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dit fur la richeffe de votre taille, fur l'agrément qu'on voit répandu dans toute votre perfonne ; & ce qu'il y a de meilleur, c'est qu'elle me dit confidemment que Dona Luziana, fa Maîtreffe, prenoit plaifir à vous regarder au travers de fa jaloufie, toutes les fois que vous paffiez devant fa maifon.

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dit l'E

Qui peut être cette Dame cuyer Et où demeure-t'elle ? Quoi ! répondit Domingo, vous ne fçavez pas que c'eft la fille unique du Meftre-deCamp Don Fernando, notre voisin Ah! je fuis à préfent au fait, reprit Don Côme. Je me fouviens d'avoir oui vanter le bien & la beauté de cette Luzia. na. C'est un excellent parti. Mais feroit-il poffible que je me fuffe attiré fon attention N'en doutez pas, repartit le Page. Ma coufine me l'a dit. Quoique Soubrette, ce n'eft point une menteufe; & je vous réponds d'elle comme de moi-même. Cela étant, dit l'Ecuyer, il me prend envie d'avoir une converfation particuliere avec ta parente; de la mettre dans mes intérêts par quelques petits préfens, fuivant l'ufage; & fi elle me confeille de rendre des foins à fa Maîtreffe, je tenterai la fortune. Pour

Pourquoi non? Je conviens qu'il y a de la distance de mon rang à celui de Don Fernandó; mais je fuis Gentilhomme une fois, & je poffede cinq cens bons ducats de rente. Il fe fait tous les jours des mariages plus extravagans que celui-là.

Le Page fortifia fon Gouverneur dans fa réfolution, & lui ménagea une entreve avec la coufine, qui trouvant l'Ecuyer difpofé à tout croire, l'affura que fa Maîtreffe avoit du goût pour lui. Elle m'a fouvent interrogée fur votre chapitre, lui dit-elle ; & ce que je lui ai répondu là-deffus ne doit pas vous avoir nui. Enfin, Seigneur Ecuyer, vous pouvez vous flatter juftement que Dona Luziana vous aime en fecret. Faiteslui hardiment connoître vos légitimes intentions. Montrez-lui que vous êtes le Cavalier de Madrid le plus galant comme vous en êtes le plus beau & le mieux fait. Donnez-lui fur-tout des Sérénades. Rien ne lui fera plus agréa ble. De mon côté je lui ferai bien valoir vos galanteries, & j'efpere que mes bons offices ne vous feront pas inutiles. Don Côme tranfporté de joie de voir la Soubrette entrer fi chaudement dans fes intérêts, l'accabla d'embraffades, &

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Jui mettant au doigt une bague de peir de valeur, qu'il avoit apportée exprès pour lui en faire préfent: ma chere Floretta, lui dit-il, je ne vous donne ce diamant que pour faire connoiffance. avec vous. J'ai deffein de reconnoître, par une plus folide récompenfe, les fervices que vous me rendrez..

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On ne fçauroit être plus fatisfait qu'il le fut de fon entretien avec la Suivante. Auffi non feulement il remercia Domingo de le lui avoir procuré, il le gra tifia encore d'une paire de bas de foie & de quelques chemifes garnies de dentelles lui promettant d'ailleurs de ne laiffer échapper aucune occafion de lui être utile. Enfuite le confultant fur ce qu'il avoit à faire : mon ami, lui ditil, quel eft ton fentiment? Me conseilles-tu de débuter par une lettre paffionnée & fublime à Dona Luziana C'eft mon avis, répondit le Page. Faites-lui une déclaration d'amour en haut ftyle. J'ai un preffentiment qu'elle ne la recevra point mal. Je le crois de même reprit l'Ecuyer. Je vais à tout hazard. commencer. par. là. Auffi-tôt il fe mit à écrire ; & après avoir déchiré pour le moins vingt brouillons, il parvint à faire un billet doux, auquel il

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s'ar

sarrêta. Il en fit la lecture à Domingo, qui l'ayant écouté avec des geftes. d'admiration, fe chargea de le porter fur le champ à fa coufine. Il étoit conçu dans des termes fleuris & recherchés.

Ily a long-temps, charmante Luziana, que fur la foi de la Renommée, qui publie par-tout vos perfections, je me fuis laiffe enflammer d'un ardent amour pour vous. Néanmoins malgré les feux dont je fuis la proie, je n'ai ofé hazarder aucun acte de galanterie. Mais comme il m'eft revenu que vous daigniez arréter vos regards fur moi, quand je paffe devant la jaloufie qui dérobe aux yeux des hommes votre beauté céleste, & même que par une influence de votre Aftre, très heureuse pour moi, vous inclinez à me vouloir du bien; je prends la liberté de vous demander la permiffion de me confacrer à votre fervice. Si je fuis affez fortuné pour l'obtenir, je renonce à toutes les Dames paffées, préfentes & à venir.

Don Cóme de la Higuera.

Le Page & la Suivante ne manque.

rent

rent pas de s'égayer aux dépens du Seigneur Don Côme, & de fe divertir de fa lettre. Ils n'en demeurerent pas-là. Ils compoferent à frais communs un billet tendre, que la femme de chambre écrivit de fa main, & que Domingo rendit le jour fuivant à l'Ecuyer, comme une réponse de Dona Luziana. Il contenoit ces paroles :

J'ignore qui peut vous avoir fi bien inftruit de mes fentimens fecrets. C'est une trahifon que quelqu'un m'a faite ; maisje la lui pardonne, puifqu'elle eft caufe que yous m'apprenez que vous m'aimez. De tous les hommes que je vois paffer dans ma rue, vous êtes celui que je prends le plus de plaifir à regarder; & jeveux bien que vous Soyez mon Amant. Peut-être ne devrois-je pas le vouloir & encore moins vous le dire. Si c'eft une faute que je fais, votre mérite me rend excufable.

DONA LUZIANA.

Quoique cette réponse fût un peu trop vive pour la fille d'un Meftre-deCamp; car les auteurs n'y avoient pas regardé de fi près, le préfomptueux Don

Côme

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