me côté, loge un Chirurgien convaincu d'avoir, par jalousie, fait à sa fem. me une faignée comme celle de Séne. que. Il a eu aujourd'hui la question, & après avoir confessé le crime dont on l'accusoit, il a déclaré que depuis dix ans, il s'est servi d'un moyen assez nouveau pour se faire des pratiques. Il blefsoit la nuit les passans avec une bayonnette, & se sauvoit chez lui par une petite porte de derriere. Cependant le blessé poussoit des cris, qui attiroient les voisins à son secours. Le Chirurgien y accouroit lui-même comme les autres, & trouvant un homme noyé dans son sang, il le faisoit porter dans sa boutique, où il le pansoit de la même main dont il l'a--voit frappé. Quoique ce Chirurgien cruel ait fait cette déclaration, & qu'il mérite mille morts, il ne laisse pas de se flatter qu'on lui fera grace, & c'est ce qui pourra fort bien arriver, parce qu'il est parent de Madame la Remueuse de l'Infant. Outre cela, je vous dirai qu'il y a chez lui une Eau merveilleuse, que lui seul sçait composer; une Eau qui a la vertu de blanchir la peau, & de faire d'un vi fage décrépit une face enfantine; & cette Eau incomparable fort de la fontaine de Jouni F6 Jouvence à trois Dames du Palais, qui se sont jointes ensemble pour le fauver. Il compte fi fort sur leur crédit, ou fa vous voulez, fur son Eau, qu'il s'est endormi tranquillement, dans l'espérance qu'à fon réveil, il recevra l'agréable nouvelle de son élargissement. J'apperçois fur un grabat, dans la même chambre, dit l'Ecolier, un autre homme qui dort, ce me semble, auffi d'un fommeil paisible. Il faut que fon affaire ne soit pas bien mauvaise. Elle est fort délicate, répondit le Démon. Ce Cavalier est un Gentilhomme Bifcayen, qui s'est enrichi d'un coup d'efcopete: & voici comment. Il y a quinze jours que chaffant dans une forêt avec son frere aîné, qui jouissoit d'un revenu confidérable, il le tua par malheur, en tirant fur des perdreaux. L'heureux quiproquo pour un Cadet, s'écria Don Cléofas en riant ! Oui, reprit Asmodée; mais les Collatéraux, qui voudroient bien s'approprier la fucceffion du défunt, poursuivent en Juftice fon meurtrier, qu'ils accusent d'avoir fait le coup pour devenir unique héritier de sa famille. Il s'est de luimême conftitué prifonnier, & il paroît fi affligé de la mort de son frere, qu'on ne ne sçauroit imaginer qu'il ait eu intention de lui ôter la vie. Et n'a-t'il effectivement rien à se reprocher là-dessus que fon peu d'adresse, repliqua Léandro? Non, repartit le Boiteux; il n'a pas eu une mauvaise volonté. Mais lorsqu'un fils aîné possede tout le bien d'une maifon, je ne lui conseille pas de chasser avec son cadet. Examinez bien ces deux adolefcens ; qui dans un petit réduit auprès du Gentilhomme de Biscaye, s'entretiennent auffi gaiement que s'ils étoient en liberté. Ce sont deux véritables Picaros. Il y en a principalement un qui pourra donner quelque jour au public un détail de fes Espiégleries. C'est un nouveau Gusman d'Alfarache. C'est celai qui a un pourpoint de velours brun & un plumet à son chapeau. > Il n'y a pas trois mois qu'il étoit dans cette Ville, Page du Comte d'Onate; & it feroit encore au service de ce Seigneur, fans une fourberie qui est la cause de sa prifon, & que je veux yous conter. Ce Garçon nommé Domingo, reçut un jour chez le Comte cent coups de fouet, , que l'Ecuyer de la Salle, autrement le Gouverneur des Pages, lui fit rudement appliquer, pour certain tour d'habileté qui le méritoit. Il eut longtemps fur le cœur cette petite correctionlà, & il réfolut de s'en venger. Il avoit remarqué plus d'une fois que le Seigneur Don Côme, c'est le nom de l'Ecuyer, se lavoit les mains avec de l'eau de fleur d'orange, & fe frottoit le corps avec des pâtes d'œillet & de jasmin, qu'il avoit plus de soin de sa personne qu'une vieille coquette ; & qu'enfin,.. c'étoit un de ces fats qui s'imaginent qu'une femme ne sçauroit les voir sans les aimer. Cette remarque lui fournit une idée de vengeance, qu'il communiqua à une jeune Soubrette de son voi. finage, de laquelle il avoit besoin pour l'exécution de fon projet, & dont il étoit tellement ami, qu'il ne pouvoit le devenir davantage. Cette Suivante, appellée Floretta, pour avoir la liberté de lui parler plus aifément, le faifoit passer pour fon coufin, dans la maison de Dona Luziana sa Maîtresse, dont le pere étoit alors abfent. Le malin Domingo, après avoir instruit sa fausse parente de ce qu'elle avoit à faire, entra un matin dans la chambre de Don Côme, où il trouva cet Ecuyer qui essayoit un habit neuf, se regardoit avec complaisance dans un miroir, & paroissoit charmé de sa figure. Le Page fit semblant d'admirer ce Narciffe, & lui dit avec un feint tranfport: En vérité, Seigneur Don Côme, vous avez la mine d'un Prince. Je vois tous les jours des Grands fuperbement vêtus : cependant malgré leurs riches habits, ils n'ont pas votre prestance. Je ne sçais, ajouta-t'il, fi étant votre ferviteur autant que je le suis, je vous confidere avec des yeux trop prévenus en votre faveur; mais franchement, je ne vois point à la Cour de Cavalier que vous n'effaciez.. L'Ecuyer fourit à ce discours, qui flattoit agréablement sa vanité, & répondit en faisant l'aimable: Tu me flattes, mon ami, ou bien, il faut en effet que tu m'aimes, & que ton amitié me préte des graces que la nature m'a refusées. Je ne le crois pas, repliqua le flatteur; car il n'y a personne qui ne parle de vous aussi avantageusement que moi. Je voudrois que vous euffiez entendu ce qu me disoit encore hier une de mes cou-.. sines qui fert une fille de qualité. Don Côme ne manqua pas de de mander ce que cette cousine avoit dit : Comment, reprit le Page! Elle s'éten |