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ceux-ci leurs pairs pour juges, et la brigue, dont la Cour est l'élément naturel, a bien moins de prise sur les corps littéraires. Ceux-ci peuvent tout au plus ne pas nommer le sujet le plus digne; un ministre trompé peut en nommer de tout-à-fait indignes. Ramus, plein de ces idées, exécuta en petit ce qu'il eût voulu que le Gouvernement exécutât en grand. Au moment même où la persécution des savans le chassoit de sa patrie, son amour pour sa patrie et pour les sciences l'engageoit à laisser par son testament cinq cents livres de rente qu'il avoit sur la ville, pour fonder une chaire, où, pendant trois ans, un même professeur devoit enseigner l'arithmétique, la musique, la géométrie, l'optique, la mécanique, l'astrologie et la géographie. Au bout de trois ans, la chaire devoit être remise au concours, et comme le prêtre du temple de Diane, dans le bois d'Aricie, le professeur instalé ne pouvoit conserver sa chaire que par de nouveaux triomphes; s'il étoit vaincu, la chaire passoit au vainqueur. Tous les professeurs royaux et tous les mathématiciens reconnus pour habiles, devoient être les arbitres du combat. Le premier président, le premier avocat-général, le prévôt des matchands et les échevins devoient être priés d'y assister. Les ennemis de Ramus, pour le contrarier, même Collég. roy. après sa mort, et pour écarter du Collége royal cet esprit d'examen et d'épreuve qui ne leur étoit pas favorable, parvinrent, dès l'année 1573, à faire changer la destination des fonds légués par Ramus ; mais comme la haine et l'ignorance ne présidèrent point à cet arrangement, il eut un objet utile; on donna les cinq cents livres à Gohorry pour continuer

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l'histoire de France de Paul Emile. Ce Gohorry écrivit en effet les règnes de Charles VIII et de Louis XII, qui sont en manuscrit à la Bibliothèque du Roi. Il savoit d'ailleurs les mathématiques, et peut-être les enseignoit-il; en ce cas, la prédilection de Ramus pour les sciences exactes, n'étoit point trompée. En 1611, Louis XIII ordonna que le testament de Ramus seroit plus exactement exécuté. Sa chaire a été remplie jusqu'en 1732, et après quelques années d'interruption, elle vient de l'être encore. Ainsi le nom de Ramus se mêlera toujours à celui des rois bienfaiteurs des lettres. Tant que le Collége royal subsistera, tant qu'on verra dans la galerie de Fontainebleau ce monument que Primatice et maître Roux élevèrent au généreux amour de François I pour les arts et les sciences, on se souviendra du simple citoyen qui, ajoutant aux libéralités de ses maîtres, fit plus encore, en leur indiquant le moyen de s'assurer du mérite et de ne jamais prostituer leurs bienfaits. Ainsi le seul savant méconnu par François I, est le seul qui ait été digne de l'imiter et de perfectionner son ouvrage.

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CHAPITRE IV..

Progrès de l'Esprit humain dans tous les genres, sous le règne de François I.

Les ignorans puissans ont beau faire, les sciences

seront toujours importantes dans l'ordre politique.

La lumière qu'elles répandent, est le principe de toute amélioration, et la source la plus pure du bonheur public.

THEOLOGIE.

La première de ces sciences et la plus respectable par son objet, la théologie, semble peu susceptible de progrès. Immuable comme les vérités qu'elle enseigne, sa perfection consiste à ne s'altérer jamais et à rejeter toute innovation. Nous avons assez fait voir dans quel état elle étoit sous François I.

LÉGISLATION, JURISPRUDENCE.

La législation et l'administration de la justice pa roissent être ensuite les objets les plus intéressans pour les hommes, et François I en sentit l'impor tance. La fameuse ordonnance de Villers-Cotterets, donnée au mois d'août 1539, suffiroit pour immortaliser son règne. Cette ordonnance avoit trois objets principaux.

1.0 La réformation et l'abréviation des procès, objet de tant de lois, toujours impuissantes contre la cupidité. Quand la justice sera-t-elle gratuite et prompte? quand la chicane cessera-t-elle d'en usurper le nom? quand le fond emportera-t-il la forme ? quand les lois seront-elles claires, courtes, peu nombreuses, et surtout exécutées ? quand enfin l'art si nécessaire de gouverner les hommes par les lois, sortira-t-il de l'enfance? Tout le monde convient que la jurisprudence françoise auroit besoin d'une réforme générale. Mais les uns voudroient qu'un Ly

curgue ou un Solon en traçât le plan tout entier et l'exécutât tout à la fois, pour que ce corps de législation eût de l'ensemble et de la régularité; les autres croient que cette réforme doit être l'ouvrage du temps; qu'on ne peut l'entreprendre que successivement et par parties, en profitant des conjonctures, en satisfaisant d'abord aux besoins les plus pressans. L'inconvénient du premier de ces deux partis est d'être trop brusque; celui du second est d'être trop lent, et de supposer qu'une longue suite de rois et de ministres s'asservira constamment aux mêmes vues. D'ailleurs cette simplicité de lois qu'on paroît désirer, convenable sans doute dans de petites républiques et chez des peuples simples, peut-elle convenir de même à une grande monarchie très-policée ? Bornons- Esp.des Lois, nous donc à louer les travaux des rois et des législateurs qui, sans réformer la machine entière, en ont construit ou remonté quelques ressorts.

2.o Le second objet de l'ordonnance de 1539 ne concerne que la forme, mais il a l'avantage d'être rempli, et l'ordonnance à cet égard fait époque dans l'administration de la justice. Il s'agissoit de supprimer l'usage du Latin barbare ou du mauvais François mal latinisé, qu'on parloit dans les actes et dans les arrêts. Rodolphe de Hasbourg en Allemagne, Alphonse le Sage en Castille, Edouard III en Angleterre, avoient fait une réforme pareille. François I y trouvoit deux avantages, l'un de donner plus de décence et de clarté au langage des tribunaux, l'autre de renverser un des obstacles qui ralentissoient les progrès de la belle latinité. On prétend que ce Colin, dont nous avons parlé dans le second

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Montesq.

liv. ch. 1.

chapitre, donna lieu à ce changement; ce fut, diton le fruit des plaisanteries qu'il fit devant François I sur un procès qu'il avoit perdu, et sur le prononcé de l'arrêt : Dicta curia debotavit et debotat dictum Colinum de sud demanda.

Le temps a ramené un autre ridicule, celui de parler un vieux jargon jadis François, inintelligible aujourd'hui à tout autre qu'aux gens du métier, comme si la justice ne devoit pas être mise à la portée de tout le monde.

3.0 L'ordonnance de 1539 forme encore une époque sur le troisième objet, et ce troisième objet est de la plus grande importance, il falloit fixer les limites des deux puissances, relativement à l'adminis tration de la justice. Malgré l'appel comme d'abus, les tribunaux ecclésiastiques s'étoient, dit-on, maintenus dans une partie de leurs anciennes usurpations, et entreprenoient encore tous les jours sur les tribunaux laïques. L'ordonnance de 1539 réprime ces entreprises avec tant d'efficacité que, si l'on en croit Loiseau dans son traité des Seigneuries, au lieu qu'avant l'ordonnance on comptoit trente-cinq ou trente-six procureurs dans l'officialité de Sens, et cinq ou six tout au plus au bailliage. Depuis l'ordonnance, on en comptoit plus de trente au bailliage, et cinq ou six à l'officialité.

François I fit aussi des réglemens pour la tenue des registres baptistaires dans les paroisses.

On eut sous ce règne plus d'une occasion de discuter l'article des immunités ecclésiastiques en matière criminelle, et surtout en matière d'Etat.

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