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François I en fondant le Collége royal, ne faisoit qu'étendre et que perfectionner un établissement subsistant et ancien, l'Université; établissement qui ne peut être trop cher à la nation, dont l'espérance et les ressources dépendent si souvent des impressions de l'enfance. Nos maîtres sont de seconds parens qui nous font naître pour la science et pour la vertu. Mais plus ils sont occupés de ce devoir sacré qui les réclame tout entiers, moins ils sont en état d'accélérer les progrès des sciences même qu'ils professent. Toujours placés à l'entrée de la carrière, ce sont eux qui sont chargés de l'ouvrir et d'en aplanir les premières voies; ils mettent leurs disciples en état de la parcourir; il leur reste peu de loisir pour la remplir eux-mêmes. Les Académies rassemblent ceux qui l'ont remplie ou qui la remplissent, elles conservent le dépôt des connoissances acquises, elles l'étendent par la communication que l'imprimerie a rendue si rapide et si générale. Les Universités élèvent l'enfance, noble partage et le plus important sans doute; les Académies instruisent l'âge mûr, car l'humanité, toujours susceptible d'amélioration, a toujours besoin d'instruction. Les Universités lui font connoître ce besoin, les Académies cherchent à le satisfaire; les unes forment l'ame, les autres l'agrandissent et la perfectionnent.

Charlemagne étoit le seul roi qui eût entrevu l'utilité de cette seconde espèce d'établissemens. Il paroît qu'indépendamment des écoles qu'il fonda, et que beaucoup de gens regardent comme le berceau de Alcuini, l'Université, il établit dans son palais une académie epist. t. 2. proprement dite. Nous apprenons d'Alcuin que Char

lemagne voulut en être membre, qu'il assistoit à toutes les assemblées, qu'il donnoit son avis sur toutes les matières qu'on y traitoit, et dont les principales étoient la dialectique, la rhétorique et l'astronomie. On sait quel étoit le goût de ce prince pour cette dernière science. Tout ce que la Cour avoit de beaux esprits et de savans, étoit admis dans ce corps, qui paroît avoir réuni les objets des trois grandes Académies de Paris. Chacun des associés prit ou reçut un nom particulier, analogue à ses inclinations et tiré de l'antiquité, usage dont on retrouve des traces dans quelques Académies d'Italie. Charlemagne étoit David, Angilbert un de ses gendres étoit Homère, un autre étoit Damétas, un autre Candidus. Si François I ne fit point d'institution pareille, ne peut-on pas regarder comme une espèce d'Académie royale ce corps de savans aimables et polis dont nous l'avons fait voir entouré dès le commencement de son règne, et qui travaillèrent avec lui à étendre l'empire des lettres? En effet, réunissons l'archevêque de Sens Etienne Poncher, l'évêque de Senlis Guillaume Petit, l'évêque de Mâcon du Châtel, l'évêque de Montpellier Pelissier, l'évêque de Grasse Taille-Carne, l'évêque de Nebbio Justiniani, quatre ou cinq du Bellay, tous hommes d'Etat et hommes de lettres, le premier médecin Guillaume Cop, Lascaris, Budée; joignons-y Erasme, que tous leurs vœux appeloient en France, et qui sembloit le président né de la littérature de l'Europe, nous aurons autour de François I une Académie très-bien composée pour le temps.

Au reste la fondation du Collége royal suffiroit à la gloire de ce prince. S'il n'a pu exécuter les vastes

projets qu'il avoit formés pour la grandeur et la perfection de cet établissement, s'il a laissé quelque chose à faire à ses successeurs, on peut dire qu'il leur a indiqué tout ce qu'ils avoient à faire; mais ils n'ont pas tout fait non plus que lui. François I n'ayant construit aucuns bâtimens pour les professeurs royaux, ceux-ci donnoient leurs leçons dans divers colléges de l'Université. Henri II leur assigna les colléges de Tréguier et de Cambrai. Henri IV (1), un an avant sa mort, résolut de leur faire construire des écoles Le 23 dé- particulières avec des appartemens pour les loger; il cemb. 1609. nomma des commissaires pour visiter le terrein que devoient occuper ces bâtimens. Louis XIII, en 1610, exécuta ce dessein, et c'est à lui qu'on doit l'édifice qui subsiste aujourd'hui sous le nom de Collége royal. Les successeurs de François I ont aussi augmenté le nombre des professeurs royaux par des créations successives de chaires nouvelles, dont l'accroissement même des lumières a fait sentir le besoin.

(1) Les besoins de l'Etat ayant fait négliger le paiement des professeurs, ils en portèrent leurs plaintes à Henri IV. Voici sa réponse; on y reconnoîtra bien cet excellent prince. « J'aime mieux qu'on di« minue de ma dépense et qu'on m'ôte de ma table pour en payer mes « lecteurs ; je veux les contenter: M. de Rhosny les paiera » ; et M. de Rosny les paya. Ce n'étoit pas sur de pareils objets que s'exerçoit la sévère économie de ce ministre; il savoit qu'il étoit du devoir des rois de réprimer les courtisans et les financiers, et qu'il étoit de leur grandeur de récompenser les savans, qu'on enrichit d'ailleurs à si peu de frais.

J

CHAPITRE III.

Des professeurs royaux nommés par François I.

ETONS un coup d'œil sur les maîtres dont François I fit choix; je dis dont il fit choix, car il ne faut pas croire qu'il vit ces objets d'aussi loin que les rois les voient ordinairement; c'étoit son ouvrage, il s'en occupoit, la réputation des gens de lettres parvenoit toujours jusqu'à lui; en les distinguant il suivoit la voix publique ou il la dirigeoit ; l'intrigue étoit impuissante, au moins sur cet article; il n'accordoit même rien aux prédilections les plus naturelles ; étrangers, nationaux, tout étoit égal à ses yeux, le mérite seul faisoit la différence; le mérite n'étoit jamais étranger pour lui, il le naturalisoit par ses bienfaits.

Professeurs en langue hébraïque.

Goujet, Mém. histor.

et littér. sur le Collég.roy. Second.part.

PARADIS.

Les deux premiers professeurs qu'il nomma pour l'Hébreu étoient Italiens, car trop peu de François savoient alors cette langue, pour qu'on pût en choisir les maîtres parmi eux. Le premier fut Paul Paradis, dit le Canosse, Vé- P. 81 et suiv. nitien de naissance, originairement Juif de religion; il avoit abjuré sincèrement, dit-on, et n'avoit conservé de son judaïsme qu'une parfaite connoissance de la langue hébraïque : il avoit un grand talent pour enseigner, talent rare, et qui ne suit pas toujours le

GUIDACERIO.

degré des connoissances. Marguerite, reine de Navarre, qui vouloit savoir de tout, et même de l'Hébreu, prit de ses leçons; il paroît que ce fut elle qui le fit connoître au Roi son frère. On a de Paradis un dialogue latin sur la manière de lire l'Hébreu ; les interlocuteurs sont deux de ses disciples, et apparemment des meilleurs; c'est Martial Govéan et Matthieu Budée, fils de Guillaume Budée. Jean Dufresne, autre disciple de Paul Paradis, et qui fut l'éditeur de cet ouvrage, annonce encore dans son avertissement d'autres ouvrages de son maître.

Paul Paradis faisoit des vers latins; il y en a de lui pour la reine de Navarre à la tête de son dialogue. Léger du Chesne en fit sur la mort de ce professeur, arrivée vers 1555; les voici :

Insignis Paradise Paule, splendor
Musarum Charitumque, qui peristi
Tota flente lutetiá, ast Olympo
Applaudente, ubi nunc sedes quietus,
Descende huc iterum; tui precantur :
Nam postquam inviða fata te tulerunt,
Nemo substitui tibi meretur.

Hác ergo ratione nunc necesse est

Ut sis supposititius tibi ipsi (1).

Les Médicis, Laurent, dit le Grand et le Père des Lettres, et le pape Léon X, son fils, avoient donné l'exemple à François I de distinguer par des bienfaits Agathio Guidacerio, second professeur en Hébreu. Né à Rocca Coragio, dans la Calabre; il avoit étudié,

(1) Le sens général de ces vers, est : « Descends du ciel, reviens & parmi nous, tu ne peux être dignement remplacé que par toi

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