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5. Difc. n. 8.

Hift. liv.

LXXXVA. 7.6.

l'enfance de leurs ordres, fe rendirent fi con fidérables dans les Univerfités naiffantes de Paris & de Bologne, où l'on regarda comme des lumieres de leur fiécle, Albert le Grand, Alexandre de Alès, & enfuite faint Thomas & faint Bonaventure. Je n'examine point ici quelles étoient ces études dans le fonds, je l'ai fait ailleurs; il fuffit que ces faints religieux y réuffiffoient mieux que les autres.

Leurs vertus en même-tems les faifoient aimer & refpecter de tout le monde : la modeftie, l'amour de la pauvreté & de l'abjection, le zele de la propagation de la foi, qui les faifoit aller chez les infideles chercher le martyre.

De-là vient qu'ils furent fi-tôt chéris & favorifés par les papes, qui leur donnerent tant de priviléges, par les princes & les rois : julG. de Bello ques-là que S. Louis difoit, que s'il pouvoit fe Loco. 12. partager en deux, il donneroit aux freres Prêcheurs la moitié de fa perfonne, & l'autre aux freres Mineurs. Dès les commencemens on fit plufieurs évêques de l'un & de l'autre de ces ordres, & on en vit bien-tôt de cardinaux.

EXXVIII.7.54.

Les freres Prêcheurs au commencement n'étoient pas tant un nouvel ordre qu'une nouvelle congrégation de chanoines réguliers. Hift. liv. Auffi Jacques de Vitri, auteur du tems, les appelle chanoines de Bologne. Saint Dominique avant que de quitter l'Espagne, & penHift. liv. fer à la fondation de fon ordre, étoit chaLXXVI. n. 28. noine régulier dans la cathédrale d'Ofina; & la XXVIII. n.5. premiere approbation de fon inftitur, le qua

Hift. Eccl.

c. 27.

n. 34,

lifie prieur de faint Romain à Toulouse, & confirme à cette église la poffeffion de tous fes biens. Ce ne fut qu'au premier chapitre général tenu en 1220, que lui & fes confreres embrafferent la pauvreté entiere, renonçant aux fonds de terre & aux revenus affurés, à l'exemple

ple des freres Mineurs : ce qui les réduisit à être mendians comme eux. Mais ils pratiquerent la pauvreté plus fimplement & plus noblement, & je ne vois point chez eux de ces difputes frivoles fur la propriété & le simple usage de fait, qui diviferent fi cruellement les freres Mineurs, & produífitent enfin l'héréfie des Fratricelles.

IX.

Ce feroit ici le lieu de traiter à fond la matiere de la pauvreté évangélique, & nous ne pourrions Pauvreté en cette recherche fuivre de meilleur guide que Combef. auct. évangelique. Saint Clément Alexandrin, inftruit par les dif- bibl. PP, ciples des apôtres. Il a fait un traité sur cette p. 163. queftion: Quel eft le riche qui fera sauvé, où il raifonne ainfi. La richeffe eft de foi indifférente, comme la force & la beauté du corps; ce font des inftrumens dont on peut ufer bien ou mal, & des efpeces de biens. Les biens temporels dont l'abondance fait la richesse, font la matiere néceffaire de plufieurs bonnes œuvres commandées par Jefus-Chrift: s'il ordonnoit à tous les fideles de les quitter, il fe contrediroit ; & en effet il ne l'ordonna pas à Zachée, il trouva bon qu'il en gardât la moitié. Au contraire l'extrême pauvreté eft un mal en foi, plutôt qu'un bien : c'est un obstacle à la vertu & une fource Luc.xix, 8. de plufieurs tentations violentes, d'injuftice, de corruption, d'impudence, de lâcheté, de découragement, de défefpoir; c'eft pourquoi l'é- Prov.xxx.ge criture dit: Ne me donnez, ni les richeffes, ni la pauvreté.

Il ne faut donc pas prendre groffierément le précepte de vendre tous fes biens, non plus que celui de haïr son pere. Comment Jesus-Chrift pourroit-il nous ordonner de le haïr pofitivement, lui qui nous commande d'aimer même nos ennemis? Il veut feulement nous faire entendre par cette expreffion fi forte que nous ne devons pas préférer à Dieu les perfonnes qui Tome XX.

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X.

Relâchement

dés religieux mendians.

Hift. liv. LXXXII. n. 7 Hift, liv.

SXXXIX. .

4.32.

nous font les plus cheres, mais les abandonner s'il eft befoin, pour nous attacher à lui. Ainfi en nous ordonnant de renoncer aux richesses, il nous oblige feulement à combattre les paffions qu'elles excitent naturellement, l'orgueil, le mépris des pauvres, l'amour des plaifirs fenfuels, le defir de s'enrichir à l'infini, & les autres femblables. Un riche ufant bien de fes richesses & toujours prêt à les perdre, comme Job fans murmurer, eft un véritable pauvre d'efprit. Telles font les maximes de ce grand docteur du fecond fiécle de l'église, bien audeffus des fophifmes de la fcholaftique moderne.

Laiffons les raisonnemens, & nous en tenons à l'expérience. Trente ans après la mort de faint François on remarquoit déja un relâchement confidérable dans les Ordres mendians. Je ne rapporterai pas les plaintes de Matthieu Paris, ni de Pierre des Vignes au nom du clergé féculier, c'étoit les parties intéreffées. Opufc. t. 2. Je me contenterai du témoignage de faint Ro8.3540 naventure, qui ne peut-être fufpect. C'est dans la lettre qu'il écrivit en 1257, étant général de l'Ordre, à tous les provinciaux & les cuftodes. Il fe plaint de la multitude des affaires pour lesquelles ils demandoient de l'argent de l'oifiveté de quelques freres, de leur vie vagabonde, l'importunité à demander, les grands bâtimens, l'avidité des fépultures & des teftamens; chacun de ces articles mérite quelques réflexions.

Les freres mendians, fous prétexte de charité, fe méloient de toutes fortes d'affaires publiques & particulieres. Ils entroient dans le fecret des familles & fe chargeoient de l'exécution des teftamens. Ils acceptoient des députations pour négocier la paix entre les villes

& les princes, les papes fur-tout leur donnoient volontiers des commiflions, comme à des gens fans conféquence, qui leur étoient entierement dévoués & qui voyageoient à peu de frais. Ils les employoient quelquefois à des levées de de niers. L'affaire qui les détournoit le plus, étoit l'Inquifition. Car quoiqu'elle ait pour but la confervation de la foi, l'exercice en eft femblable à celui des juftices criminelles; informations, captures de criminels, prifons, tortures, condamnations, confifcations, peines infamantes ou pécuniaires, & fouvent corporelles par le miniftere du bras féculier. Il devoit paroître étrange, au moins dans les commencemens, de voir des religieux, faifant profeffion de l'humi lité la plus profonde, & de la pauvreté la plus exacte, tout d'un coup transformés en magiftrats, ayant des appariteurs & des familiers armés, c'est-à-dire, des gardes, & des trésors à leur difpofition, fe rendant terribles à tout le monde.

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Le mépris du travail des mains a attiré l'oifiveté chez les Mendians, comme chez les autres religieux. Il n'eft pas aifé de connoître fi le tems destiné à l'orailon mentale, on a l'étude eft fidelement employé; on peut à ges noux & en posture du plus grand recueillement penfer à tout ce que l'on veut. Un religieux enfermé dans fa cellule, peut fous prétexte d'étude, faire des lectures, je ne dirai pas mauvaises, mais inutiles & de fimple curiofité. Enfin il peut bâiller & s'endormir. Il n'en eft pas de même du travail, il eft fenfible, & l'ouvrage qui refte en fait foi, De plus les ef prits propres à l'étude ne font pas communs; રે la plupart des hommes s'exercent peu à raisonner, & à penfer de fuite & font peu curieux, a ce n'est de nouvelles & de petits faits parti

Hift. liv. LXXXII. n. 45.

Hift. liv. XIV. n. 2.

culiers, matiere des jugemens téméraires, & des médifances. Les anciens fçavoient étudier & mieux que les modernes, leurs écrits en font foi, & toutefois faint Bafile & faint Grégoire de Nazianze dans leur retraite ne dédaignoient pas les travaux les plus bas. On peut tirer vanité d'avoir fait un bon livre; mais on n'en tira jamais d'avoir fait des nates ou des corbeilles : on peut toute la journée s'appliquer à ees ouvrages, il ne faut ni bel humeur, ni tête repofée.

Le troifiéme défaut que faint Bonaventure reproche à fes freres, eft la vie vagabonde de plufieurs, qui pour donner, dit-il, du foulagement à leurs corps, font à charge à leurs hôtes & fcandalifent au lieu d'édifier, C'est l'inconvénient des voyages trop fréquens, qui donnent occafion d'excéder dans la nourriture & le fommeil, fous prétexte de fe remettre de la fatigue; & dérangent l'uniformité de la vie réguliere. Le quatrième défaut eft l'importunité à demander; qui fait craindre, dit saint Bonaventure, la rencontre de nos freres, comme celle des voleurs. En effet cette importunité eft une espece de violence à laquelle peu de gens favent réfifter, fur-tout à l'égard de ceux dont l'habit & la profeffion ont attiré du refpect; & d'ailleurs c'est une fuite naturelle de la mendicité. Car enfin il faut vivre : d'abord la faim & les autres befoins preffans font vaincre la pudeur d'une éducation honnête; & ayant une fois franchi cette barriere, on fe fait un mérite & un honneur d'avoir plus d'industrie qu'un autre à attirer des aumônes.

La grandeur & la curiofité des bâtimens, continue le faint docteur, trouble notre pair, incommode nos amis & nous expose aux mauvais jugemens des hommes. Les bâtimens trou

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