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coûta bientôt la vie au téméraire qui l'avoit faite, car deux ou trois Archers firent feu fur lui dans le moment, & le jetterent par terre tout roide mort, pour venger leur Officier. A l'égard de Julio, il fe laiffa prendre fans résistance & il ne fut pas befoin de l'interroger, pour fçavoir de lui fi Don Kimen étoit dans le Château. Ce valet avoua tout; mais voyant fon Maître fans vie, il le chargea de toute l'iniquité.

;

Enfin, il mena le Commandant & fes Archers à la cave, où ils trouverent Lizana couché fur la paille, bien lié & garrotté. Ce malheureux Cavalier, qui vivoit dans une attente continuelle de la mort, crut que tant de gens armés n'entroient dans fa prifon que pour le faire mourir ; & il fut agréablement furpris d'apprendre que ceux qu'il prenoit pour fes bourreaux étoient fes libérateurs. Après qu'ils l'eurent délié & tiré de la

il les remercia de fa délivrance & leur demanda comment ils avoient fçu qu'il étoit prifonnier dans ce Château. C'eft, lui dit le Commandant, ce que je vais vous conter en peu de mots.

La nuit de votre enlevement, pourfuivit-il, un de vos raviffeurs, qui avoit une Amie à deux pas de chez Don Guil

lem,

lem, étant allé lui dire adieu avant fon départ pour la campagne, eut l'indifcrétion de lui révéler le projet de Stephani. Cette femme garda le fecret pendant deux ou trois jours; mais comme le bruit de l'incendie arrivé à Miédes se répandit dans la Ville de Siguença, & qu'il parut étrange à tout le monde, que les domestiques du Sicilien euffent tous péri dans ce malheur, elle fe mit dans l'efprit, que cet embrafement devoit être l'ouvrage de Don Guillem. Ainsi, pour venger fon Amant, elle alla trouver le Seigneur Don Félix votre pere, & lui dit tout ce qu'elle fçavoit. Don Félix, effrayé de vous voir à la merci d'un hom me capable de tout, mena la femme chez Je Corrégidor, qui, après l'avoir écoutée, ne douta point que Stephani n'eût envie de vous faire fouffrir de longs & cruels tourmens, & ne fût le diabolique auteur de l'incendie. Ce que voulant approfondir, ce Juge m'a ce matin envoyé ordre, à Retortillo où je fais ma demeure, de monter à cheval, & de me rendre avec ma Brigade à ce Château, de vous y chercher, & de prendre Don Guillem mort ou vif. Je me fuis heureusement acquitté de ma commiffion, pour ce qui vous regarde; mais

je

je fuis fâché de ne pouvoir conduire à Siguença le coupable vivant. Il nous a mis, par fa réfiftance, dans la néceffité de le tuer.

L'Officier ayant parlé de cette forte, dit à Don Kimen: Seigneur Cavalier je vais dreffer un procès-verbal de tout ce qui vient de fe paffer ici ; après quoi nous partirons, pour fatisfaire l'impatience que vous devez avoir de tirer votre famille de l'inquiétude que vous lui causez. Attendez, Seigneur Commandant, s'écria Julio dans cet endroit je vais vous fournir une nouvelle matiere pour groffir votre procès-verbal. Vous avez encore une autre perfonne prifonniere à mettre en liberté. Dona Emerenciana eft enfermée dans une chambre obfcure, où une Duegne impitoyable lui tient fans ceffe des difcours mortifians, & ne la laiffe pas un moment en repos. O Ciel! dit Lizana; le cruel Stephani ne s'eft donc pas contenté d'exercer fur moifa barbarie! Allons promptement délivrer cette Dame infortunée, de la tyrannie de fa gouver

nante.

Là-deffus

Julio mena le Commandant & Don Kimen, fuivis de cinq ou fix Archers, à la chambre qui fervoit

de

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de prifon à la fille de Don Guillem. Ils fraperent à la porte, & la Duegne vint ouvrir. Vous concevez bien le plaifir que Lizana fe faifoit de revoir fa Maîtrefle, après avoir désespéré de la pofféder. Il fentoit renaître fon espérance, ou plutôt, il ne pouvoit douter de fon bonheur, puifque la feule perfonne qui étoit en droit de s'y opposer, ne vivoit plus. Dès qu'il apperçut Emerenciana, il courut fe jetter à fes pieds. Mais qui pourroit exprimer la douleur dont il fut faifi, lorfqu'au lieu de trouver une Amante difpofée à répondre à fes tranfports, il ne vit qu'une Dame hors de fon bon fens. En effet, elle avoit été tant tourmentée par la Duegne, qu'elle én étoit devenue folle. Elle demeura quelque temps rêveufe; puis s'imaginant tout-à-coup être la belle Angélique, affiégée par les Tartares dans la Fortereffe d'Albraque, elle regarda tous les hommes qui étoient dans fa chambre comme autant de Paladins qui venoient à fon fecours. Elle prit le Chef de la Sainte Confrérie pour Roland, Lizana pour Brandimat, Julio pour Hubert du Lion, & les Archers pour Antifort, Clarion, Adrien, & les deux fils du Marquis Olivier. El

le

le les reçut avec beaucoup de politeffe, & leur dit : Braves Chevaliers, je ne crains plus à l'heure qu'il eft l'Empereur Agrican, ni la Reine Marphife. Votre valeur eft capable de me défendre contre tous les Guerriers de l'Uni

vers.

A ce difcours extravagant, l'Officier & fes Archers ne purent s'empêcher de rire. Il n'en fut pas de même de Don Kimen. Vivement affligé de voir fa Dame dans une fi trifte fituation pour l'amour de lui, il penfa perdre à fon tour le jugement. Il ne laiffa pas toutefois de fe flatter qu'elle reprendroit l'ufage de fa raifon ; & dans cette efpérance, ma chere Emerenciana, lui dit-il ten drement, reconnoiffez Lizana. Rappellez votre efprit égaré. Apprenez que nos malheurs font finis. Le Ciel ne veut pas que deux cœurs qu'il a joints foient féparés, & le pere inhumain qui nous a fi maltraités, ne peut plus nous être contraire.

La réponse que fit à ces paroles la fille du Roi Galafron, fut encore un difcours adreffé aux vaillans défenfeurs d'Albraque, qui pour le coup n'en rirent point. Le Commandant même quoique très-peu pitoyable de fon natu

rel,

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