zele étoit plus grand que Ja prudence, autorifa cette divifion, établiffant la congregation des pauvres Ermites fous la conduite du frere Liberat. Ce qui pouffa la divifion au dernier excès, fut la fameufe difpute fur la proprieté des chofes qui

en

3. 24. 37.

hift. liv.

IXXXVI.2.2.

bift. liv.

1XXXV:1. 7.

35.

fe confument par l'ufage, comme le pain & le refte de la nouriture. Saint Bonaventure lui

même foûtint que les freres Mineurs renonçoient à cette proprieté, & qu'elle paffoit au pape & à l'églife Romaine: ce qui fut accepté par le pape Nicolas III. Mais Jean XX. rejetta cette proprieté imaginaire; & declara que le fimple ufage hift. liv. de fait, auquel les prétendus fpirituels vouloient 111.7.14. fe réduire, feroit un ufage injuste, étant dépouillé de tout droit.

2633. 7. 34.

Il déclara que l'obéiffance eft la principale hift. lix. vertu des religieux & préferable à la pauvreté ; car ces freres indociles foûtenoient qu'on ne doit point obéir aux fuperieurs quand ce qu'ils commandent eft contraire à la perfection. C'étoit l'effet des difputes fcolaftiques aufquelles ces freres s'exerçoient continuellement : on y traitoit tous les jours de nouvelles queftions, & on y emploïoit toutes les fubtilitez Cap. Exyc. & les chicanes poffibles. On demandoit par exemple, fi la regle oblige fous peine de peché Clem. Exivi. mortel, ou feulement de peché veniel. Si elle

de verb.

figu.in 6.

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bift. liv. CXI. n.53

oblige aux confeils de l'évangile, comme aux préceptes. Si ce qu'elle preferit en forme d'admonition, d'exhortation ou d'inftruction oblige autant que ce qu'elle exprime en termes imperatifs. On s'accoutuma par là à rafiner fur le décalogue, & fur i'évangile.

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Les effets de ces difputes frivoles ne furent que trop ferieux le pape Jean XXII. aïant ofé condamner ces freres indociles, ils le déclarerent heretique de leur propre autorité; &. appellerent de ces conftitutions au futur concile. Enfin la révolte alla fi loin, que ces bift. liv. freres Mineurs, foûtenus par l'empereur Louis XCII. n.46. de Baviere, firent dépofer Jean XXII. & mettre à fa place l'antipape Pierre de Corbiere un d'entr'eux qui pour foûtenir fa dignité, fut

47.

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réduit à prendre de toutes mains ; & c'est à quoi fe termina l'humilité de ces freres, & leur zele pour la pauvreté & la perfection évangeli

que.

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Diag. Laert.
Har. 80. no

4. 5. 6.

Au refte, fi la mandicité des religieux n'a été autorisée dans l'églife que depuis le treiziéme fiécle ce n'eft pas que l'invention en fût nouvelle. De tout tems on a vû des mandians même fous prétexte de philofophie ou de religion. Les philofophes Cyniques mandioient, & on trouva une fois Diogene demandant à une ftatue, pour s'exercer, difoit- "Hift. liv. il, à être refufé. C'eft à l'occafion des hereti- x1X. 11. 25. ques Maffaliens, que faint Epiphane marque les inconveniens de la mandicité, infiftant fur les lâches complaifances aufquelles elle enga ge pour les riches, même pour ceux dont les biens font mal acquis vifites actives & paffives, flatteries, converfations de nouvelles, ou d'autres matieres mondaines; & la pire de toutes les complaifances, qui eft la facilité des abfolutions, & l'affoibliffement de la theolo→ gie morale. Guillaume Durandi, évêque de xc1. 1. 32. Mende, dans fes avis pour le concile de Vienne, marque une grande eftime pour les religieux mandians: mais ajoûte-t-il, on devroit pour voir à leur pauvreté, enforte qu'ils euffent en commun des revenus fuffifans, ou qu'ils fubfiftaffent du travail de leurs mains, comme les apôtres.

1

Les moines & les autres anciens religieux tomberent dans un grand mépris depuis l'introduction des mandians. Ils n'étoient plus venerables comme autrefois par leur amour pour leur retraite, leur frugalité, leur défintereffement la plupart s'abandonoient à l'oiAveté & à la moleffe, les études mêmes qu'ils prétendoient avoit fubftituées au travail des

** iiij

Hift. liv.

XII. Relâche ment gene ral des ruli

gieux.

mains, étoient chez eux fort languiffantes; en un mot; ils ne paroiffoient pas être d'une grande utilité à l'églife. On voïoit au contraire les freres mandians remplir les chaires des écoles & des églifes, & par leurs travaux infatigables, fuppléer à la negligence & à l'incapacité des prelats & des autres pafteurs. Ce mépris excita les anciens moines å relever chez eux les études comme nous avons vû dans la fondation du college des Bernardins à Paris ; & bif. liv. le pape Benoift XII. dans fa bulle pour la reforme des moines noirs s'étend beaucoup fur les

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47:

hift. L. études.

XCIV. n. 48.

bift. liv.

LXXXI. 22.12.

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Mais comme on n'imaginoit pas alors qu'on pût bien étudier ailleurs que dans les Univer fitez, on y envoyoit les moines, ce qui fut une nouvelle fource de reiâchement par la diffipation des voyages, la frequentation inévitable des étudians feculiers peu reglez dans leurs mœurs pour la plûpart, la vanité du doctorat & des autres grades, & les diftinctions, qu'ils donent dans les monafteres. Or les moines en general, non feulement de la grande regle mais encore de Clugni & de Cifteaux étoient déja tombez dans un grand relâchement. On le voit par le concile de Cognac tenu en 1238. où il eft marqué que les moines & les chanoines reguliers recevoient en argent leur nourriture & leur veftiaire en forte que les places monacales étoient comme de petits benefices. Les moines fortoient fans permiffion, mangeoient en ville chez les feculiers & s'y cachoient. Ils avoient leur pecule en propre, empruntoient de l'argent en leur nom & fe rendoient cautions pour d'autres. Ils mangeoient de la viande portoient du linge & couchoient dans des cellules ou chambres particulieres.

,

C'eft ici le lieu, ce me femble, d'examiner les caufes ou plutôt les prétextes du relâchement des religieux dont un des plus communs & des plus fpecieux eft l'affoibliffement de la nature. Les corps, dit-on, ne font plus tels qu'ils étoient il y a mille ans ou plus, du tems de faint Antoine & de faint Benoift: les hommes ne vivent plus fi long-temps & n'ont plus la même force. C'est un très-ancien préjugé & qui fe trouve dans Homere & dans Virgile mais ce n'eft qu'un préjugé, non feulement fans preuve, mais détruit par des faits conftans. Du tems de Moïfe, il y a plus de trois mille ans, la vie humaine étoit bornée à cent ou fix-vingts ans ; & toutefois dans un pfeaume qui porte fon nom, elle est réduite à foixante & dix ou quatre-vingt ans. Parcourez toutes les hiftoires vous n'y trou- Pf. 89.10. verez prefque perfonne qui ait plus vêcu depuis trois mille ans, fi ce n'est les anciens moines ; & pour nous réduire à la France, depuis treize cens ans que dure la monarchie, aucun de nos rois n'a tant vêcu que le dernier

mort.

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Il faut donc renoncer à ce préjugé populaire, qui a produit tant de relâchement non feulement chez les religieux, mais dans toute réglife. De cette erreur eft venuë la liberté que l'on s'eft donnée d'avancer de quatre ou cinq heures l'unique repas du Carême, & d'y en ajoûter un fecond. Dès, le douziéme fiecle Pierre le Venerable voulant excufer le relâchement de l'obfervance de Clugni, difoit que la nature humaine eft affoiblie depuis le tems de faint Benoift, & toutefois faint Bernard dans le même tems, témoigne que tous les fideles jeûnoient encore de carême jufques au foir. Cependant fur le faux préjugé on a avancé

Hift. liv.

LXVII. n.

50.

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