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venir à bout à quelque prix que ce fut Ma chere Léonor, reprit-elle, je m'applaudis de vous voir fi réfervée. Heureux fruit de mes foins! Vous avez mis à profit toutes les leçons que je vous ai données. Je fuis charmée de mon ouvrage Mais, ma fille, vous avez ! enchéri fur ce que je vous ai enfeigné. Vous outrez ma morale. Je trouve votre vertu un peu trop fauvage. De quelque févérité que je me pique, je n'approuve point une farouche fagefle, qui S'arme indifféremment contre le crime & l'innocence. Une fille ne ceffe pas d'être vertueule, pour écouter un Amant, quand elle connoît la pureté de fes defirs; & alors, elle n'eft pas. plus criminelle de répondre à sa pas fion que d'y être fenfible. Reposezyous fur moi, Léonor. Pai trop d'expérience, & je fuis trop dans vos intérêts, pourvous faire faire un pas. qui puiffe vous nuire.

Eh dans quel lieu voulez-vous que je parle au Comte, dit Léonor ? Dans, votre appartement, repartit la Duegne; c'eft l'endroit le plus fûr. Je l'introduirai ici demain pendant la nuit. Vous n'y penfez pas, ma bonne, repliqua Léonor ! Quoi, je fouffrirai

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qu'un.

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qu'un homme.... Oui, vous le fouffrirez, interrompit la Gouvernante ; ce n'eft pas une chofe fi extraordinaire que vous vous l'imaginez. Cela arrive tous les jours; & plût au Ciel, que toutes les filles qui reçoivent de pareilles vifites, euffent des intentions auffi bonnes que les vôtres ! D ailleurs qu'avezvous à craindre ? Ne ferai je pas avec vous? Si mon pere venoit nous furprendre, reprit Léonor? Soyez encore en repos là-deffus, repartit la Dame Marcelle. Votre pere a l'efprit tranquille fur votre conduite. Il connoît ma fidélité. Il a une entiere confiance en moi. Léonor fi vivement pouflée par la Duegne, & preffée en fecret par fon amour ne put résister plus longtemps. Elle confentit à ce qu'on lui propofoit.

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Le Comte en fut bien-tôt informé. Il en eut tant de joie, qu'il donna fur le champ à fon Agente cinq cens pistoles, avec une bague de pareille valeur. La Dame Marcelle voyant qu'il tenoit fi bien fa parole, ne voulut pas être moins exacte à tenir la fienne. Dès la nuit fuivante, quand elle jugea que tout le monde repofoit au logis, elle attacha à un balcon une échelle de foie C6

que le Comte lui avoit donnée, & fit entrer par-là ce Seigneur dans l'apparte ment de fa Maîtreffe.

Cependant, cette jeune perfonne s'abandonnoit à des réflexions qui l'agitoient vivement. Quelque penchant qu'elle eût pour Belflor, & malgré tout ce que pouvoit lui dire fa Gouvernante, elle fe reprochoit d'avoir eu la făcifité de confentir à une vifite qui blessoit fon devoir. La pureté de fes intentions ne la raffûroit point. Recevoir la nuit dans fa chambre un homme qui n'avoit pas l'aveu de fon pere; & dont elle ignoroit même les véritables fentimens. lui paroiffoit une démarche non-feulement criminelle, mais digne encore des. mépris de fon Amant. Cette dernierepenfée faifoit fa plus grande peine ; & elle en étoit fort occupée, lorfque le Camte entra.

Il fe jetta d'abord à fés genoux, pour. la remercier de la faveur qu'elle lui fai foit. Il parut pénétré d'amour & de reconnoiffance, & il l'affûra qu'il étoit dans le deffein de l'époufer. Néanmoins comme il ne s'étendoit pas. làdeffus autant qu'elle l'auroit fouhaité : Comte, lui dit-elle, je veux bien croire que vous n'avez pas d'autres vues que

celtes

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celles-là; mais quelques affurances que vous m'en puiffiez donner elles me feront toujours fufpectes jufqu'à ce qu'elles foient autorifées du confentement de mon pere. Madame, répondit Belflor, il y a long-temps que je l'aurois demandé, fi je n'euffe pas craint de l'obtenir aux dépens de votre repos. Je. ne vous reproche point de n'avoir pas encore fait cette démarche, reprit Léonor; j'approuve même fur cela votre délicateffe: mais rien ne vous retient plus, & il faut que vous parlïez au plutôt à Don Luis; ou bien, résolvez-vous à ne me revoir jamais.

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Hé pourquoi, repliqua-t'il, ne vous verrois-je plus belle Léonor? Que vous êtes peu fenfible aux douceurs de l'amour ! Si vous fçaviez auffi bien ais mer que moi, vous vous feriez un plais fir de recevoir fecrettement mes foins. & d'en dérober, du moins pour quel que-temps, la connoiffance à votre pere. Que ce commerce mystérieux a de charmes pour deux coeurs étroite ment liés II en pourroit avoir pour Vous dit Léonor; mais il n'auroit pour moi que des peines. Ce rafinement de tendreffe ne convient point à une fille qui a de la vertu. Ne me van

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Votre ame

tez plus les délices de ce commerce coul pable. Si vous m'eftimiez Vous ne me l'auriez pas propofé; & fi vos intentions font telles que vous voulez me le perfuader, vous devez, au fond de me reprocher de ne m'en être pas offenfée. Mais, hélas ! ajoûta-t'elle, en laiffant échapper quelques pleurs, c'est à ma feule foibleffe que je dois imputer cet ouvrage; je m'en fuis rendu digne, en faifant ce que je fais pour vous.

Adorable Léonor, s'écria le Comte, c'est vous qui me faites une mortelle injure! Votre vertu trop fcrupuleufe prend de fauffes allarmes. Quoi! parce que j'ai été affez heureux pour vous rendre favorable à mon amour Vous craignez que je ne ceffe de vous estimer? Quelle injuftice! Non, Madame, je connois tout le prix de vos bontés. Elles ne peuvent vous ôter mon estime

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& je fuis prêt à faire ce que vous exigez de moi. Je parlerai dès demain au Seigneur Don Luis. Je ferai tout mon poffible, pour qu'il confente à mon bonheur. Mais je ne vous le cele point, j'y vois peu d'apparence. Que ditesVous reprit Léonor avec une extrême furprise Mon pere pourra-t'

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