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qu'il lui manquoit quelque chofe, qui étoit de ramener RELIGIE la brebis égarée; il lui fembla même qu'on lui en mettoit une SES DE NOfur les épaules, & c'est ce qui l'obligea de faire Voeu de su REFL prendre foin des filles & des femmes égarées dans le peché, & qui voudroient se convertir.

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Quelque tems après, l'occafion fe trouva favorable pour accomplir fon Vou. Ce fut l'an 1624. qu'étant à Nancy où elle faifoit fon fejour depuis la mort de fon mari, une Demoifelle qui connoiffoit fa grande charité la vint trouver, & lui dit qu'elle avoit rencontré dans un coin de ruë deux filles débauchées ausquelles elle avoit remontré le malheureux état où elles étoient qu'elles avoient témoigné être dans le deffein de changer de vie ; mais qu'elles y trouvoient de la difficulté fur ce qu'elles n'avoient pas d'autres maisons de retraite que leurs débauches. A ces paroles le cœur de Madame du Bois fut vivement touché, & elle s'écria, ne faut il pas que nous en rendions compte à Dieu ? il en faut prendre le foin. Elle pria cette Demoiselle de les aller chercher & les lui aïant amenées, elles les reçut avec des bontés toutes extraordinaires leur faifant donner à manger & les traitant avec beaucoup de douceur. Après cela, fans fe mettre en peine de ce que le monde en diroit, & les humiliations qui lui en pourroient arriver, elle s'en chargea, se confiant en la divine Providence.

Le bruit s'en étant répandu, plufieurs autres la vinrent trouver; en forte qu'en peu de tems, elle fe vit chargée de vingt de ces filles, dont elle prenoit de trés-grands foins avec une charité furprenante; car la plupart n'étoient couvertes que de mechans haillons fans coëffes ni fouliers, aïant je ne fçai quoi qui donnoit de l'horreur; mais elle ne s'arrêtoit pas à ces exterieurs, elle voïoit en elles le Sang de Jefus-Christ, & elle eut volontiers donné pour elles, non-feulement fes foins & fon bien; mais encore fa propre vie.

Quand fes affaires l'empêchoient d'être auprès de ces pauvres créatures, elles les faifoit fervir par les trois filles, dont la plus âgée n'avoit que quinze ans : l'une avoit foin de leur aprêter leurs viandes, une autre les fervoit à table, & la troifiéme leur faifoit la lecture. Le Démon qui prevoïoit les grandes chofes qui arriveroient de ces petits commencemens, fufcitoit à la Fondatrice des contradictions de tous côtés par

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RELIGIEU- le moïen de plufieurs perfonnes qui murmuroient & trou SES DE NO. voient à redire à cette œuvre de charité; mais il ne put empêDUREFUGE cher qu'il n'y en eût beaucoup d'autres, & même de diftinction, qui ne la favorisassent.

L'Evêque de Toul fut un des principaux qui en remarqua les graces extraordinaires ; c'est ce qui l'obligea d'encourager beaucoup Madame du Bois à continuer cette charité, donnant ordre au R. P. Poiré de la Compagnie de Jefus de confeffer ces filles & de leur faire des exhortations. Après la mort de ce Prelat, fon fucceffeur,qui étoit de la Maison de Lorraine, jugea à propos d'en faire une Communauté Religieufe, qui auroit pour fin de travailler à retirer les filles & les femmes débauchées qui voudroient abandonner le vice. Ce qui lui donna ce deffein furent les effets d'une mifericorde toute finguliere que Dieu faifoit paroître fur cette petite Societé. Cependant il ne voulut rien faire qu'après avoir pris l'avis d'un grand nombre de perfonnes illuftres. par leur merite , par leur fcience & par leur probité. Ce qu'aïant fait, il fut ordonné que l'on choifiroit un nombre de ces Filles que le divin amour avoit rendu comme d'autres Madelaines, les amantes du Fils de Dieu; que l'on leur joindroit quelques filles d'honneur pour les gouverner, & que l'on garderoit les autres filles dans la maison, qui y feroient comme filles refugiées.

Celles qui furent choifies pour être Religieufes en prirent l'habit, felon l'ordre de leur Prelat, au nombre de treize le premier Janvier 1631. dont il y en avoit onze pour le Chœur, & deux Converses. Du nombre des onze furent la Fondatrice & fes trois filles : La mere fut nommée Marie Elifabeth de la Croix de Jefus, la fille aînée Marie Paule de l'Incarnation, la feconde Marie Dorothée de la fainte Trinité, & la troifiéme Marie Colombe de Jefus. M. Viardin, Docteur en Theologie, Ecolâtre de la Primatiale de Nanci, & auparavant Vicelegat sous le Cardinal de Lorraine Evêque de Mets & de Strasbourg, & Legat du faint Siege, à qui cetteCongregation eft beaucop redevable, en étoit pour lors Superieur & devoit faire la Ceremonie de donner l'habit à ces premieres Religieufes ; mais comme il étoit pour lors malade, de la maladie dont il mourut trois mois après, il ne put la faire ; & ce fut le Pere Poiré qui lui fut fubftitué.

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On poursuivit enfuite en cour de Rome, la confirmation RELIGIEU de ce nouvel Inftitut, & on dreffa des Conftitutions que le SES DE NOPape Urbain VIII. approuva, en confirmant cet Ordre par DU REFUGE une Bulle qu'il accorda l'an 1634. Après quoi la Mere Elifabeth accompagnée de fes trois filles, d'une de fes parentes & de dix autres, firent Profeffion le premier jour de Mai de la même année,entre les mains de M. Dallamont Abbé de Beaupré, neveu du Cardinal de Lenoncourt, lequel étoit pour lors Superieur. Cette Congregation lui a encore de grandes obligations; il y étoit fi fort attaché, qu'il fit voeu le 8. Septembre de la même année 1634. de la fervir toute fa vie, de l'affifter, & de ne consentir jamais qu'elle fût alterée dans la forme de fon gouvernement,ni en aucun des principaux points de fon Inftitut. Six autres perfonnes de confideration fe joignirent à lui pour le même fujet, & firent le même vou; du nombre defquels fut M. Renel Confeiller d'Etat du Duc de Lorraine. Dans le même tems une des fœurs de la Mere Marie Elifabeth que fon pere avoit eue de fon fecord mariage, prit auffi l'habit de cette Congregation, & fut appellée Marie Angele de la Croix.

Il y avoit déja un Monaftere à Nanci fous le nom de fainte Madelaine, où l'on renfermoit par correction des filles & des femmes pechereffes, qui n'y étoient reçuës qu'en païant penfion, & les Religieufes qui avoient la direction de ces creatures avoient été tirées du Monaftere des Filles Penitentes de Paris,après que ce Monaftere eut été reformé par la Mere Marie Alvequin, comme nous avons dit dans le Chapitre XLVIII. du troifiéme Tome; mais lorsque la Congregation de Nôtre. Dame du Refuge fut établie, fes Reglemens furent trouvés fi bons, que l'on jugea à propos, pour le bien de ce Monaftere de la Madelaine de Nanci, d'en donner le gouvernement aux Religieufes du Refuge, ce qui fut executé ; en forte que toute la Communauté de ce Monaftere paffa à Phabitation de celle de Notre-Dame, en reçut l'habit & les Conftitutions par autorité du Prince & de l'Evêque, & cette bonne odeur fe répandant ailleurs, plufieurs grandes villes ont fouhaité d'avoir des Maifons de cet Inftitut.

La premiere qui en demanda fut celle d'Avignon. La Mere Marie Elifabeth y alla avec fa fille aînée la Mere Marie Paule de l'Incarnation, étant auffi accompagnée de l'Abbé

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RELIGIEU Dallamont leur Superieur ; & y aïant reglé toutes chofes SES DE Nô- pour l'établiffement du nouveau Monaftere qui y fut fondé, DU REFUGE elle en laiffa le foin à fa fille qui fut établie Superieure. Elle

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retourna enfuite à Nanci, où, après avoir gouverné ses Religieufes & fes filles refugiées avec beaucoup de douceur & de charité, & leur avoir donné des exemples d'humilté, de patience, d'obéïffance, & de toutes les vertus, elle mourut le 14. Janvier 1649. étant âgée de cinquante fix ans. Son corps fut trois jours expofé pour fatisfaire à la devotion du peuple qui la regardoit comme une Sainte. On le mit ensuite dans un cercueil de plomb, & celui ci dans un autre de bois, fous l'Autel du Chœur des Religieufes. Son cœur fut porté au Monaftere d'Avignon, où il eft gardé avec grande veneration dans une boëte d'argent. Son corps fut transporté l'an 1652. en un autre endroit en grande ceremonie, & durant un long tems il exhala une odeur admirable. Enfin l'an 1676. l'on a embelli ce tombeau de plufieurs peintures, & on l'a environné d'un baluftre, avec une Epitaphe de marbre noir qui contient l'éloge de cette bienheureuse Fondatrice, & plufieurs perfonnes qui ont eu recours à fon interceffion, en ont fenti les effets.

Outre les Monafteres de Nanci & d'Avignon, cette Congregation en a encore d'autres, comme à Toulouse, à Roüen, à Arles, à Montpellier, à Dijon, à Besançon, au Puis, à Nismes, & à Sainte-Roche. Elle eft fpecialement fous la protection de la fainte Vierge, refuge des pecheurs ; mais elle reconnoît encore pour Patron faint Auguftin & faint Ignace; le premier à caufe que les Religieufes profeffent fa Regle, & le fecond à caufe de leurs Conftitutions particulieres, qui font tirées en partie de celles de faint Ignace, & qui ont beaucoup de rapport à fon efprit, outre que ce Saint a témoigné dans Rome un zele fi genereux & fi extraordinaire pour le deffein que cette Congregation a embraffé.

Trois fortes de perfonnes y font reçuës, comme nous avons déja remarqué. Les plus confiderables font des perfonnes vertueufes & fans reproches, qui par la Profeffion Religieufe, & par vœu special s'obligent au fervice des ames penitentes. Au fecond rang font les Penitentes plus affectionnées au bien, & plus propres pour la Religon, qui font admifes à la même Profeffion que les premieres, avec lefquelles

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elles ne font qu'une même Communauté. Dans le troifiéme RELIGIE rang font les Pénitentes ou volontaires ou forcées, qui n'aïant SES DE NOpasla volonté & les difpofitions requifes pour la vie Religieu- DU REFUGE fe, font gouvernées par celles du premier rang', en un quartier feparé dans la même clôture, avec un Reglement qui n'eft gueres different de celui des Religieufes, que de la folemnité des Vœux & de la fainteté de l'habit. De ces filles d'honneur, felon les Conftitutions de cet Ordre, il n'en peut être reçu qu'un certain nombre, afin de laiffer des places aux Penitentes à qui cette Congregation tend particulierement les bras; & de peur que, comme il eft arrivé en quelques Maifons qui avoient été établies pour le même fujet, les filles d'honneur n'occupaffent à l'avenir infenfiblement les places des Pénitentes, chaque Religieufe faisant Profeffion, outre les autres Vœux ordinaires, en fait encore un de ne confentir jamais que le nombre reservé aux Pénitentes par les Conftitutions, foit aucunement diminué.

Les mêmes Constitutions ont jugé neceffaire d'admettre dans cette Congregation les filles vertueufes & fans reproche, pour remplir les Superiorités & les principaux Offices, à caufe qu'il eft plus aifé de rencontrer en ces fortes de perfonnes la difcretion, la droiture, & les autres qualités requifes au gouvernement, & aux Offices de la maifon ; & auffi afin qu'elles forment les autres par leur exemple, & les maintiennent dans la modestie & dans l'humilité dont elles fe feroient plus aifément oubliées, étant toutes d'une même condition. Ces Filles d'honneur étant incorporées par leur vocation à la même Communauté, elles y font plus utiles que fi elles avoient été empruntées de quelqu'autre Congregation Religieuse ; car l'uniformité d'efprit les fait agir avec plus de douceur, & l'union de même Corps leur donne plus d'affection & de courage au bien de la Communauté de laquelle elles font membres.

Il y a deux raifons qui empêchent la reception des Péniten tes; la premiere, fi étant mariées, elles n'apportent pas le confentement de leurs maris, ou l'acte de leur feparation par autorité de Justice, ou bien, fi elles font jugées dommageables aux autres, la prudence & la charité voulant que le bien particulier cede au bien public: la feconde vient de la pauvreté des Maifons qui ne peuvent & ne doivent, felon

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