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l'églife de France, contre le pape Eugene, qu'il fup- 143 2.
pofe avoir été inftruit de ce qui s'étoit paffé dans l'af-
femblée de Bourges. Il lui reproche dans fa lettre,
les
efforts qu'il fait pour rompre le concile de Bafle, mal-
gré les oppofitions de tant d'illuftres prélats. Il lui
met devant les yeux, le scandale & l'indignation qu'il
caufe à l'églife. "N'eft-ce pas, lui dit-il, réfifter
,, à la volonté de Dieu ? Pourquoi scandalifez-vous
,, ainfi l'églife? Pourquoi irritez vous ainfi le peu-
,, ple chrétien,,? Il tâche de le détromper de l'erreur
dont on l'avoit flaté, que le concile de Bafle n'étoit
point légitime ;. ce qui favorifoit fort le deffein qu'il
avoit de le rompre. La raifon que ce cardinal apporte,
eft, qu'on ne peut douter de l'autorité du concile de
Bafle, qu'on ne contefte en même tems celle du concile
de Conftance; parce que l'un de ces deux conciles dé-
pend de l'autre, comme l'effet dépend de fa caufe.
Or jufqu'ici perfonne n'a révoqué en doute l'autorité
du concile de Conftance; autrement la dépofition du
pape Jean XXIII. ne feroit pas canonique; & fi elle
ne l'eft pas,
il s'enfuivra que l'élection du pape Mar-
tin V. & d'Eugene IV. n'eft pas légitime, puifqu'elle
a été faite du vivant de Jean XXIII. Eugene IV. ne
fera pas auffi pape légitime, dont l'élection a été faite
par les cardinaux que Martin V. avoit créez.

رو

Il n'y a perfonne, concluoit le cardinal Julien, » parlant au pape Eugene, qui ait plus d'interêt de foutenir l'autorité du concile de Conftance, que ,, votre fainteté; parce que, fi elle est contestable, vous manquerez de preuves, pour montrer la validité de votre élection,,. Ce fut la plus importante raison dont se servit ce cardinal dans fa lettre, pour établir l'autorité du concile de Conftance; d'où il tire

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143 2. auffi cette conféquence, que le concile de Bafle eft légitime. Enfin il montre à ce pape, qu'il n'a pas le pouvoir de diffoudre le concile, pour une raifon qui l'incommodoit fort, prise du concile de Conftance. Ce concile a ordonné que le pape même eft obligé d'obéir aux decrets d'un concile general dans les chofes qui regardent la foi, l'extinction d'un fchifme, & la réformation de l'églife dans fon chef & dans fes membres: or le pouvoir de condamner, & de punir les rebelles, eft un figne évident de fupériorité; être obligé au contraire d'obéir, eft une marque claire d'in, fériorité donc, par une confequence necessaire, le concile eft fupérieur au pape dans ces trois cas, & le pape eft obligé de s'y foumettre dans ces mêmes cas. Jean XXIII, a été déposé pour un de ces cas, à caufe du déréglement de fes moeurs. Benoît XIII, a été déposé, pour éteindre le fchifme. Or s'il eft vrai que le foit inferieur au concile en ces trois cas pourroit-il rompre, de fon autorité privée, un concile qui, aura été affemblé, ou pour l'établiffement de la foi,ou pour l'extinction du fchifme,ou pour la réforme de l'églife, comme l'ont été les conciles de Conftance, de Sienne & de Bafle? Cependant le pape Martin V. a approuvé ce decret du concile de Conftance; Eugene l'a auffi reçû dans le concile de Bafle: donc il n'a pû en ordonner la diffolution. Voilà à quoi le réduit le raifonnement du cardinal Julien, qui, ce femble, devoit tenir un autre langage au pape, à caufe du rang qu'il tenoit parmi les cardinaux; mais il ne pût réprimer ce zele, qui l'animoit pour l'autorité du concile: & priant le pape d'excufer la liberté qu'il fe donnoit de lui parler, & qui ne procédoit que d'une fincérité vraiment chrétienne, & d'une pure intention, il conclut par ces

pape

comment

paroles. "Je l'ai dit fouvent, je le dis encore, & je 143 2. leprotefte devant Dieu & devant les hommes, que fi votre fainteté ne change pas de confeil & de deffein, elle fera caufe d'un fchifme & d'une infinité de maux, qui affligeront l'églife.

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رو

رو

XIV.

Réponse fycile, aux légats

nodale du conpape Euge

du

ne.

tom. 12. pag.

Les peres du concile entrerent dans les vûes du cardinal Julien, & feconderent avec plaifir fes bonnes intentions, comme il paroît par leur réponse fynodale aux légats du pape Eugene, qu'on trouve dans le douziéme tome des conciles; dans laquelle, après avoir déclaré que la diffolution du concile de Bafle Concil. P.Labbe, fcandaliferoit toute l'églife, & après avoir prié le fou- 673. verain pontife, de ne point attrifter le Saint-Efprit, mais plutôt de fe joindre, comme un bon pere, à l'églife catholique, que le concile repréfentoit; ils répondent aux raifons que les légats avoient alléguées, pour perfuader fa diffolution: & comme elles fe réduifoient toutes à établir l'autorité du pape fur le concile, les peres de Bafle s'attachent à relever l'autorité du concile fur le pape. Voici le principe qu'ils établissent d'abord: que, quoiqu'ils reconnoiffent le pape comme chef de l'églife, il eft néanmoins obligé d'obéir aux conciles généraux, légitimement établis & assemblez, dans les chofes qui regardent la foi, l'extinction du fchifme, & la réforme de l'églife, fuivant le decret du concile de Conftance. Ce principe pofé, voici quelles font leurs preuves.

I. Perfonne ne peut contefter l'autorité de l'églife, & que tout ce qu'elle reçoit ne doive être également reçu par tous les Fidéles, comme l'enfeigne fi fouvent faint Augustin: Je ne croirois point, dit-il, á l'évangile, fi je n'y étois engagé par l'autorité de l'églife. Qu'elle eft infaillible, & exemte d'erreur : ce font des prin

1432. cipes certains. Or cette infaillibilité ne convient qu'à l'église feule, par un privilége spécial, qui n'a pas été accordé aux anges, parce qu'ils ont péché; ni à nos premiers peres, qui ont été prévaricateurs; ni aux papes mêmes, parce qu'il y en a qui ont erré dans la foi. Il n'y a donc que l'églife qui puiffe faire des loix qui obligent univerfellement tous les Fidéles.

II. Les conciles géneraux font d'une autorité égale à celle de l'églife. Čela a été expressément défini dans le concile de Conftance; favoir, qu'un concile géné ral, légitimement affemblé, repréfente l'églife catholique, & tient fa puiffance immédiatement de JefusChrist. C'eft auffi ce que Martin V. a prononcé dans une de fes lettres, que ce qui a été dit dans le concile de Conftance, de l'autorité de l'église, doit être appliqué au concile général qui la repréfente; parce qu'autrement la représentation ne feroit pas fidele › fi le concile qui repréfente, n'avoit pas la même autorité, que l'églife qui eft représentée. D'où il s'enfuit que les conciles font infaillibles, puisqu'ils font l'églife même. Les peres du concile firent fi grand cas de cette feconde preuve, qu'ils déclarerent que quand les autres leur manqueroient, celle-ci feule fuffiroit pour établir l'autorité des conciles géneraux.

du con

III. Quoiqu'il foit vrai que le pape soit le chef minifteriel de l'églife, pour parler avec les peres cile de Bafle, il ne faut pourtant pas dire qu'il foit au-dessus de tout ce corps myftique, parce que la raifon, l'experience & l'autorité nous font voir le contraire. La raison, car ce corps mystique qui eft l'églife, fans y comprendre le pape, ne peut pas tomber dans l'erreur. L'experience auffi a fouvent fait voir que le pape, quoique chef de ce corps, a erré, &

que

SIXIE'ME. que ce corps ayant toujours perfeveré dans fon infaillibilité, a condamné & dépofé des papes convaincus d'erreur dans la foi & dans les mœurs; & qu'au contraire le pape n'a jamais condamné, ou excommunić, ou dépofé le refte du corps de l'églife. Ainfi quoique le pape & l'églife ayent reçu le pouvoir de lier & de délier, le pape toutefois n'a jamais exercé ce pouvoir contre l'églife; mais l'église l'a quelquefois exercé contre le pape. L'autorité enfin nous prouve la même chofe car ces paroles de Jefus-Chrift dans l'évangile: Si votre fiere a péché contre vous, dites-le à l'églife,

I 432.

Matt. 18.

s'il n'écoute pas l'églife méme, qu'il foit à votre égard comme un Païen un Publicain, comprennent tous les hommes, faint Pierre auffi - bien que fes fucceffeurs. Que faint Pierre ait été compris dans ces paroles, faint Paul nous en fournit une preuve évidente, lorfqu'il réfi- Galat.cap. 2, fta en face à cet apôtre devant tout le monde, parce qu'il étoit, dit-il, répréhenfible. Or, qu'a-t-il fait. autre chofe, en réfiftant à faint Pierre, en présence de tout le peuple, que découvrir fa faute à toute l'églife? Que fes fucceffeurs y foient compris auffi, il est aifé de le prouver par les exemples des papes Anaftafe & Libere, qui furent regardez par toute l'églife de Rome, comme des papes dans l'erreur; & par la conduite du concile de Conftance, qui a déclaré que les crimes des papes contre la foi, leur fchifme, & le déréglement de leurs mœurs, peuvent être déclarez à l'églife, aux décifions de laquelle ils font tenus de fe foumettre. Que fi par opiniâtreté ils refufent d'y obéir, ils peuvent être condamnez à une pénitence proportionnée, & l'on peut recourir à d'autres remedes marquez dans le droit; & par confequent on peut les excommunier. Cela étant, ils feront regardez Tome X XII.

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