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«< lui-même ». Alors il leur conta l'aventure de la forêt. C'est sa sœur qui rapporte cette histoire, et l'on y reconnoît le caractère de François I. Mais les époques ne se rapportent pas. Selon la reine de Navarre, ce fut la Trémoille, gouverneur de Bourgogne, qui donna cet avis au Roi et à la duchesse d'Angoulême. On parle aussi de cette aventure devant l'amiral de Bonnivet. Mais la Trémoille et Bonnivet étoient morts en 1525. La duchesse étoit morte en 1531, et pendant toute la guerre de 1535, on voit le comte de Furstemberg au service du Roi; il auroit donc fallu que le Roi eût eu dans la suite l'imprudente générosité d'oublier ce projet, ou la force d'esprit de n'y pas

croire.

Ces difficultés s'évanouiroient, si l'on s'en tenoit uniquement au récit de la reine de Navarre, car elle ne nomme point Furstemberg, mais seulement le comte Guillaume, qu'elle dit être de la maison de Saxe. Mais on ne voit point de comte Guillaume de Saxe dans ces temps-là, on n'en voit pas du moins au service de la France, et le comte Guillaume de Furstemberg est célèbre dans toutes ces guerres. Aussi est-ce à lui que Brantôme attribue le fait raconté par la reine de Navarre, et cette princesse est assez dans l'usage de déguiser les noms.

Le trait qu'on va voir est moins important, il ne peint que la gaîté familière de François I dans

sa Cour.

Henri Etien.

pour Héro

Un voleur fouilloit dans la poche du cardinal de ne, Apolog. Lorraine à la messe du Roi, et il vit que le Roi l'a- dote, ch. 15, percevoit; il falloit de l'audace et de la présence n. 10.

Contes de d'esprit pour se tirer d'un tel pas; il se mit le doigt Bonaventure sur la bouche en regardant le Roi, qui se tint pour

des Perriers.

Conte 20.

averti de ne rien dire, et qui voulut bien se prêter à cette plaisanterie. Après la messe, le Roi tint quelques propos qui engagèrent la cardinal à fouiller dans sa poche, où il ne trouva plus rien. Quand le Roi se fut assez amusé de la surprise du cardinal, il voulut qu'on lui rendît ce qu'on lui avoit pris; le voleur avoit disparu, et le Roi vit que cet adroit et hardi fripon avoit osé le prendre pour dupe. Cette idée l'amusa bien davantage. Foi de gentilhomme, s'écria-t-il, ce larron m'a fait son complice.

Un vol ingénieux peut amuser, un mensonge sans esprit révolte doublement. C'est un fait connu de tout le monde, que le Dante ne sachant comment se venger de Charles de Valois, qui l'avoit chassé de Florence, imagina de dire, dans son Purgatoire, que Hugues-Capet, dont Charles de Valois tiroit son origine, étoit fils d'un boucher. Une calomnie a beau être absurde, il faut s'attendre qu'elle sera répétée ; celle-ci le fut par plusieurs auteurs italiens et allemands, entr'autres par Agrippa, dans son traité de la vanité des sciences; elle le fut même par quelques auteurs françois. Notre fameux Villon, qui ne respectoit ni les rois ni la vérité, a dit :

Si feusse des hoirs de Capet,

Qui fut extrait de boucherie.

Un savant Florentin, nommé Aloisio Alamanni, chassé de Florence comme le Dante, mais réfugié en France, où François I le combla de bienfaits,

lisoit un jour à ce prince l'endroit du Dante où Hugues Capet dit lui-même :

Figlivol fui d'un Beccaio di Parigi.

François I fut indigné de ce sot mensonge, et dit à Alamanni Que je ne revoie jamais ce ridicule auteur; il voulut en défendre publiquement la lecture dans son royaume, c'eût été peut-être le seul moyen d'accréditer l'imposture. Si François I eût eu cette imprudence, tous les ignorans croiroient aujourd'hui le conte du Dante. Heureusement la colère de François I s'appaisa, le livre resta, mais la calomnie est tombée d'elle-même.

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PARMI

CHAPITRE II.

Mœurs, Usages, Opinions, etc.

ARMI les traits que nous allons rassembler, les uns peignent François I, les autres peignent son siècle.

L'accident du tison jeté sur la tête du Roi, et dont il fut si dangereusement blessé, en 1520, donna lieu à un changement d'usage. On avoit depuis long-temps porté les cheveux longs et la barbe courte. Le Roi ayant été obligé, par sa blessure, de se faire couper les cheveux, prit l'usage des Italiens et des Suisses, qui portoient les cheveux courts et la barbe longue. La Cour l'imita, mais le peuple, les corps, et surtout

les corps de magistrature, conservent le plus qu'ils peuvent les usages antiques. La longue barbe distingua les courtisans; tous les hommes graves se faisoient raser. Le fameux Olivier de Leuville, qui fut depuis chancelier, ne put être reçu au Parlement en qualité de maître des requêtes, qu'à la charge de faire couper sa longue barbe, s'il vouloit assister aux audiences. L'Université, par un réglement de 1534, défend aux maîtres de laisser croître leur barbe.

Cette importance qu'on veut mettre à des usages indifférens, dont la mode doit seule décider, est un reste de superstition que chaque siècle conserve plus ou moins, à proportion de ses lumières. La philosophie naissante avec tous les arts, sous François I, n'étoit pas encore assez répandue pour dissiper même de plus grandes erreurs. L'astrologie, les présages, les prédictions après l'événement étoient une chose alors très-commune. Le lendemain de la bataille de Pavie, tous les astrologues avoient prédit au Roi un grand désastre, s'il venoit à passer les monts. Un entre autres l'avoit assuré que ses chevaux boiroient un jour dans la rivière de Madrid; oracle ambigu qu'il ne manqua pas d'interpréter à son avantage. Antoine de On prit pour mauvais présage le deuil qu'il portoit Véra, Hist. de la reine Claude, lorsqu'il passa en Italie en 1524. Quint. La superstition ne néglige rien. Agrippa, dont nous

de Charles

avons parlé, rapporte, dans une de ses lettres, que les deux fils de François I, étant en otage en Espagne, François fit venir à sa Cour un magicien allemand, qui se chargeoit de ramener ces deux princes d'Espagne en France, à travers les airs, comme Habacuc

fut transporté par un ange au-dessus de la fosse aux lions..... Regios pueros reducere per aera, quemadmodum legitur Habacuc cum suo pulmento traductus ad lacum Leonum.

DUEL.

L'esprit de la chevalerie est favorable au duel, et François I, qui envoyoit des cartels à Charles-Quint, ne pouvoit guère les défendre à ses sujets. En 1537, il honora de sa présence, à Moulins, un duel solennel, dont voici l'occasion. Trois gentilshommes Mém. de Du du Berry, Sarzai, Gaucourt et Veniers, qui étoient Bellay, l. 8. restés fort tranquilles dans leurs terres, pendant que le Roi combattoit et succomboit à Pavie, voulurent perdre d'honneur la Tour-Landri, un de leurs voisins. Ils publièrent qu'il avoit pris honteusement la fuite dans cette bataille. Il paroît que tous les trois contribuèrent à répandre ces bruits; la Tour-Landry en accusa particulièrement Sarzai, et le cita devant les juges. Sarzai convint d'avoir tenu ces propos; mais c'étoit, disoit-il, d'après Gaucourt. « Vous ne vous << souvenez donc pas, lui dit Gaucourt, que c'est « vous-même qui m'avez appris ce fait, et qui m'avez << dit le tenir de Veniers »? Sarzai ne contesta plus, soit qu'il se rappelât ce que disoit Gaucourt, soit que, peu sûr de sa mémoire, il s'en rapportât plus à celle de Gaucourt qu'à la sienne. Veniers parut à son tour; il soutint à Sarzai que jamais il ne lui avoit rien dit de semblable; Gaucourt alors se trouva hors de procès, et la honte de la calomnie resta incertaine entre Veniers et Sarzai. Le Roi ordonna le

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