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les Grecs, tous les Orientaux recevront volontiers ce qu'il aura déterminé. Si quelqu'un dit AN. 1339. qu'on l'a déja fait au concile de Lyon, il doit favoir qu'on ne persuadera jamais au commun des Grecs de le recevoir fans un autre concile : parce que les Grecs qui affifterent au concile de Lyon ne furent envoyés ni par les quatre patriarches, qui gouvernent l'églife d'Orient, ni par le peuple; mais par l'empereur feul, qui s'efforça de faire l'union avec vous, non volontairement, mais par violence. Si donc vous voulez tenir fur ce fujet un concile général, commencez par envoyer à l'église d'Orient des légats craignans Dieu & remplis de l'efprit d'humilité & de patience, avec des lettres pour inviter les patriarches de C. P., d'Alexandrie, d'Antioche & de Jérufalem, & les autres évêques à s'aflembler avec vous en quelque lieu, y traiter charitablement les questions, décider ce que le S. Efprit vous infpirera. C'eft le moyen de ramener le peuple & de réunir l'églife.

Barlaam vient enfuite à l'intérêt temporel & dit: Depuis long-tems les Turcs ont conquis fur les Grecs quatre grandes villes de Natolie, & en ont foumis par force les habitans à leur religion. Ceux-ci voulant revenir au Christianisme, n. 220 ont fait dire à l'empereur mon maître de venir avec une armée, & qu'ils lui livreroient ces villes; mais l'empereur ne fe croyant pas affez fort avec les troupes feules, nous a envoyés au roi de France demander du fecours pour ce fujet. Or fi nous avions repris ces villes, les Turcs perdroient toutes leurs forces maritimes, toutes les villes qui font entre nous, & ces quatre fe livreroient à nous : & nous aurions une grande ouverture pour le paffage à la terre fainte. Nous vous fupplions donc que l'on envoye du fecours en ces quartiers-là, avant que vos légats y ail

AN. 1339.

lent, ou du moins en même tems: parce que les Grecs voyant votre secours déja venu, feront mieux difpofés à écouter vos légats ; & l'empereur pourra dire au patriarche & aux autres prélats Voyez comme les Latins font bonnes gens & recherchent notre amitié, non-feulement par les belles paroles, mais par les effets: nous devons donc auffi chercher à nous réunir avec eux. Secondement tant que l'empereur fera en guerre avec les Turcs, il ne pourra affembler les quatre patriarches & les autres évêques, ni affifter lui-même au concile.

Quant à ce que difent quelques-uns d'entre vous: Il faut que les Grecs commencent par fe réunir avec nous, & alors nous marcherons contre les Turcs: Je ne puis être de leur avis pour plufieurs raifons. Premierement les Turcs n'at taquent pas feulement les Grecs, mais encore les Arméniens, les Cypriots & les Rodiens, qui nous font foumis, & tous les infulaires : ainfi vous devriez envoyer du fecours au moins pour eux. Les Turcs n'attaquent pas les Grecs comme Grecs ni comme divifés d'avec vous, mais comme Chrétiens: ainfi marchant contre les Turcs, vous n'irez pas proprement au fecours des Grecs, mais de la religion. Tant que l'empire Grec fubfiltera il vous fera très-facile d'abattre les Tures vous joignant à l'empereur Grec; parce que les Grecs connoiffent la maniere dont les Turcs font la guerre. Dans toutes les terres des Turcs & des Sarrafins il y a grand nombre de Chrétiens & de rénegats fort affectionnés à la domination des Grecs. Mais s'il arrivoit, ce qu'à Dieu ne plaife, que les Turcs renverfassent l'empire des Grecs, ils deviendroient fi forts, qu'il vous feroit très-difficile de les abattre. Agiffez donc maintenant, fans attendre le tems où vous fongerez, non pas à les attaquer, mais, à vous défendre d'eux.

Si les Turcs venoient vous prier de vous joindre à eux pour détruire les Tartares & les Sarrafins, vous les écouteriez : parce qu'il vous feroit plus avantageux de faire la guerre avec les Turcs, les Tartares & les Sarrafins, que de les attaquer tous trois vous feuls. Il en eft de même de vous joindre aux Grecs, plutôt que d'attaquer feuls les Grecs & les Turcs. Sachez encore & certainement, que ce n'eft pas tant la différence des dogmes qui aliene les Grecs de vous, que la haine qu'ils ont conçue, à caufe des grands maux que les Latins leur ont faits en divers tems, & leur font encore tous les jours, & l'union ne se peut faire, fi on ne commence par faire ceffer cette haine par quelque grand bienfait de votre part: fans quoi ils ne voudront pas même vous écouter. Sachez enfin que ce n'eft pas le peuple des Grecs qui m'a envoyé vers vous, mais l'empereur feul & fecretement: en forte que fi on ne lui envoye auparavant du secours, il n'ofera déclarer qu'il defire l'union avec vous.

Le pape & les cardinaux ayant vu & foigneu fement examiné cette propofition de Barlaam, répondirent: Il n'eft pas à propos de paroître maintenant révoquer en doute ce qui a été décidé folemnellement au concile d'Ephese, en ceux de Tolede & de Lyon & en plufieurs autres, que le S. Efprit procéde du Pere & du Fils comme d'un feul principe. Ce que les Grecs ont profeflé expreflément du tems du pape Hormisda, de Jean patriarche de C. P. & de l'empereur Justin ; & long tems après un autre patriarche Jean & l'empereur Michel Paléologue, par la lettre fynodique envoyée au pape Jean XXI.

Il faut expliquer ces citations. Le concile d'Ephefe ne traita directement que du mystere de l'Incarnation contre l'heréfie de Neftorius; & ce ne fut qu'incidemment qu'on y parla de la

AN. 1339

fert. 1. Damafe.

proceffion du S. Efprit à l'occafion du neuviéAN. 1339. me anathême de S. Cyrille & du faux fymbole dénoncé par le prêtre Charifius. On y voit touSup. lib. xxv. tefois affez clairement que S. Cyrille & tout le n. 22. 56. concile croyoient que le S. Efprit procéde du Lequien dif Fils. Le concile de Tolede, dont il eft ici parlé, eft le troifiéme tenu l'an 589, où se trouve pour la premiere fois l'addition Filioque. Quant au pape Hormifda nous avons une lettre le lui Sup. liv. écrite à l'empereur Juftin en 521, où il dit exXXXIV. n. 56. preffément: Il eft propre du S. Efprit de procé48. To. 4. der du Pere & du Fils. Sans que les Grecs fe foient Conc.p. 153. plaints alors de cette expreffion. Le concile de Lyon eft celui de l'an 1274, où fe fit la réunion procurée par Michel Paléologue.

To. 5. Conc.

P. 1000.

liv. XLV. n.

8.

Sup. liv.

LXXXVI. n.

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Les envoyés de l'empereur Andronic ayant vu la réponse du pape dirent: Si on ne peut perfuader aux Grecs de profeffer l'article du fymbole comme les Latins, que chacun demeure dans fa créance, fans préjudice de l'union. On leur répondit: Cela ne fe peut fouffrir. L'église catholique n'a qu'une feule créance ; & ne réfiftant pas à l'erreur elle fembleroit l'approuver. Toutefois le pape voulant toujours faciliter l'union dit aux envoyés : Que votre patriarche & votre empereur affemblent en concile les prétendus patriarches d'Alexandrie, d'Antioche & de Jérufalem avec leurs évêques, leur clergé & les principaux laïques ; & que l'on choififfe quelques favants pour les envoyer ici en Occident avec des pouvoirs fuffifants, afin qu'ils conférent avec des commiflaires députés par le S. Siége, non par maniere de difpute, mais pour pour l'inftruction des Grecs. Car la convocation d'un concile général ne paroît pas convenable, principalement en ce tems de trouble & de guerre, à caufe du longtems, des dépenfes & des travaux que cette convocation exigeroit. Barlaam

n. 28.

donna encore un autre mémoire où il difoit: Loin que l'examen puiffe nuire à une vérité que AN. 1339 l'on croit manifefte, il ne fert qu'à la rendre plus évidente, comme en maniant les parfums on en fait mieux fentir la bonne odeur. Les peres de Nicée voyoient clairement que le Fils eft confubftantiel au Pere ; mais parce que les Ariens en doutoient, ils voulurent l'examiner pour procu rer leur falut. Il vous fera glorieux d'en ufer de même à l'égard des Grecs; & ne leur pas donner prétexte de dire que vous craignez l'examen, parce que vous vous défiez de votre cause. n. Hi Quant à ce que votre fainteté a propofé de faire venir d'Orient des députés avec plein pouvoir de l'empereur & des patriarches, il me paroît impoffible à moins d'un miracle. L'empereur n'ofe déclarer fon deffein de se réunir avec vous, parce que plufieurs des grands & même du peuple, craignant qu'il ne les voulut traiter comme fit Michel Paléologue, chercheroient une occafion de le faire mourir. De plus l'églife de C. P. n'envoyeroit pas des nonces pour cette affaire fans le confentement des trois autres patriarches, qu'il feroit difficile d'affembler à caufe des guerres. Il eft incertain s'ils voudroient venir; s'ils conviendroient d'envoyer leurs nonces ; & quand ils en feroient d'accord, ils ne leur donneroient plein pouvoir qu'à des conditions que vous n'admettriez pas. Barlaam ajouta de vive voix, que nonobftant toutes ces difficultés, il travailleroit fidellement à procurer l'union. C'est ainsi qu'il prit congé du pape pour retourner en Gréce.

Le pape Benoît le chargea de deux lettres, en Ap. allat, de répoale de celles qu'il avoit apportées du roi de Conf. p. 788, Naples & du roi de France; la lettre au roi Ro- Rain. n. 32. bert en date du trentiéme d'Août 1339, n'eft qu'une promeffe de lui écrire plus amplement. La lettre au roi Philippe eft du quatrième de

37.

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