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mille livres, qu'elle avoit apportée en mariage. Il est clair que son fils lui donna trop ou lui laissa trop prendre. Il ne commença véritablement à régner, c'est-à-dire à rendre ses sujets heureux, qu'après la mort de sa mère; louons sa piété, plaignons sa foiblesse, et plaçons la duchesse d'Angoulême à une distance égale des vertus de la reine Blanche et des vices de Catherine de Médicis. Elle eut de la première le talent de gouverner, la grandeur, la prudence; elle eut de la seconde l'ambition, les vengeances, les fureurs ; elle en eut aussi la superstition, le goût pour l'astrologie, mais ces derniers traits de conformité sont autant du siècle que du caractère.

La duchesse d'Angoulême avoit en effet toutes les foiblesses de son siècle et de son sexe; elle frémissoit chaque fois qu'elle entendoit parler de la mort, elle s'emportoit contre les prédicateurs dont le devoir est de la rappeler; apparemment, disoit-elle, ils ne savent que dire, puisqu'ils répètent ce que personne n'ignore. Mais cette vérité si connue est toujours nouvelle par son importance.

Pendant sa dernière maladie et peu de temps avant sa mort, elle fut frappée, au milieu de la nuit, d'une clarté extraordinaire qui remplissoit sa chambre; elle crut que c'étoient ses femmes qui faisoient un trop grand feu, elle les gronda; on lui dit que c'étoit la clarté de la lune qu'elle voyoit; on tira les rideaux de son lit, elle reconnut une comète (1). Elle fit fermer les fenêtres. « Ah! dit-elle, avec un cri d'effroi,

(1) C'est la fameuse comète de 1531, 1607, 1682, 1759.

«< ce signe menaçant n'est pas pour le peuple; c'est à << moi d'entendre mon arrêt; il faut donc franchir «< ce terrible passage, il le faut; allons, il faut s'y préparer ».

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Le lendemain matin, elle envoya chercher son confesseur; ses médecins l'assuroient pourtant qu'ils la trouvoient bien, mais elle en croyoit plus la comète. « J'ai vu, leur disoit-elle, le signe de ma mort; <«< sans cela je penserois comme vous, car je ne me sens point mal ». Elle mourut; la comète put contribuer à sa mort par la frayeur qu'elle lui inspira, c'est l'effet ordinaire des préjugés superstitieux; lạ philosophie qui les dissipe, rend donc quelque service à l'humanité.

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La gloire de la duchesse d'Angoulême, ou plutôt son bonheur, est d'avoir été la mère de François I et de la Reine de Navarre; mais n'ajoutons point avec Nicolas Bourbon :

Regis Mater eram et populi.

Louise de Savoie étoit née au Pont d'Ain le 11 sep- Journal de tembre 1476. Elle avoit été mariée le 16 février Louise de 1488. Elle mourut le 22 septembre 1531, à Grès en Gatinois.

François I eut deux femmes vertueuses qu'il respecta et qu'il n'aima point. Nous avons presque tout dit de la reine Claude en n'en disant presque rien; son obscurité fait sa gloire. Ce fut une sainte, qui, négligée par son mari, maltraitée par sa belle-mère, ne se plaignit point, n'exigea rien, ne regretta rien, servit Dieu, secourut les malheureux et ne fit jamais

Savoie.

Bordigné,

partie, folio

de mal. On la nomma pendant sa vie la Bonne-Reine, et personne n'en parle aujourd'hui. Voilà les femmes qui ne sont point célèbres. Qu'une femme sans pudeur ait fait pendre un vieillard innocent, qu'elle ait forcé un héros désespéré à déchirer sa patrie, à faire son Roi prisonnier, qu'on ait tremblé sous elle, on ne l'oubliera jamais.

Quand j'ai dit que la reine Claude étoit négligée par François I, j'ai voulu dire seulement qu'elle n'avoit ni crédit ni faveur; le crédit étoit entre les mains de la duchesse d'Angoulême, la faveur étoit pour la comtesse de Châteaubriand. D'ailleurs le Roi eut de la reine Claude, en dix ans de mariage, trois fils et quatre filles. Dès le 28 juin 1515, elle lui avoit fait une donation entre-vifs du duché de Bretagne, des comtés de Nantes, de Blois, de Montfort et autres

terres.

Claude naquit à Romorentin le 13 octobre. 1499, Chronique fut mariée le 18 mai 1514, et mourut le 25 juillet 1524 d'Anjou, 3.o à Blois. Bordigné, du Bouchet et quelques autres parlent de ses miracles; nous nous bornons à parler Du Bouchet, de ses vertus. Annal. d'Aquit. 4. part. p. 382.

202, verso.

Eléonore d'Autriche vint en France sous les mêmes auspices que Marie d'Angleterre y étoit venue, c'està-dire, qu'elle porta en dot la paix à François I, comme Marie l'avoit portée à Louis XII. Eléonore fit plus encore, elle rendit à François I ses enfans restés en otage à Madrid, et par-là elle devint leur mère; elle en eut toujours les sentimens, qu'elle fit éclater dès le temps où elle vint joindre les princes à Fontarabie, pour passer avec eux en France. Sur

quelques débats qui étoient survenus entre les commissaires françois et espagnols chargés de l'exécution du traité de Cambrai, le connétable de Castille avoit éloigné de la frontière les enfans de France, et les avoit fait reculer à quatre lieues de Fontarabie; Eléo- Du Bouchet, nore les fit ramener sur la frontière, calma les esprits, et fit exécuter le traité. Théodore de Bèze compara Eléonore à Hélène, en donnant l'avantage à Eléonore.

Utraque formosa est, sed re tamen altera major,
Illa serit lites, Helionora fugat.

Eléonore étoit veuve d'Emanuel le Grand, roi de Portugal, et elle en avoit une fille. Des auteurs ont dit qu'Eléonore avoit été sensible en Espagne au mérite et au malheur de François I; qu'elle avoit blâme hautement les rigueurs de son frère pour cet illustre prisonnier, qu'elle avoit toujours désiré d'être le lien de la paix entre le vainqueur et le vaincu; qu'elle avoit montré pour le connétable de Bourbon, à qui l'Empereur l'avoit d'abord destinée, cette aversion naturelle que la révolte devoit inspirer à une princesse espagnole, et la trahison à une princesse généreuse. Si elle épousa François I par inclination autant que par convenance, François ne l'épousa que par politique et que pour revoir ses enfans; il n'eut pour elle que les égards dont un roi galant, aimable et juste ne pouvoit se dispenser envers une reine si vertueuse; mais il vit trop en elle la sœur de son ennemi; elle eut beaucoup à souffrir des divisions perpétuelles des deux personnes qui lui étoient les plus chères. Le temps de la mort du Dauphin dut être affreux pour

Annales d'A

quitaine.

Herrera,

nast. de l'Escurial.

elle; l'entrevue d'Aigues-Mortes et le passage de Charles-Quint par la France la consolèrent; c'étoit l'objet de ses vœux, c'étoit le fruit de ses soins; elle en jouit trop peu, la guerre se ralluma promptement; François I fut trahi pendant le cours de cette guerre; les secrets de son conseil étoient révélés à CharlesQuint, mais ce ne fut point par Eléonore, à qui sa tendresse pour son frère eût pu servir d'excuse de ce qu'elle auroit fait contre son mari, ce fut par sa maîtresse elle-même.

Le règne d'Eléonore fut obscur; sa, bonté fut moins marquée, moins intéressante que celle de la reine Claude; elle eut dans la duchesse d'Etampes une rivale qui fut pour elle ce que la comtesse de Châteaubriand avoit été pour la reine Claude. On a remarqué que la première oraison funèbre de François I, prononcée par l'évêque de Mâçon du Châtel, contenoit beaucoup de détails sur les derniers momens du Roi, sur ses dernières paroles à ses fils et à ses courtisans, mais qu'il n'y étoit pas dit un seul mot de la reine Eléonore.

Cette princesse, après la mort du Roi, se retira d'abord dans les Pays-Bas, et ensuite en Espagne auprès de son frère.

Elle étoit née à Louvain, le 24 novembre 1498. Hist. du Mo- Elle avoit épousé en 1519 le roi de Portugal, dont elle resta veuve en 1521. Elle épousa François I le 4 juillet 1530, et mourut à Talavera en Espagne, le 18 février 1558.

Si François I fut un mari indifférent, il fut le plus tendre des pères. On peut juger qu'un prince occupé

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