dans un endroit un Seigneur Musulman fortant du bain , & environné de toutes les femmes de son Sérail, qui s'empresa foient à lui rendre leurs services. On découvroit dans un autre , un Gentila homme Anglois , qui présentoit ga. lamment à la Dame une pipe & de la biere. On y démêloit aussi des joneurs mer veilleusement bien représentés : les uns animés d'une joie vive, remplissoient leurs chapeaux de pieces d'or & d'argent ; & les autres, ne jouant plus que sur leur parole , lançoient au Ciel des regards facriléges, en mangeant leurs. cartes de desespoir. Enfin, l'on y voyoit autant de choses curieuses, que sur l'admirable Bouclier que le Dieu. Vulcain fit, à la priere de Thétis. Mais il y avoit cette différence entre les ouvrages de ces deux Boiteux , que les figures du Bouclier n'avoient aucun rapport aux ex. ploits d’Achille ; & qu'au contraire, cel es du manteau étoient autant de vives: images, de tout ce qui se fait dans le monde par la suggestion d’Asmodée.. CHA. C E Démon s'appercevant que fa vue ne prévenoit pas en la faveur l’E. colier , lui dit en souriant : Hé bien Seigneur Don Cléofas Léandro Pérez. Zambulo , vous voyez le charmant Dieu des. Amours, ce souverain Maître des cours. Que vous semble de mon air & de ma beauté ? Les Poëtes ne sont ils pas d'excellens Peintres ? Erane chement, répondit Don Cleofas, ils. font un peu flatteurs.. Je crois que vous ne parûtes pas tous ces traits devane Psyché. Oh ! pour cela non, repartit le Diable l'empruntai ceux d'un petit Marquis, François , pour me faire ai.. mer brusquement. Il faut bien couvrir le vice d'une apparence agréable ; autrement il ne plairoit pas. Je prens toutes les formes que je veux, & j'aurois pu me montrer à vos yeux sous un plus beau corps fantastique ; mais, puif , que je me suis donné tout à VOUS: , & que j'ai dessein de, ne vous riep dégui. ser , j'ai voulu que vous me vissiez. Tous la figure la plus convenable à l'opinion qu’on a de moi & de mes exercices. Je ne suis pas surpris , dit Léandro, que vous soyez un peu laid : pardonnez, s'il vous plaît , le terme ; le commerce que nous allons avoir ensemble , demande de la franchise. Vos trais s'accor. dent fort avec l'idée que j'avois de vous. Mais apprenez-moi , de grace , pourquoi vous êtes boiteux ? C'est, répondit le Démon, pour avoir eu autrefois en France un différend avec Pillardoc, le Diable de l'intérêt. Il s'agissoit de sçavoir qui de nous posséderoit un jeune Manceau, qui venoit à Paris chercher fortune. Comme c'étoit un excellent sujet , un garçon qui avoit de grands talens , nous nous en disputâmes vivement la possession. Nous nous battîmes dans la moyenne région de l'air. Pillardoc fut le plus fort, & me jetta sur la terre , de la même façon que Jupiter , à ce que disent les Poëtes, culbuta Vulcain. La confor. mité de ces avantures fut cause que mes Camarades me surnommerent le Diable Boiteux. Ils me donnerent en raillant ce sobriquet , qui m'eft resté depuis ce temps-là. Néanmoins, tout estropié que je suis , je ne laisse pas. d'aller Haffer bon train. Vous serez témoin de mon agilité. Mais, ajoûta-t'il , finiffons cet entretien. Hâtons - nous de sortir de ce galetas. Le Magicieny va bien-tôt monter, pour travailler à l'immortalité d'une bela le Sylphide , qui le vient trouver ici toua tes les nuits. S'il nous surprenoir , il ne manqueroit pas de me remettre en bou- . teille, & il pourroit bien vous y mettre aussi. Jettons auparavant par la tea nêtre les morceaux de la phiole brisée afin que l'Enchanteur ne s'apperçoive pas de mon élargissement. Quand il s'en apperceyroit après no. tre départ , dit Zambulo , qu'en arriveroit-il ? Ce qu'il en arriveroit, répondit le Boiteux. Il paroît bien que vous n'avez pas lù le Livre de la Contrainte. Quand j'irois me cacher aux extréinités de la Terre , ou de la Région qu'habitent les Salamandres enflammées : quand je descendrois chez les Gnomes, ou dans les plus profonds abîmes des Mers , je p’y ferois point à couvert de son refém timent. Il feroit des conjurations fi for: tes, que tout l'enfer en trembleroit. J'aus rois beau vouloir lui detobéir , je serois obligé de paroître , malgré moi, devant lui , pour subir la peine qu'il voudroit m'imposer. Cela qui fait Cela étant , reprit l'Ecolier, je crains fort que notre liaison ne soit pas de lone gue durée. Ce redoutable Négromancien découvrira bien-tôt votre fuite. C'est ce que je ne sçai point , repliqua l'Esprit , parce que nous ne sçavons pas. ce qui doit arriver. Comment , s'écria Léandro Pérez, les Démons ignorent l'avenir ? Assurément , repartit le Dia ble : les personnes qui se fient à nous. là-dessus font de grandes dupes. C'est ce que les Devins & les Devicereffes ditent tant de sottiles, & en font. tant faire aux femmes de qualité qui. vont les consulter sur les événemens futurs. Nous ne sçavons que le passé & le présent. l'ignore donc si le Magicien s'appercevra bien-tôt de mon ablence; mais j'espere que non. Il a plusieurs. phioles semblables à celle où j'étois ene fermé : il ne foupçonnera pas qu'elle y ; manque. Je vous dirai de plus, que je: Luis dans son Laboratoire comme un. Livre de Droit dans la Bibliotheque d'un. Financier : il ne pense point à moi ; &. quand il y penseroit, il ne me fait ja- , mais l'honneur de m'entretenir ; c'eit le: plus. fier Enchanteur que je connoisse.. Depuis le temps qu'il me tient prisons, nier, il n'a pas.daigné me parler une feule fois Quel |