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REGULIERS

àcaufe du long fejour qu'elle fit en cette ville & qu'elle y mou- CLERCS rut. Elle perdit la veuë à l'âge de trois mois, Dieu aïant per- DU BON mis que celle qui n'étoit née que pour contempler les choses JESUS. celeftes, fût privée de la veuë des chofes terreftres. A peine eut-elle atteint l'âge de cinq ans, que voulant de bonne heure châtier fon corps, elle l'accoûtuma à marcher nuds pieds, ce qu'elle a toûjours continué de faire dans quelque faifon fâcheufe que ce fût & quelque rigoureux que fut le froid. A fept ans elle augmenta fa vie penitente par des jeunes & des abftinences, elle ne prenoit fon repos que fur la terre nuë ou quelquefois fur un peu de farment; & voulant imiter la pauvreté de celui qu'elle avoit choifi pour Epoux, elle renonça à tout ce qu'elle pouvoit poffeder & pretendre, & ne reçut que fous le titre d'aumône tout ce qui étoit neceffaire pour l'entretien de la vie.

Après avoir demeuré quelques années à la campagne, elle vint à Ravenne, où Dieu voulant éprouver fa patience comme il avoit fait celle du faint homme Job, il l'affligea l'espace de quatorze ans par diverfes maladies, pendant lefquels elle ne reçut aucune confolation des hommes : & comme les amis de Job le voïant couvert d'ulceres, & couché fur un fumier venoient infulter à fes maux ; il y eut auffi un grand nombre de perfonnes qui ne venoient vifiter cette fainte fille dans fes maladies, que pour s'en moquer & lui reprocher que fes maux ne lui étoient arrivés que pour fes pechés, & parce que fous une fauffe apparence de fainteté elle trompoit les peuples, n'étant dans le fond qu'une hipocrite: mais au milieu de ces perfecutions, fon efprit ne perdit point le calme & la tranquillité, plus on l'offençoit, plus elle temoignoit de joïe, croïant qu'on la traitoit encore doucement & qu'elle meritoit de plus grands opprobres. Cependant Dieu qui avoit permis qu'elle fût ainfi méprifée, permit auffi que ceux mêmes qui en étoient les auteurs, fuffent les premiers à publier fes loüanges. Les difcours qu'elle leur tenoit de tems-en-tems étoient fi vifs & fi touchans, qu'ils rentrerent en eux-mêmes & fe convertirent entiérement, & il y eut plus de trois cens perfonnes de l'un & de l'autre fexe qui étant perfuadées de la fainteté de fa vie, la voulurent avoir pour Maîtreffe & pour guide dans les voies de leur falut. C'est ce qui lui donna occa fion d'établir la Societé du Bon Jefus à laquelle elle prefcrivit

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des Reglemens qu'elle ne put rediger par écrit aïant été DU BON privée de la veuë dès l'âge de trois mois, mais qui le furent, comme nous avons dit, par le Pere Dom Seraphim de Ferme Chanoine Regulier de la Congregation de Latran.

IESUS.

Ils font compris dans vingt-quatre articles qui font connoître quel étoit l'efprit de cette Bienheureuse; puifque les enfeignemens qu'elle y donne à fes Difciples & à quoi elle les oblige, confiftent principalement à avoir fur toutes chofes un grand amour pour Dieu, qu'elle leur recommande la fimplicité de cœur, l'humilité, le mépris de foi-même; qu'elle ́les exhorte à conferver la paix, l'union, la concorde entre eux, à fuir les jugemens temeraires, à frequenter fouvent les Sacremens & à châtier leur corps par les jeûnes & les abstinences qui font marqués dans le vingt-quatriéme article; fçavoir, de jeûner outre les jours prefcrits & ordonnés par I'Eglife, pendant tout l'Avent, tous les Mercredis, Vendredis & Samedis de l'année, & au pain & à l'eau les veilles des Fêtes de l'Annonciation de la fainte Vierge, & le Vendredi faint. Elle furvêquit encore quelques années à l'établissement de cette Societé, & mourut le vingt-trois Janvier 1505. étant âgée de foixante & trois ans.

Entre les Difciples de cette fainte Vierge, il y eut une veuve nommée Gentile qui a aquis auffi par la fainteté de sa vie le titre de Bienheureufe: elle naquit à Ravenne l'an 1471. Son pere qui étoit un Orfévre fe nommoit Thomas Giusti ou Jufte, & étoit veritablement un homme jufte & craignant Dieu auffi bien que fa femme Dominique. Ils eurent un grand foin de l'éducation de leur fille Gentile, & elle profita fi bien des bonnes inftructions qu'ils lui donnerent, que dès fa plus tendre jeuneffe elle fit paroître de grandes marques de fainteté. C'est ce qui l'attira de bonne heure dans la Societé de la Bienheureufe Marguerite de Ravenne dont elle fut une des premieres Difciples, & elle fit fous fa conduite de fi grands progrès dans la vertu, qu'après la mort de cette fainte fille, elle devint la Maîtreffe des autres.

Ses parens l'aïant engagée dans le mariage, elle époufa un Venitien nommé Jacques Pianella Tailleur d'habits, homme cruel & farouche, qui non feulement la traitoit comme une efclave, la frappant fouvent & la maltraitant cruellement; mais la dénonça même un jour à l'Archevêque de Ravenne

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comme une forciere & une magicienne. Son innocence aïant CLERCS été reconnue & fon mari ne pouvant plus fupporter l'éclat DU BON de fa fainteté, l'abandonna dans un tems de famine, ne lui JESUS. laissant rien pour sa subsistance; mais cette fainte femme aïant mis toute fa confiance en la divine providence, en reffentit fouvent les effets merveilleux. Elle demeura plufieurs années ainfi abandonnée de fon mari qui retourna enfin à fa maison tout changé, & qui d'homme cruel & barbare qu'il étoit auparavant, devint doux comme un agneau & n'eut plus que de l'eftime & de la veneration pour fa femme, avec laquelle il vêcut encore quelque tems & mourut enfuite de la mort des juftes, aïant reparé par les bons exemples qu'il donna, fcandales qu'il avoit caufés par fes brutalités. |

C'eft aux prieres de cette fainte femme que l'on peut attribuer la converfion de fon mari; mais ce ne fut pas la feule qu'elle procura. Il y avoit dans Ravenne un jeune homme âgé de vingt-cinq ans qui, après la mort de fes pere & mere, s'étoit abandonné à toutes fortes de licences & étoit le fcandale de la ville: il y avoit même plufieurs années qu'il n'avoit approché des Sacremens; mais aïant été follicité par fa fœur d'aller voir la Bien heureuse Gentile, il fut fi touché par fes difcours & par les avis qu'elle lui donna, qu'il fe convertit entierement. Ce fut le V. P. Jerôme Malufelli principal Fondateur des Prêtres de l'Ordre du Bon Jefus, natif de Mensa au Territoire de Cefena, qui, après avoir été ainfi converti par la Bienheureuse Gentile, devint l'un de fes Difciples & mena dans la fuite une vie fi fainte & fi exemplaire, qu'aïant pris les Ordres facrés, & étant parvenu au Sacerdoce, cette fainte veuve le prit pour fon Directeur. Comme il lui étoit resté de fon mariage un fils nommé Leon, qui étoit auffi Prêtre & qui demeuroit chez elle avec une de fes coufines, elle engagea Jerôme Malufelli à venir auffi demeurer avec eux, & ils pratiquerent ensemble les Regles qui avoient été laiffées par la Bienheureuse Marguerite, obfervant exactement les jeûnes, les abstinences & les autres exercices de pieté qu'elle avoit prescrits à fes Disciples.

Le Demon voïant le progrès que cette fainte compagnie faisoit dans la vertu, & combien leur exemple lui enlevoit tous les jours de pecheurs qui fe convertiffoient à Dieu, fufcita des perfonnes dans la ville qui les accuferent auprès

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DU BON

de l'Archevêque de mener une vie pleine de fuperftitions REGULIERS fous une fauffe apparence de fainteté; mais la verité aïant LESUS. été reconnuë, & le Demon trompé dans fes artifices, il leur fufcita une nouvelle perfecution, & réüffit enfin à les faire chaffer de Ravenne. La pefte aïant affligé cette ville l'an 1612. la Bienheureufe Gentile, Leon fon fils, fa parente & Malufelli, furent envoïés hors de la ville, quoiqu'ils n'euffent aucun mal & qu'ils euffent été prefervés de la contagion, & ils ne retournerent à Ravenne que lorfque cette ville fut entierement delivrée de ce fleau. La fainteté de la Bienheureuse Gentile augmentoit tous les jours, & l'eftime que l'on en faifoit étoit fi grande, que le Pape lui permit de faire celebrer la Meffe dans fa chambre, ne pouvant aller l'entendre à l'Eglife à cause de ses infirmités continuelles. Elle perdit fon fils l'an 1528. mais Jerôme Malufelli lui tint lieu de fils, & elle le fit même heritier de fes biens à fa mort qui arriva l'an 1530. le 28. Janvier. Elle lui laiffa entre autres chofes une maison qu'elle lui ordonna de changer en une Eglife, l'afsurant que Dieu fufciteroit plufieurs perfonnes pieufes qui par leurs aumônes contribueroient à cet ouvrage.

Jerôme Malufelli executa la même année les dernieres volontés de la Bienheureuse Gentile, & avec la permiffion de l'Archevêque de Ravenne Pierre Ferreti, il jetta les fondemens de cette Eglife le 23. Septembre 1530. quoiqu'il n'eût en main qu'une fomme fort mediocre; mais ce que Gentile avoit predit arriva, les aumônes de ceux qui contribuerent à cet Edifice fe trouverent fuffifantes pour le conduire à sa perfection, & il fut confacré l'an 1531. le premier jour d'Août, par le même Archevêque.

Mais une nouvelle perfecution s'éleva auffi tôt contre le faint Fondateur: quelques Prêtres aïant conçu de la jaloufie contre lui, chercherent les moïens de lui ôter cette Eglife. Il y en eut quelques-uns qui, pour foûlever le peuple contre lui, prêcherent publiquement que c'étoit un heretique, un trompeur & un fuperftitieux, & l'on voïoit déja accourir le peuple pour rafer cette Eglife, mais il ne s'en trouva aucun affez hardi pour l'entreprendre; & le Pape Jule II. en aïant eu avis envoïa des Commiffaires à Ravenne pour prendre connoiffance de cette affaire, qui fut decidée à l'avantage de Malufelli & à la confufion de fes ennemis.

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Ce faint Fondateur fe voïant paifible dans la joüiffance de CLERGS fon Eglife, dreffa les Reglemens de la Congregation de REGULIER Prêtres qu'il projettoit détablir, & il les tira, comme nous JESUS. avons dit, de ceux qui avoient été dictés par la Bienheureuse Marguerite, dont il retrancha ce qui n'étoit propre que pour les perfonnes qui vivoient dans le monde. Ce fut dans ce même-tems que le Duc de Mantouë Frederic de Gonzague II. & la Ducheffe Marguerite Paleologue fon époufe, qui avoient beaucoup de devotion pour les BB. Marguerite & Gentile dont ils avoient fait écrire les Vies par Dom Seraphim de Ferme, demanderent des Commiffaires au Pape Paul III. pour informer des Miracles qui fe faifoient à leurs Tombeaux, afin de travailler à leur Canonifation. Le Pape accorda leur demande & envoïa Commiffion au Gouverneur de Ravenne l'an 1537. pour faire ces informations, & l'année fuivante 1538. il approuva auffi, à la priere du même Duc de Mantouë,les Regles qui avoient été dreffées par le Pere Jerôme Malufelli, auquel il permit de donner l'habit de fon Ordre à ceux qui fe prefenteroient pour le recevoir. Les premiers qui reçurent furent Dom Simon Crefpoli de Ravenne, Dom Philipes Solavolo, & Dom Zacharie Perduccini qui avoit été l'un des Difciples de la Bienheureuse Gentile. Malufelli fut le premier Superieur de cet Ordre qu'il gouverna jufques en l'an 1541. qu'il mourut le vingtiéme d'Août.

le

Le nombre des Prêtres du Bon Jefus qui s'étoit déja augmenté de fon vivant, augmenta encore après la mort, & les Princes de la Maifon de Gonzague continuant à proteger cet Ordre à caufe des BB. Marguerite & Gentile pour lefquelles ils conferverent toûjours beaucoup de veneration, Guillaume Duc de Mantouë demanda au Pape Jule III. la confirmation de cet Ordre, ce que ce Pontife accorda l'an 1551. Il fut derechef approuvé par le Pape Paul IV. qui permit à ces Prêtres du Bon Jefus de faire des Voeux folemnels. Çet Ordre ne fit pas de grands progrez, & il fut fupprimé par le Pape InnocentX.l'an 1651. L'on pretendqu'il n'y avoit pas pour lors plus de dix Religieux de cet Ordre. Maurolic dit qu'outre leur Maifon de Ravenne, ils en avoient encore une à Rome & une autre en Toscane.

Ils fuivoient la Regle de faint Augustin avec les Reglemens qui avoient été dreffés par le Fondateur. Ils fe levoient

Tome IV.

R

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