De Neptune en vain courroucé. Par elle il brave les careffes Des Sirénes enchantereffes, Et les breuvages de Circé.
De la vertu qui nous conferve C'eft le fymbolique tableau. Chaque mortel a fa Minerve, Qui doit lui fervir de flambeau. Mais cette déïté propice Marchoit toujours devant Ulyffe, Lui fervant de guide ou d'appui: Au lieu que par l'homme conduite Elle ne va plus qu'à fa fuite, Et fe précipite avec lui.
Loin que la raifon nous éclaire Et conduife nos actions,
Nous avons trouvé l'art d'en faire L'orateur de nos paffions. C'eft un fophifte qui nous joue Un vil complaifant qui fe loue A tous les fous de l'univers, Qui s'habillant du nom de fages, La tiennent fans ceffe à leurs gages, Pour autorifer leurs travers,
C'eft elle qui nous fait accroire Que tout céde à notre pouvoir;
Qui nourrit notre folle gloire De l'yvreffe d'un faux fçavoir: Qui par cent nouveaux ftratagêmes Nous mafquant fans ceffe à nous-mêmes,
Parmi les vices nous endort:
Du furieux fait un Achile, Du fourbe politique habile, Et de l'athée un efprit fort.
Mais, vous, mortels, qui dans le monde Croyant tenir les premiers rangs, Plaignez l'ignorance profonde De tant de peuples différens; Qui confondez avec la brute Ce Huron caché fous fa hute, Au feul inftinct prefque réduit; Parlez: Quel eft le moins barbare D'une raifon qui vous égare, Ou d'un inftinct qui le conduit?
La nature en tréfors fertile Lui fait abondamment trouver Tout ce qui lui peut être utile, Soigneufe de le conferver. Content du partage modefte Qu'il tient de la bonté célefte, Il vit fans trouble & fans ennui; Et fi fon climat lui refuse
Quelques biens dont l'Europe abufe Ce ne font plus des biens pour lui
Couché dans un antre ruftique, Du nord il brave la rigueur ; Et notre luxe afiatique
N'a point énervé fa vigueur. Il ne regrette point la perte
dont la découverte A l'homme a coûté tant de foins ; Et qui, devenus néceffaires, Nont fait qu'augmenter nos miséres En multipliant nos befoins.
Il méprife la vaine étude D'un Philofophe pointilleux, Qui nageant dans l'incertitude Vante fon fçavoir merveilleux,
Il ne veut d'autre connoiffance Que ce que la Toute-puiflance A bien voulu nous donner; Et fçait qu'elle créa les fages Pour profiter de fes ouvrages, Et non pour les examiner.
Ainfi, d'une erreur dangereufe Il n'avale point le poison; Et notre clarté ténébreufe N'a point offufqué fa raison. Il ne fe tend point à lui-même Le piége d'un adroit fyftême, Pour fe cacher la vérité. Le crime à fes yeux paroît crime, Et jamais rien d'illegitime Chez lui n'a pris l'air d'équité.
Maintenant, feriles contrées, Sages mortels, peuples heureux, Des nations hyperborées Plaignez l'aveuglement affreux : Vous, qui dans la vaine noblesse, Dans les honneurs, dans la moleffe Fixez la gloire & les plaifirs; Vous, de qui l'infâme avarice Promene au gré de fon caprice Les infatiables defirs.
Oui, c'est toi, monftre détestable, Superbe tyran des humains, Qui feul du bonheur véritable A l'homme a fermé les chemins. Pour appaifer fa foif ardente, La tere en tréfors abondante
Feroit germer l'or fous fes pas; Il brûle d'un feu fans reméde: Moins riche de ce qu'il pofféde, Que pauvre de ce qu'il n'a pas. 'Ah! fi d'une pauvreté dure Nous cherchons à nous affranchir; Rapprochons-nous de la nature Qui feul pout nous enrichir. Forçons de funeftes obftacles: Réfervons pour nos tabernacles Cet or, ces rubis, ces métaux: Ou dans le fein des mers avides Jettons ces richeffes perfides, L'unique élément de nos maux. Ce font-là les vrais facrifices Par qui nous pouvons étouffer Les femences de tous les vices Qu'on voit ici-bas triompher. Otez l'intérêt de la terre: Vous en exilcrez la guerre, L'honneur rentrera dans fes droits : Et plus juftes que nous ne fommes, Nous verrons régner chez les hommes Les mœurs à la place des loix.
Sur-tout réprimons les faillies De notre curiofité,
Source de toutes nos folies, Mere de notre vanité.
Nous errons dans d'épaiffes ombres, Où fouvent nos lumiéres fombres Ne fervent qu'à nous éblouir. Soyons ce que nous devons être ; Et ne perdons point à connoître, Des jours deftinés à jouir.
Sur la mort de S. A. S. Monfeigneur LE PRINCE DE CONTI, arrivée au mois de Février 1709.
Euples, dont la douleur aux larmes obftinée De ce Prince chéri déplore le trépas,
Approchez, & voyez quelle eft la destinée Des grandeurs d'ici-bas.
CONTI n'eft plus, ô Ciel! Ses vertus, fon
courage, La fublime valeur, le zèle pour fon Roi, N'ont pû le garantir au milieu de fon âge,
Il n'eft plus : & les Dieux en des tems fi funeftes N'ont fait que le montrer aux regards des mortels. Soumettons-nous. Allons porter ces triftes reftes Au pied de leurs autels.
Elevons à fa cendre un monument célébre. Que le jour, de la nuit emprunte les couleurs. Soupirons, gémiffons fur ce tombeau funébre, Arrofé de nos pleurs.
Mais, que dis-je! Ah! plutôt à sa vertu fuprême Confacrons un hommage & plus noble & plus doux Ce héros n'eft point mort. Le plus beau de lui-
Ce qu'il eut de mortel s'éclipfe à notre vûe. Mais de fes actions le vifible flambeau,
fa renommée en cent lieux épandue, Triomphent du tombeau.
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