en avoit emporté quelques-uns. Le premier de ces nouveaux cardinaux fut Jean Flandrin arche- AN. 1390, vêque d'Auch. Il étoit né en Vivarès, & frere de Pierre Flandrin que le pape Gregoire XI. fit Sup. liv. cardinal en 1371. Jean fut premiérement doyen xcv11.7.20 de Laon, puis évêque de Carpentras en 1371. En 1379. Clement VII. le fit archevêque d'Auch ; fon titre de cardinal fut faint Jean & faint Paul. L'autre cardinal de cette promotion fut Pierre Geraud né en Forès au diocefe de Lyon. Il étoit licentié en droit & archidiacre de Bourges. En 1373. il fut évêque de Lodève, puis d'Avignon ; & enfin du Pui-en-Velai l'an 1384. fon titre de cardinal fut faint Pierre-aux-liens.

LIV.

Jubilé à Re

me.

Pendant toute cette année 1390. il y eut à Ro me un grand concours de pelerins pour gagner l'indulgence du Jubilé ouvert à Noël de l'année précédente fuivant la nouvelle conftitution d'Urbain VI. mais on n'y vint que des pays de Th. Niem. fon obédience, principalement d'Allemagne, 626 de Hongrie, de Pologne, de Boheme, d'Angleterre. On apporta de grandes offrandes aux églifes de Rome dont on y fit quelques réparations: mais la plus grande partie vint entre les mains du pape Boniface. Or quoique ces offrandes montaflent à de grandes fommes, il ne laiffa 'pas d'envoyer en divers pays des quêteurs qui vendoient l'indulgence à ceux qui vouloient bien payer autant qu'il leur auroit coûté pour le voyage de Rome: ce qui produifit beaucoup d'argent, en forte qu'il y eut telle province dont les quêteurs tirerent plus de deux cens mille florins d'or. Car ils prétendoient avoir la puiffance de remettre tous les péchez fans autre pénitence, & de difpenfer de toutes les irrégularitez. Etant revenus à Rome ils rendirent compte au pape de leur recette: mais il en trouva quelques-uns d'infidéles qu'il fit emprisonner, d'autres furent mis en

piéces par le peuple, quelques-uns fe tuerent euxAN. 1390. mêmes, ou moururent miférablement de quelque

Rain. n. 2.

LV.

Distribution

autre maniere.

A l'exemple de ces quêteurs il y eut auffi des religieux Mandians & des clercs féculiers,qui fe difant envoyez par le pape ou par les légats, & faifant valoir leurs facultez vrayes ou fauffes, donnoient des abfolutions pour de l'argent, & fouvent pour de petites fommes, fans avoir égard à l'énormité des péchés, ni à la contrition des pécheurs, à la reftitution ou à la fatisfaction. Ils difpenfoient auffi pour une legere compenfation de toutes fortes de voeux de chafteté, d'abstinence, de pélerinages ou autres: ils abfolvoient & réconcilioient les hérétiques & les fchifmatiques fans abjuration en forme: ils réhabilitoient les bâtars, & donnoient difpenfe pour fe marier dans les dégrez défendus. Enfin ils donnoient toutes fortes de graces pour de l'argent,qu'ils difoient recevoir au nom de la chambre apoftolique, & toutefois ils ne lui en rendoient aucun compte. Le pape en étant averti manda à Benoît évêque de Ferrare tréforier de l'église Romaine dans la Romagne, d'informer fommairement contre ces impofteurs, leur faire rendre compte & mettre en prifon ceux qui fe trouveroient coupables.La lettre eft du dix-neuviéme d'Octobre. Le pape donna un ordre pareil à Beltranicu évêque de Come,à Gérard évêque de Ratzebourg, à Nicolas de Meffieu, à Gérard de Hildesheim, & à d'autres.

Dès le commencement de fon pontificat Boniface fit publier par tout le pays de fon obédience de bénéfices. qu'il accorderoit des graces à tous les clercs qui Frof. 4. c. viendroient à Rome. Ce qui fit que plufieurs fe mirent en chemin; mais quand ils s'approcherent de la Marche d'Ancone & de la Romagne, ils fe trouverent en grand péril. Car Bernard de la Sale

10.

qui

AN. 1390.

qui gardoit cette frontiére pour le pape Clement les fit gueter par les chemins, en forte que plufieurs furent pris & plufieurs ruez. Ceux qui arrivoient à Rome étoient examinez, mais on Gobel. c. 84 commençoit par en tirer de l'argent: enfuite p. 274. quand on fit la diftribution des graces à tous les impétrans, les pauvres clercs furent mis les derniers fur les rôles, en forte que leurs graces devenoient prefque inutiles. Car la feconde & la troifiéme année le pape figna plufieurs rôles fous la date de la premiére: en forte que ceux qui étoient compris dans ces rôles portoient préju dice aux graces que les pauvres avoient obtenuës la premiére année.

Juv. Urf. p.

78.

Labour. liv.

Le pape Boniface délivra un impofteur Grec LVI. nommé Paul Tigrin, qu'Urbain avoit mis en pri- Paul Tigrin fon. Il étoit né de pauvres parens dans une île où impofteur. il s'embarqua avec quelques autres d'intelligence avec lui, fe difant patriarche de CP. Il vint premiérement en l'île de Chipre, dont le roi fe fit ix.c. 10.ms. f. couronner de fa main & lui donna trente mille 78. florins d'or. On venoit de tous côtez lui de- Felib. hift. S. mander comme au pape des Ben.p.305. graces qu'il accordoit facilement en les faifant bien payer, de forte qu'il amaffa beaucoup d'argent. Il vint à Rome prétendant y faire le même perfonnage, mais le pape Urbain le fit examiner, & il furvint des gens qui lui foûtinrent en face que la

même année ils avoient vû en Grece le véritable patriarche de C P. Etant ainfi convaincu d'impofture, il fut mis en prifon par ordre d'Urbain VI. qui confifqua fon tréfor, & laiffa Paul en cet état le refte de fon pontificat.

Mais au couronnement de Boniface IX. il fut mis en liberté avec les autres prifonniers fuivant la coûtume. Alors il vint en Savoye; & fçachant que le vrai patriarche de C P. étoit parent du comte, il alla trouver ce prince, disant que c'éTome XX.

R

toit lui, & lui montrant une généalogie à laAN. 1390. quelle il fut trompé: ainfi il reçut très-bien le prétendu patriarche, & lui donna du fien abondamment. Il le fit habiller felon fa dignité, & l'envoya avec douze chevaux à Avignon, le recommandant au pape Clement comme fon parent & patriarche de C P. Clement y fut auffi trompé ; & Paul lui raconta les maux qu'Urbain lui avoit fait fouffrir à Rome, parce que, dit-il, je prenois votre parti, & lui repréfentois qu'il étoit obligé en confcience à vous reconnoître pour vrai pape.Clement lui fit de grades largeffes.

LVII.

Boniface.

Il vint enfuite vifiter le roi de France, qui le reçut honorablement & lui fit très-bon visage. Le faux patriarche témoignoit à l'extérieur une grande dévotion, vifitant volontiers les églifes & les monafteres. Il vint entre autres à celui de faint Denis où il dit à l'abbé & aux moines:Je fçai que vous avez le corps de votre Saint, mais j'en ai encore de belles chofes comme fa ceinture & plufieurs bons livres qu'on n'a pas en ces pays-ci: je vous les ferai avoir fi vous me voulez donner deux de vos religieux. On les lui donna: il les nena jufqu'à la mer où il s'embarqua à la dérobée avec les richeffes & les laiffa. Ils le voulurent fuivre, & allerent jufqu'à Rome,où ils apprirent que ce n'étoit qu'un impofteur, & s'en revinrent.

Cependant le pape Boniface voulant aider au Exactions de roi Ladiflas à foutenir la guerre contre Loüis d'Anjou, manda au cardinal de Florence Ange Bain. n. 17. Acciaioli fon légat, de contraindre les eccléfiaftiques du royaume de Naples comme les laïques, à payer un florin d'or par feu durant cette guer

8.18.

re fuivant l'ordonnance de Ladiflas. La lettre du pape eft du vingt-deuxième de Novembre 1390. Il donna auffi commiffion à deux autres cardinaux d'engager & d'aliéner plufieurs terres des églifes & des monafteres; & de plus d'engager à

des nobles plufieurs villes & plufieurs châteaux appartenans à l'églifeRomaine,dont la plupart de AN. 1399. ces nobles s'étoient déja mis en poffeffion comme gouverneurs. Le pape leur en accorda donc la joiffance pour un certain tems comme de dix ou douze ans à titre de vicariat & à la charge d'une redevance annuelle de tant de florins d'or, & d'un certain nombre de gens de guerre entretenus à leurs dépens pour le fervice de l'églife.

En Angleterre le roi Richard II. tint un parLVIII. lement à Londres le lundi après la faint Hilaire, Ordonnance c'eft-à-dire le feiziéme de Janvier 1391. où en- fur les béné tre autres chofes il fut ordonné que déformais fices d'Angleperfonne ne passeroit la mer pour obtenir des pro- terre. Valfing.p. vifions de bénéfices, fous peine d'être arrêté & 343. emprifonné comme rebele au roi. Le pape Boni- Rain, 1391, n. face ayant appris cette ordonnance, s'en plaignit 19. par une bulle, où il dit : Quelques féditieux ont fuggeré à notre cher fils le roi Richard de renouveller l'ordonnance du roi Edouard fon ayeul,conforme à celle d'un autreEdouard,& portant ce qui fuit: Les élections des évêchez & des autres dignitez feront maintenues en Angleterre, comme elles ont été accordées par nos ancêtres & par ceux des autres fondateurs. Les prélats & les autres ecclefiaftiques qui ont droit de patronage fur quelque bénéfice, en auront la colla tion libre, comme ont eu leurs auteurs; & en cas que la cour de Rome fit une réferve ou donnât une provifion de quelque évêché, dignité ou autre bénéfice pour empêcher les élections, collations ou préfentations, le roi d'Angleterre auroit pour cette fois la collation des évêchez ou autres dignitez électives qui feroient de fon patronage.

Après un long dénombrement de plufieurs cas où les réferves & les collations de la cour de Rome font restraintes, le pape ajoûte : Le roi Richard ainfi circonvenu a ordonné dans fon pare