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digne et qui avoit été son maître; c'est par cette place comme par ses études et par ses travaux que Pierre appartient à la France, il étoit né à Novare ou dans

1.

les environs, et de là lui vient le nom de Lombard. Pasquier, reDe bons auteurs le regardent comme le vrai fonda- cherches, teur de l'Université de Paris. Alcuin, sous Charle 3, chap. 29. magne, n'avoit fondé que des écoles particulières; Louis le Débonnaire et Charles le Chauve en avoient aussi institué plusieurs, et il s'en étoit formé dans la plupart des chapitres et des abbayes célèbres (1). Ces écoles nécessairement déchues sous les derniers. rois de la seconde race, se relevèrent sous la troisième, bientôt celle de Paris éclipsa toutes les autres, ayant, dit Mézerai, recueilli dans son sein tous les arts et toutes les sciences pour les distribuer au reste de la Chrétienté. On y enseignoit la grammaire et la théologie. Guillaume de Champeaux et ce fameux Pierre Abailard y enseignèrent la philosophie avec éclat ; ils expliquoient aussi l'Ecriture sainte. Abailard, disciple de Champeaux, éclipsoit son maître. Champeaux (2) s'étant retiré à Saint-Victor, qui n'étoit alors qu'une chapelle, y jeta les fondemens de cette célèbre abbaye, et sous lui et sous ses successeurs Hugues, Richard, Adam (3), l'école de SaintVictor eut une réputation qui ne cédoit qu'à celle de Sainte-Geneviève du Mont que tenoit Abailard; il y en avoit au moins une troisième, qui étoit celle de

(1) C'est de l'école de Saint-Germain de l'Auxerrois, à Paris, que le quai de l'Ecole tire son nom.

(2) Il fut dans la suite évêque de Châlons-sur-Saône.

(3) Adam de Saint-Victor fit lui-même en quatorze vers, son épi

t. 9.

Hist. Littér. Notre-Dame. Bientôt à la théologie, à la grammaire, de la France, à la rhétorique, à la dialectique, on joignit l'étude Mézer. Abr. des lois et de la médecine; toutes les écoles de Paris Chr. Hist. de s'unirent et formèrent ce corps de l'Université, qui, l'Eg. du 12. honoré des plus beaux priviléges par les rois et par

siècle.

les papes, prit avec le temps une forme solide et régulière. Dans ce douzième siècle, Louis le Jeune et Philippe Auguste l'honorèrent d'une protection marquée.

Les lettres, en général, eurent des protecteurs zélés dans ces deux princes, et des amis éclairés dans le cardinal Guillaume de Champagne, beau-frère de Louis le Jeune et oncle de Philippe Auguste, principal ministre sous l'un et l'autre ; dans l'archevêque de Bourges, Pierre de la Châtre et dans le cardinal de la Châtre, son parent; dans Godefroy, évêque d'Amiens; dans les deux fameux évêques de Paris, Maurice et Odon de Sully (1). Robert, comte de Dreux, frère du roi Louis le Jeune, fonda, sous l'invocation

taphe qu'on voit encore dans le cloître de Saint-Victor. C'est là que sont ces deux vers d'une précision si philosophique :

Undè superbit homo, cujus conceptio culpa,

Nasci pœna, labor vita, necesse mori?

« J'oppose cette pièce, dit Pâquier, à tous épitaphes tant anciens << que modernes ». Cela est en effet d'un peu meilleur goût que l'épitaphe de Pierre le Mangeur, quoique du même temps:

Petrus eram, quem Petra tegit, dictusque Comestor,

Nunc Comedor, etc.

(1) Maurice se nommoit de Sully, parce qu'il étoit né à Sully-surLoire; mais Odon étoit de la maison de Sully, issue des comtes de Champagne. Ce sont ces deux prélats qui ont fait bâtir l'église de NotreDame de Paris; c'est l'abbé Suger qui a fait bâtir l'église de SaintDenis.

de saint Thomas de Cantorbéry, un collége, qui est aujourd'hui Saint-Thomas ou Saint-Louis du Louvre. Il y eut aussi à Paris un collége des Anglois et un des Danois. Bientôt le nombre des étudians étrangers égala celui des citoyens, et pour les contenir, il fallut agrandir la ville. De vastes édifices, de grandes églises s'élèvent de tous côtés, et dans la capitale et dans les provinces; la peinture, la sculpture, l'orfévrerie renaissent avec l'architecture. Tel est le sort des arts, dit M. le président Hénault, ils marchent tous ensemble; ils marchent sur les pas des lettres qui toujours leur ouvrent la route, en étendant l'esprit et en formant le goût. Dans les temps dont nous parlons, ces arts étoient tous exercés par des lustres Arecclésiastiques. L'architecte d'un pont bâti sur la chitectes. Saône en 1050 fut l'archevêque de Lyon lui-même. Des religieux prenoient le titre de maîtres maçons. des Sciences Un évêque d'Auxerre avoit destiné trois prébendes en France, de sa cathédrale pour un peintre, pour un vitrier et pour un orfévre.

La puissance de l'abbé Suger et ses ouvrages historiques, le crédit de saint Bernard et ses œuvres sacrées, la rivalité de ce même saint Bernard et d'Abaïlard, l'union et la séparation d'Abailard et d'Héloïse, la constante amitié qui couronna leur amour, la longue pénitence qui expia leurs plaisirs si troublés et si punis, ces écrits savans et tendres où leur ame respire, cet asile de consolation et de prières, bâti par Abailard, habité par Héloïse, où reposent leurs cendres unies comme leurs cœurs l'avoient été, l'estime qu'ils inspirèrent à leur utile consolateur, Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, estime qu'il a

Felibien;

Vies des il

L'abbé le Bœuf, Elat

depuis Rob. jusqu'à Philip. le Bel.

consacrée par ses écrits, enfin ce respect mêlé de tendresse que le malheur, la foiblesse et la vertu ont attaché à leurs noms intéressans, tout nous montre à la fois les avantages et les inconvéniens des lettres et de la philosophie dans le douzième siècle. Ce double point de vue s'offre encore sensiblement dans l'affaire de Gilbert de la Porée, évêque de Poitiers, qui avoit professé pendant trente ans avec honneur la philosophie et la théologie. La dialectique mal appliquée à la théologie et aux mystères de notre religion, avoit déjà produit beaucoup d'erreurs; elle avoit donné lieu à des propositions hardies d'Abailard condamnées au concile de Soissons et au concile de Sens à la solli1140. citation de saint Bernard; le même abus de la mauvaise philosophie du temps entraîna Gilbert de la Porée dans de semblables écarts; saint Bernard, toujours ennemi des erreurs et quelquefois des errans, fit condamner au concile de Reims. Une prompte 1148. soumission, pareille à celle que nos pères ont admirée dans le digne rival de Bossuet, a non-seulement garanti l'évêque de Poitiers de la tache de l'hérésie, mais l'a couvert d'une gloire que ses écrits ne lui auroient jamais procurée.

1121.

le

Pierre, dit le Chantre, parce qu'il l'étoit de l'église de Paris, se distingua aussi parmi les philosophes théologiens de ce siècle. Alain de l'Isle fut nommé le docteur universel; il passoit pour également habile dans la théologie, la philosophie et la poésie. C'est de lui qu'on disoit : Sufficiat vobis vidisse Alanum, qu'il vous suffise d'avoir vu Alain (1). Parmi les ou

(1) M. l'abbé le Bœuf a distingué deux Alain, l'un évêque d'Auxerre, l'autre religieux de Câteaux.

vrages qui l'ont rendu célèbre, il nous reste six livres. sur les ailes des Chérubins. Nous avons des épîtres et divers morceaux historiques d'Arnoul (1), évêque de Lizieux, de Jean de Salisbury (2), évêque de Chartres, de Robert ou Albert (3), moine de Saint-Remi de Reims, de Pierre de Blois ou de Blez, archidiacre de Bath en Angleterre, né François. Mais les historiens connus du douzième siècle sont Pierre Comestor ou le Mangeur, doyen de l'église de Troyes, qui compila l'histoire ecclésiastique, et qui en fut nommé le Hist. Littér. mattre; Elinand, natif de Beauvais, moine de Froidmont, qui fit une histoire universelle en quarantehuit livres, dont la plus grande partie est perdue, et qui fut d'ailleurs un des premiers poètes (4) françois; le moine Rigord, chapelain et médecin de Philippe Auguste, et qui a écrit l'histoire de ce prince.

La poésie latine fut aussi cultivée au douzième siècle, et même la poésie épique. Un Gautier de Châtillon (5) fit l'Alexandreïde en l'honneur d'Alexan

(1) Le plus considérable de ses ouvrages est l'Histoire du schisme d'Anaclet.

(2) Il fut blessé en défendant saint Thomas de Cantorbéry contre ses assassins.

(3) Il fit une Histoire de la conquête de Jérusalem, sous Godefroi de Bouillon.

(4) On a de lui des vers françois sur la Mort.

(5) C'est de lui qu'est ce vers si connu :

Decidit in Scyllam, cupiens vitare Charybdim.

Que Gomberville a rendu par celui-ci :

S'il évite Charybde, il se jette dans Scille.

de la France,

t. 9.

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