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par Uzès, sa patrie, il y fut attaqué de la peste qui ravageoit alors le Languedoc, il en mourut en 1570. Il avoit épousé Marie d'Allier, belle-fille de Jean Morel, le plus fidèle ami d'Erasme, et qui lui ferma les yeux à Bâle. L'amour des lettres, qui avoit formé leur liaison, fut héréditaire, même pour les filles, dans la famille des Morel, Antoinette de Loynes, femme de Jean Morel, et leurs trois filles, Camille, Lucrèce et Diane faisoient des vers grecs et latins. Camille surtout fut un prodige d'érudition; outre les langues anciennes qu'elle savoit très-bien, elle parloit facilement l'Espagnol et l'Italien; elle composa plusieurs poèmes, et fit sur la mort de son père une épigramme grecque, admirée par les Grecs du temps. On ne dit rien de semblable de Marie d'Allier, leur sœur utérine, née d'un premier mariage de la dame Morel; mais du mariage de Marie d'Allier avec Jean Mercier, naquit Josias Mercier de Bordes, seigneur de Grigny près Paris, Calviniste plus déclaré que son père, d'ailleurs savant et célèbre comme lui, et dont la fille épousa Claude Saumaise, plus savant qu'eux tous.

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Les plus célèbres critiques, Casaubon, Scaliger, Baillet, disent que Mercier eut sur Vatable, son. maître, l'avantage d'avoir découvert l'art de la poésie hébraïque, d'avoir retrouvé la mesure et la quantité des vers hébreux, inconnues jusqu'à lui. Mercier luimême rejette cet éloge, car il attribue à Vatable cette découverte, et il dit que l'intention de ce savant étoit de donner au public une méthode de la versification hébraïque. C'est assez de gloire pour Mercier d'avoir

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été le meilleur écolier de Vatable, encore Jean de Salignac, gentilhomme du Périgord, partage-t-il cette gloire avec lui.

Professeurs en langue grecque.

Ici se présente d'abord le grand nom de Pierre DANES. Danès, qui avoit beaucoup contribué, par ses avis,

à l'établissement du Collége royal; il fut le premier Gouj.p.133; professeur de Grec. Il étoit né à Paris en 1497, d'une et suiv. famille ancienne et distinguée par ses emplois et ses alliances. En 1516 il étoit déjà célèbre; en 1522, Ravisius Textor (1) l'annonçoit comme un prodige d'érudition. On osoit dire :

Magnus Budæus, major Danesius.

Et on motivoit ce jugement:

ille

Argivos norát, iste etiam reliquos (2).

Danès avoit une sorte d'universalité de connoissances; il étoit, dit Genebrard son disciple, grand orateur, grand philosophe, bon mathématicien, bien versé en médecine et en théologie. Il savoit très-bien les trois langues qu'on enseignoit au Collége royal;

(1) Tixier, sieur de Ravisy, dit Ravisius Textor, suivant l'usage du siècle, grammairien estimé, mort à Paris le 3 décembre 1522, né à Nevers, auteur de l'Officina Cornu- Çopiæ et du Specimen-Epithe

torum.

(2) « Budée fut grand, Danes plus grand, Budée connoissoit les « Grecs, Danés en connoissoit d'autres encore >>.

il eût pu les enseigner toutes les trois, mais Voulté l'accuse de leur avoir un peu sacrifié sa langue maternelle.

Cur non tam Gallo Gallica lingua placet?

Reproche fait à tant de savans, mais qu'il est étonnant que Danès ait mérité, lui qui avoit encore plus d'esprit que de science. Il donna, en 1533, une édition de Pline sous le nom d'un de ses domestiques, comme M. de Sallo publia les premiers volumes du Journal des Savans sous le nom du sieur de Hédouville, son taquais. On dit que c'étoit par modestie; mais cette modestie ressemble trop à l'orgueil barbare qui rougissoit autrefois du titre d'auteur, titre qui de tout temps, et surtout du nôtre, a illustré des rois. Danès aida beaucoup George de Selve, son disciple, et avant lui évêque de Lavaur, dans la traduction de Plutarque, dont le premier volume parut à Paris, en 1535.

Cette même année 1535, Danès quitta la chaire du College royal, où il avoit été nommé vers 1530, et suivit en Italie le même de Selve, évêque de Lavaur, ambassadeur à Venise. L'objet de Danès étoit de converser avec des savans, de chercher, de conférer, de corriger des manuscrits. Cet objet fut rempli. Trincavel, imprimeur à Venise, lui dédia les questions d'Aphrodisée, et reconnut publiquement combien Danès lui avoit été utile, soit pour l'édition de cet ouvrage, soit pour celle de beaucoup d'autres auteurs grecs.

Danès servoit l'Etat de plus d'une manière; en 1536, l'Empereur ayant fait au Consistoire, contre

François I, cette violente satyre dont nous avons parlé, Danès la réfuta par une lettre apologétique pour François I, qu'il composa en Latin; il fut aussi chargé de diverses négociations auprès du Pape et de plusieurs souverains d'Italie. Ce fut vers ce temps qu'il fit un traité de l'Ambassadeur. En 1537, `revenu en France, il fut arbitre dans la fameuse dispute entre Ramus et Govéa sur Aristote. Dans la suite, on l'envoya deux fois au concile de Trente. Henri II le fit précepteur et confesseur du Dauphin, qui fut depuis le roi François II ; il le fit aussi évêque de Lavaur à la mort de George de Selve; alors Danès ne fut plus qu'évêque. Langues, philosophie belles-lettres, il sacrifia tout à la religion, à la pratique des vertus pastorales. Il fut toujours l'ami des savans, mais beaucoup plus encore le Père des malheureux. La bienfaisance et la générosité parurent toujours distinguer son caractère. Député à Paris par le clergé de sa province, il refusa une somme qui lui avoit été assignée pour les frais de son voyage : J'acheterois, dit-il, l'honneur de vous servir. Pendant les guerres civiles, il fut fait prisonnier par un soldat, Huguenot, qui respecta sa vertu, et non moins généreux que lui le relâcha sans rançon. Les Huguenots ont pourtant accusé Danès d'intolérance; il ne paroît pas qu'il ait mérité ce reproche.

En 1576, Danes voulut se démettre de son évêché en faveur du fameux Génébrard, professeur d'Hébreu au Collége royal; mais celui-ci n'ayant obtenu que l'agrément du Roi (Henri III), et n'ayant pu avoir celui des ministres, se vit préférer Pierre du Faur,

Chap. 3 du 1. 4 de cette

histoire.

1

Mém. sur le

p. 141 et suiv.

TOUSSAIN.

frère de Pibrac. Génébrard de dépit se fit ligueur, et eut l'archevêché d'Aix par la faveur du duc de Mayenne. Là, il ne cessa d'éclater contre Henri IV. Le parlement d'Aix fit brûler quelques-uns de ses écrits et le bannit lui-même du royaume. Mais Danès mort en 1577, n'avoit vu que ses talens et sa science, il n'avoit point vu ses écarts; Génébrard, digne encore d'être son ami, fit son oraison funèbre et son épitaphe.

Le président Duranti (1) acheta la bibliothèque de Danès; et il acheta, dit-on, en même temps, les matériaux tout rédigés du livre de Ritibus Ecclesiæ Catholicæ, qu'il publia depuis sous son propre nom. Mais ce fait est très-contesté.

On dit aussi que Danès est le véritable auteur du dixième livre de l'Histoire de France de Paul Emile.

Le second professeur en Grec, nommé par FranColl. royal, çois I, est Jacques Toussain (Tusanus), de Troyes en Champagne, digne collègue de Danès. Budée, qui avoit appris le Grec sans maître, l'apprit à Toussain, qui fut toujours son ami et le plus cher et le plus tendre. Toussain recueillit ses lettres, et les expliqua par des notes. Budée avoit mis Toussain en relation avec Erasme, mais quelques orages troublèrent cette liaison. Toussain est un des hommes de son siècle auxquels la langue grecque doit le plus ; il n'étoit pas moins habile en Latin; il avoit des connoissances en mathématiques et en philosophie. On

(1) Premier président du parlement de Toulouse.

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