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le repas de vêpres à none, comme il étoit du temps de faint Thomas d'Aquin, & de none à midi, comme il eft encore, fans qu'aucune comS. Th. 2. 2, munauté religieufe pour auftere qu'elle foit, ait 9. 147. 4.7. gardé l'ancien ufage.

La caufe la plus generale du relâchement des religieux, eft la legereté de l'efprit humain, & la rareté d'hommes fermes & conftans, qui perfeverent long-temps dans une même refolution. C'eft la raifon des vœux introduits fi fagement pour fixer l'inquiétude naturelle, qui font l'effentiel de la profeffion religieufe. Or afin que ces vœux ne fuffent pas temeraires, on avoit ordonné avec la même fageffe de rigoureufes épreuves. Loin d'attirer les feculiers à la vie religieufe, comme on a cru non S.Th.2.2.q. feulement permis, mais méritoire dans les der 189. art. 9. niers tems, les anciens employoient tous les Caff.v. Inft. moyens capables de rebuter ceux dont la voe.3.Reg.c.58. cation n'étoit pas folide; & faint Benoît l'or

donne expreffément. C'eft qu'il n'eft pas neceffaire qu'il y ait des religieux dans l'église : mais s'il y en a, ils doivent tendre à la perfection, il ne leur eft plus permis d'être des Chrétiens médiocres. Le bienheureux Guigues Chartreux avoit raifon de dire: S'il est vrai que la voye qui mene à la vie eft étroite, & que peu de gens la trouvent, l'inftitut religieux qui adHift. liv. met le moins de fujets eft le meilleur & le plus Lxv1.2. 58. fublime, & celui qui en admet le plus, est le moins eftimable.

*.80. #. 12.

Un moine relâché eft donc un homme qui fe contredit continuellement. Il a promis à Dieu de vivre dans la retraite & le filence, & il cherche les compagnies & les converfations: il demande des nouvelles & en débite lui-même. Il a promis de garder une exacte pauvreté, & fe réduire an neceffaire, toutefois il eft bien-aife

d'avoir en fon particulier quelque livre, quelque
petit meuble, quelque peu d'argent, une cham-
bre plus propre & plus commode qu'un autre. Il
affifte à l'office, mais il aime les occafions de
s'en difpenfer, & l'expedie promptement, comme
s'il avoit à faire enfuite quelque chofe de plus
important. Et je ne parle point des relâchemens
plus fenfibles: des religieux qui semblent avoir
honte de leur habit & de leur profeffion ; & fe dé-
guifent pour approcher autant qu'ils peuvent
de l'extérieur des feculiers: qui font les agréa-
bles & les bons compagnons dans les repas & les
voyages, & fe font rechercher pour
les parties
de plaifir. al

D'autres plas ferieux prétendent se diftinguer par des talens finguliers: l'un fait des fecrets inconnus à toute la faculté de medecine. l'autre excelle dans les mathématiques, l'ar chitecture ou quelque autre art, qui le fait rechercher l'autre enfin entend la conduite des affaires, foit publiques foit particulieres, il eft capable de gouverner, non-feulement des familles, mais des états ou du moins il le croit être. Tous ces gens-là, ce me femble, font du nombre de ceux qui regardent derriere. après avoir mis la main à la charuë. Car pourquoi quitter le monde & y rentrer enfuite par tant de portes? Un vrai moine ne cherche qu'à oublier le monde & en être entierement oublié, & tout autre religieux à proportion.

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Je compte entre les caufes du relâchement, les récreations introduites dans les derniers temps: car la regle de faint Benoît n'en dit pas un mot, ni aucune autre ancienne regle que je fache, Cet ufage femble fondé fur l'opinion s. Th. de quelques, theologiens modernes, qui ont Introd S cru que la converfation libre & gaye étoit Fr 8

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S.Th.

foulagement neceffaire après l'application d'ef prit comme le repos après le travail du corps ; & ils ont nommé vertu d'Eutrapelie le bon ufage de ce relâchement d'efprit. Mais ils n'ont pas vû que cette prétendue vertu tirée d'Ariftote, eft comptée par S. Paul entre les vices, fous le même nom d'Eutrapelie; & ce qui les a trompé eft que n'entendant pas le Grec, ils n'ont vu dans la verfion latine de S. Paul que le mot de fcurrilité, qu'ils n'ont pas manqué de ranger entre les vices: ainfi le même mot de S. Paul fignifie un vice en Latin, & une vertu en Grec. Voilà si je neme trompe la fource des recreations.

Au fond il n'eft pas vrai que la converfation foit neceffaire pour nous remettre de l'appli cation d'efprit. Le mouvement du corps y eft plus propre, comme une promenade, ou un travail moderé parce que ce mouvement détourne aux parties éloignées les efprits animaux raffemblez & agitez dans le cerveau. La converfation au contraire entretient & fouyent angmente cette agitation des efprits: fans compter les tentations où elle expofe, les railleries pi quantes, les médifances, les jugemens témoraires fur les affaires de l'églife ou de l'état : car les nouvelles publiques font fouvent la matiere des recreations. Je m'en rapporte à l'experience, & je prie les perfonnes religieufes de fonger quelle eft la matiere la plus ordinaire de leurs confeffions fi frequentes.

Je crains encore que les aufteritez corporelles, fi ufitées dans les derniers ficcles, n'ayent été des occafions de relâchement. Car ce ne font pas des fignes infaillibles de vertu : on peut fans humilité & fans charité marcher nuds pieds, porter la haire ou fe donner la difcipline. L'amour propre qui empoisonne tout, peut perfuader à un efprit foible qu'il eft un

faint dès qu'il pratique ces devotions exte
rieures; & pour fe dédommager de ce qu'il fouf-
fre par-là, peut-être fera-t-il tenté de pren-
dre d'ailleurs quelque foulagement ou quel-
que plaifir permis. Enfin quelques-uns s'ima-
ginent pouvoir faire une espece de compen
fation, comme cet Italien, qui difoit : Que
veux tu, mon frere? Un peu de bien, un peu
de mal, le bon Dieu nous fera mifericorde.

L'Ecriture ne parle pas ainfi. Détourne-toi du Pf. 35%
mal & fais le bien nous apprenant à quitter
le peché avant que de faire de bonnes œuvres,
fi nous voulons qu'elles foient utiles. Enfin
j'eftime plus la vie parfaitement uniforme des
anciens moines d'Egypte que celle d'un reli-
greux déchauffé, qui après s'être donné la dif-
cipline, prend place avec joye à un grand re-
& cherche à
briller par
La belle hu-

pas

2

meur.

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XIII. Exemptions. Opufc.2.c.35. Hift. liv.

57°

LXIX. n. $7.

Les exemptions furent fans doute une des principales caufes du relâchement des religieux comme faint Bernard avoit bien remarqué. Vous avez vu ce qu'il en dit, princi- LxvII. palement en deux endroits de fes écrits: la let- 11. c. 4. tre à Henri archevêque de Sens touchant Hift. liv. les devoirs des évêques, & le livre de la confideration au pape Eugene dans l'un il fe plaint des moines & des abbez qui obrenoient des exemptions, dans l'autre des papes qui les accordorent. Il va même jusques à revoquer en doute le pouvoir du pape à cet égard dont en effet je ne voi guère d'autre fondement que l'idée confufe qu'ont donné les fauffes decretales que le pape pouvoit tout. Or les inconveniens des exemptions font fenfibles. C'eft n'avoir point de fuperieur, que de l'avoir fi éloigné & fi occupé d'affaires plus imortantes: c'eft une occafion de méprifer les

évêques & le clergé qui leur eft foumis. C'eft une fource de divifion dans l'églife en formant

Hift. liv. une hierarchie particuliere. Voyez la difpute xc1.7.53. qui s'émut fur ce fujet du temps du concile de Vienne entre Gilles de Rome archevêque de Bourges, qui attaquoit les exemptions des moines, & l'abbé de Chailli qui les foûtenoit.co

Mais cet abbé combattoit fortement celles des Mandians les plus odieufes au clergé feculier, en ce que ces freres exerçoient en vertu de leurs privileges, la plupart des fonctions ccclefiaftiques, dont alors les moines ne fe mêloient guère; auffi les freres Mandians furent-ils ceux qui poufferent aux plus grands Hift. liv. excès les prétentions de l'autorité du pape. xc1 1. n. 43. Voyez les extraits que j'ai rapportez d'Auguftin xc.v. n. 25. Triomfe & d'Alvar Pelage, l'un Auguftin, l'autre

Francifcain. A force de vouloir relever la puiffance du pape, ils la rendent odieufe, l'élevant au deffus de toutes les puiffances temporelles, non feulement quant à l'excellence & à la dignité mais quant au pouvoir effectif, d'ériger, tranf ferer ou fupprimer les empires & les royaumes; d'établir, corriger ou dépofer les fouverains: enforte que felon leur fiftême, il n'y a dans le monde qu'un feul fouverain, qui exerce la puiffance fpirituelle par lui-même & par les clercs aufquels il en commet quelque partie, & la temporelle par les laïques, fur lefquels il veut bien s'en décharger. Ce n'eft pas-là le fiftême de l'évangile, ni la tradition des premiers ficcles.

La nouvelle hierarchie des religieux exempts a eu de fâcheufes fuites, & dans leurs corps & au dehors dans toute l'églife. Au dedans ils ont été fort occupez de leur gouvernement, de la tenue des chapitres generaux ou provinciaux, de l'élection des fuperieur

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