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nouvelle, qui fera demain un grand effet fur fon Amant. Elle ne peut trop s'appliquer à le ménager. Ċ'est un fujet qui promet beaucoup. Auffi a-t'elle dit tantôt à un de fes Créanciers, qui lui eft venu demander de l'argent Attendez mon ami, reve. nez dans quelques jours je fuis en termes d'accommodement avec un des principaux perfonnages de la

Douane.

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Il n'eft pas befoin, dit Léandro, que je vous demande ce qu'a fait certain Cavalier qui fe préfente à ma vue. Il faut qu'il ait paffé la journée entiere à écrire des lettres. Quelle quantité j'en vois fur fa table ! Ce qu'il y a de plai fant, répondit le Démon c'est que toutes ces lettres ne contiennent que la même chofe. Ce Cavalier écrit à tous fes amis abfens. Il leur mande une avanture qui lui eft arrivée cet après-midi. Il aime une veuve de trente ans belle & prude. 11 lui rend des foins. qu'elle ne dédaigne pas. Il propose de l'époufer. Elle accepte la propofition.. Pendant qu'on fait les préparatifs des nôces il a la liberté de l'aller voir chez elle. Il y a été cette après-dînée; & comme par hazard il ne s'eft trouvé

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perfonne

perfonne pour l'annoncer, il eft entré dans l'appartement de la Dame, qu'il a furprife dans un galant deshabillé ou pour mieux dire prefque nue, fur un lit de repos. Elle dormoit d'un profond fommeil. Il s'approche doucement d'elle, pour profiter de l'occafion. Il lui dérobe un baifer. Elle fe réveille; & s'écrie en foupirant tendrement: Encore! Ah! je t'en prie, Ambroife, laiffe-moi en repos. Le Cavalier, en galant homme, a pris fon parti fur le champ. Il a renoncé à la Veuve. Il eft forti de l'appartement. Il a rencontré Ambroise à la porte: Ambroife, lui a-t'il dit, n'entrez pas, votre Maîtreffe vous prie de la laisser en repos.

A deux maifons au-delà de ce Cavalier, je découvre dans un petit corps de Jogis, un original de mari qui s'endort tranquillement aux reproches que fa femme lui fait d'avoir paffé la journée entiere hors de chez lui. Elle feroit en. core plus irritée, fi elle fçavoit à quoi il s'eft amusé. Il aura fans doute été occu pé de quelque avanture galante, dit Zambulo? Vous y êtes, reprit Afmodée. Je vais vous la détailler.

L'homme dont il s'agit eft un Bourgeois,

geois nommé Patrice. C'est un de ces maris libertins, qui vivent fans souci, comme s'ils n'avoient ni femme ni enfans. Il a pourtant une jeune épouse, aimable, & vertueufe; deux filles & un fils, tous trois encore dans leur enfance. Il eft forti ce matin de fa maifon fans s'informer s'il y avoit du pain pour fa famille, qui en manque quelquefois. Il a paffé par la grande Place, où les apprêts du Combat des Taureaux qui s'eft fait aujourd'hui, l'ont arrêté. Les échafauds étoient déjà dreffès tout autour, & déjà les perfonnes les plus curieufes commençoient à s'y placer.

Pendant qu'il confidere les uns & les autres, il apperçoit une Dame bien faite & proprement vêtue, qui laiffoit voir, en defcendant d'un échafaud une belle jambe bien tournée, couverte d'un bas de foie couleur de rofe, avec une jarretiere d'argent. Il n'en a pas fallu davantage pour mettre notre foible Bourgeois hors de lui-même. Il s'eft avancé vers la Dame, qu'accompagnoit une autre qui faifoit affez connoître par fon air, qu'elles étoient toutes deux des Avanturieres Mefdames, leur a-t'il dit, fi je puis vous être bon à quelque chofe, vous n'avez qu'à parler. Vous

:

me

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me trouverez difpofé à vous fervir. Seigneur Cavalier, a répondu la Nymphe aux bas couleur de rofe, votre offre n'eft pas à rejetter. Nous avions déjà pris nos places; mais nous venons de les quitter pour aller déjeûner. Nous avons eu l'imprudence de fortir ce matin de chez nous, fans prendre notre chocolat. Puifque vous êtes affez galant pour nous offrir vos fervices, conduifez-nous, s'il vous plaît, à quelque endroit où nous puiffions manger un morceau. Mais que ce foit dans un lieu retiré. Vous fçavez que les filles ne peuvent avoir trop de foin de leur répata

tion.

A ces mots, Patrice devenant plus honnête & plus poli que la néceffité, mene ces Princeffes à une taverne de Fauxbourg, où il demande à déjeûner. Que voulez-vous, lui dit l'Hôte? J'ai, de refte d'un grand feftin qui s'est donné hier chez moi, des poulets de grain, des perdreaux de Léon, des pigeonneaux de la Caftille vieille, & plus de la moitié d'un jambon d'Eftremadoure. En voilà plus qu'il ne nous en faut, dit le conducteur des Veftales. Mefdames vous n'avez qu'à choisir. Que fouhaite z-vous ? Ce qu'il vous plaira, répon

dent

dent-elles. Nous n'avons point d'autre goût que le vôtre. Là deffus le Bourgeois commande qu'on ferve deux perdreaux & deux poulets froids, & qu'on lui donne une chambre particuliere, attendu qu'il eft avec des Dames très-délicates fur les bienséances.

On le fait entrer, lui & fa compagnie, dans un cabinet écarté, où, un moment après, on leur apporte le plat ordonné, avec du pain & du vin. Nos Lucreces, comme Dames de haut appétit, fe jettent avidement fur les viandes, tandis que le benêt, qui devoit payer l'écot, s'amufe à contempler fa Luifita: c'eft le nom de la beauté dont il étoit épris. I admire fes blanches mains où brilloit une groffe bague qu'elle a gagnée en la courant: il lui prodigue les noms d'Etoile & de Soleil, & ne fçauroit manger, tant il eft aife d'avoir fait une fi bonne rencontre. Il demande à fa Déeffe, fi elle eft mariée ? Elle répond que non; mais qu'elle eft fous la conduite d'un frere: fi elle eût ajoûté, du côté d'Adam, elle auroit dit la vérité.

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Cependant, les deux Harpies, nonfeulement dévoroient chacune un poulet, elles buvoient encore à proportion qu'elles

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