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C. 49.

donna un terme pour rendre reponse, & avant AN.1409. qu'il fut échu, il partit un jour de grand ma tin deguifé en laïque monté à cheval, & accompagné de deux homes de pied. Ceux que le patriarche d'Aquilée, ou les Venitiens avoient mis en embufcade, le prirent pour un marchand on un autre laïque, & ne voulant pas fc découvrit pour un fcul home à cheval, le laifferent pailer librement. Mais peu après fortit de la ville Paul camerier & confeffeur de Gregoire, vêtu de rouge, comme fi ç'eut été un grand prélat, & accompagné d'un grand nombre des homes d'armes que le roi Ladiflas avoient envoïez. Il étoit aufli fuivi de plufieurs mules & autres bêtes chargées du bagage de Gregoire.

Les gens de l'embufcade le prirent pour Gre goire lui-même, & vinrent fur lui à bride abatue. Ils prirent tous ceux qui l'accompagnoient & même les bêtes de charge; & ayant reconn que Paul n'étoit pas le pape', quoi qu'il lui reffemblat fort; ils lui demanderent ce que le pa pe étoit devenu, & il leur dit que c'étoit celui qui avoit paffé feul à cheval avec deux homes de pied. Ils coururent aprés de toute la force de leurs chevaux, jufqu'à une place appartenante au comte de Gorits: où ils apprirent que fi-tot que Gregoire y étoit arrivé, il avoit pris un ba teau & parla riviere étoit defcendu dans la met où étoient les galeres, & s'étoit embarqué.

Ceux qui le pourfuivoient, s'en retournerent confus, & rejoignirent leurs camarades avec lefquels ils trouverent encore les prifoniers qu'ils avoient faits, & les mencrent à Udine. Mais ca depit de Gregoire, ils dépouillerent Paul foa confeffeur de fon habit rouge qu'il porroit, & le laifferent en pourpoint. Comme ils le chargeoient de baltonades, un d'eux fentit de la réfiitance & aiant mis Paul en chemife, il trouva cinq

fens florins d'or coufus dans le pourpoint. Il les porta à fes camarades qui les partagerent avec joie. Un d'entr'eux fe revêtit de l'habit rouge; & marchant à chevai dans Udine, il donnoit au peuple des benedictions comme le pape.

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AN. 1409,

Le refte de la fuite de Gregoire n'oferent for- Th. Niem tir d'Auftria, où ils étoient demeurez mais c. so. vers la mi-Octobre ils foudoïerent une efcorte de cinq cens chevaux Allemans du voisinage, qui les tirerent d'Auftria. Entr'eux étoit un frere Mineur nommé Pierre de Gascogne qui prédi foit hardiment à Gregoire qu'il demeureroit feul pape; & foûtenoit publiquement qu'un pape ne pouvoit renoncer au faint fiege fans fe damner & que les fermens qu'avoit faits Gregoire, ne l'obligeoient point. C'eft ainfi qu'il flatoit ce pape qui l'admettoit à fa table. Gregoire s'étant embarqué, vint dans l'Abruzze, & demeura à Gaiette fous la protection du roi Ladiflas. Sa cour étoit petite, on y aportoit peu d'argent pour obtenir des graces, & fon obedience fe foutenoit plus par la crainte du roi, que par affection pour lui.

XL.

Le pape Alexandre étoit encore à Pife, quand Alexandre Louis II. roi de Sicile de la maifon d'Anjou y ar- v. maître riva, & fut reçu avec grand honneur par le pa- de Rome, pe & les cardinaux, principalement les François. c. 52. Baltafar Coffa cardinal diacre du titre de faint Euftache alors légat à Boulogne fe joignit à lui: & les troupes de l'églife avec celles du roi pafferent vers la mi-Septembre en Tofcane au patrimoine de faint Pierre, où toutes les villes & châteaux apartenans à l'églife revinrent à fon obéiffance. Le roi Louis & le cardinal legat s'avancerent jufqu'à Rome, où Paul des Urfins leur fit rendre le château-faint Ange; & ils prirent plufieurs autres châteaux de rebelles. Sur la fin d'Otobre le pape fortit de Pise à caufe de la mortalité

qui commençoit à y regner, & vint à Pistoie, AN.1409. puis à Bologne.

XLI.

Foible gou

vernement

d'Alexan

dre V. 6. 51.

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Le pape Alexandre fe gouvernoit entierement par les confeils ou plûtôt les ordres du cardinal Baltafer Coffa. Il ne réforma rien pendant fon pontificat, il cherchoit à plaire à tout le monde; & à peine pouvoit-il refufer quelque chofe de quelque qualité que fût celui qui la demandoit. C'est pourquoi dès qu'il fut pape il déprima les charges les plus confidérables de fa cour, & en augmenta le nombre fans neceffité, cédant à l'importunité des demandeurs. Il étoit prodigue dans la diftribution des benefices, & n'avoit é gard ni à la diférence des perfonnes, ni aux formalitez ordinaires pour accorder les graces; n'aïant aucune experience des chofes de pratique. Auffi ne voit-on point qu'il fût légifte ou canonifte, mais feulement théologien & prédicateur. Il écouta très rarement les plaidoïers des avocats en confiftoire public, comme faifoient les autres papes; & quelquefois il faifoit figner par d'autres les fupliques qui lui étoient préfentées, & il diftribuoit par jui-même aux clercs qui lui étoient attachez les rôles des fupliques qu'il avoit fignées au lieu que le vice-chancelier devoit les diftribuer aux abbréviateurs des lettres apoftoliques felon leur capacité & leur mérite. Or ces clercs favoris du pape n'avoient aucune expérience de ces fortes d'affaires, & il ne les leur renvoïoit que pour les enrichir. Ce qui fut cause de plufieurs faufferez & de plufieurs fraudes dans le peu de tems que dura le pontificat d'Alexandre. Mais Thierri de Niem qui rapporte ces faits étant officier de la chancellerie Romaine, eft un peu fufpect d'être touché de fon interêt.

Il dit encore que le pape Alexandre fi-tot *. 52. qu'il fut élu & avant même fon couronnement,

donna des archevêchez, des évêchez & des abbaïes; & accorda à tous les domeftiques des cardinaux qui les avoient fervis daus le conclave, des benefices & des graces fi abufives & fi exorbitantes, que jamais on n'avoit oui parler de rien de femblable. Et dans le rôle qu'il figna pour ces domeftiques, il exprima qu'il l'avoit fait, parce que dans le conclave il l'avoit promis à chacun des cardinaux, en cas qu'il devint pape Il donnoit des difpenfes pour poffeder des benefices incompatibles au grand étone. ment des officiers de fa cour les mieu inftruits. Il fembloit ne compter pour rien les titres ecclefiaftiques.

AN. 1409.

Il favorifa fingulierement les freres Mineurs . ' d'entre lefquels il avoit été tiré. Il donna à ceux qui étoient le plus dans fa familiarité des charges à fa cour qui étoient lucratives & ordinairement exercées par des féculiers habiles & experimentez. Il s'éforçoit auffi de placer des freres Mineurs dans la plupart des évêchez vacans. Enfin le douzième d'Octobre étant encore à Pife Duboulai il donna une bulle pour renouveller les privilé- to-3. p. 196à ges des religieux Mandians au préjudice des curez;ce qui caufa de grands mouvemens dans l'univerfité de Paris pendant le Carême de l'année fuivante.

Peu de tems après le pape Alexandre publia Rain. 1409; une grande bulle contre le roi Ladidas, où il n. 85. Paccufe d'avoir fomenté le fchifme en foûtenant Gregoire XII. & refufant de venir au concile de Pife ou d'y envoier les évêques de fon roïaume : d'avoir envahi Rome, Benevent, Peroufe & plufieurs autres places appartenans à l'églife; d'avoir fait la guerre aux Pifans, & fait fes éforts pour diffiper le concile. Il l'accufe encore de plufieurs autres crimes; & pour conclufion il commet deux cardinaux afin de le citer à comparoî

tre devant fon tribunal. La bulle eft datée de Pife AN.1409. le premier Novembre ; & il est aifé d'en voir l'i̟nutilité.

LXII.

Erreurs de Jean Hus. J. Colchl. bift. lib. 1.

12.

Sub. liv.

xcx. n. 38. Colchl. c.

26.

Cependant le pape Alexandre fut averti du progrès que les erreurs de Viclef faifoient en Boheme, ce qu'il faut reprendte de plus haut. L'année precedente 1 4 0 8. l'université de Prague s'affembla folemnelement en la maison de la nation de Boheme nommés la Rofe-noire, & Jean Hus s'y trouva entre les principaux docteurs. On y prit d'un commun confentement une conclufion qui portoit: Sachent tous que tous les docteurs ici assemblez ont unanimement rejetté & defendu les quarante-cinq articles de Viclef, dans leurs fens heretiques, erronez ou fcandaleux, défendant à tous leurs fupofts de quelque nation qu'ils foient, qu'aucun ne foit affez hardi pour les foûtenir ou les enfeigner en public ou en fecret; & cela fous peine d'être exclus de la nation. C'étoit la plus grande peine qu'ils puffent alors impofer. Ils défendirent encore que perfonne au-deffous des docteurs ne lur les livres de Viclef, principalement ceux de l'Euchariftic, le Dialogue & le Trialogue.

Jean Hus n'ofa pas contredire publiquement à la fentence de l'univerfité de Prague: mais il ne laiffoit pas dans les entretiens fecrets, d'infeAer plufieurs perfonnes des erreurs de Viclef. Or voïant que les Allemans s'oppofoient à son def fein,la haine qu'il leur portoit déja, en augmen ta beaucoup, & ce fut lui qui excita les Bohemiens à demander au roi Venceflas qu'ils euffent le gouvernement de leurs écoles à l'exclufion des Allemans d'où vint leur retraite, & la fondation de Lipfig vers cette année 1409.

:

Outre les fermons par lefquels Jean Hus s'atiroit le peuple, il gagnoit les grands par les livres

de

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