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Id. Ibid.

combat entre eux, et voulut y assister. Les deux gentilshommes entrèrent dans le camp conduits par leurs parrains, accompagnés de leurs seconds, observés par les juges du camp avec toutes les céré¬ monies accoutumées. Ils étoient armés d'un corselet à longues tassettes, avec des manches de maille et des gantelets, le morion en tête, une épée bien tranchante à la main, et une dague au côté. Après s'être quelque temps servis de leurs épées, ils s'élancèrent l'un sur l'autre, se saisirent au corps, et tirèrent leurs dagues. Alors le Roi jeta le báton, et les juges du camp séparèrent les combattans. Ces juges étoient le comte de Saint-Pol, prince du sang, le comte de Nevers, le connétable de Montmorenci et l'amiral d'Annebaut. Le Roi dit tout haut : « J'éteins cette «< querelle je pardonne au calomniateur; mais quel qu'il soit, il est bien coupable. J'ai vu la Tour«< Landry à la bataille de Pavie; il s'y est comporté << comme partout, en gentilhomme et en homme de

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«< cœur ».

Cette conduite du Roi nous paroît digne de remarque, elle est juste et paternelle. Si, en permettant le duel, il suivoit trop les usages de son siècle, il les régloit et les corrigeoit. On ignore le coupable; quel qu'il soit, le Roi, pour le punir, le met en danger. Mais il y mettoit aussi l'innocent; c'est pour cela qu'il fait cesser ce danger, dès qu'il le voit devenir pressant. Il venge noblement et avec éclat l'honneur d'un gentilhomme calomnié; il apprend aux rois de quel prix doit être à leurs yeux l'honneur de leurs sujets.

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L'habile Charles-Quint ne l'ignoroit pas. Dans un

carrousel qu'il donnoit, les seigneurs qui devoient remplir les quadrilles voulurent exclure un gentilhomme dont la race n'étoit pas irréprochable; ils convinrent entre eux que personne ne le prendroit. L'Empereur fut averti de leur complot et de la con- Antoine de fusion de ce gentilhomme, qui étoit alors dans son de Charlesantichambre avec les autres; il parut à la porte de Quint. sa chambre, et dit tout haut: Que personne ne prenne un tel; je l'ai choisi pour étre de ma quadrille.

TOURNOIS.

La folie des tournois et des combats à la barrière étoit plus animée que jamais. François I, au commencement de son règne, donna des fêtes dont la magnificence, étonnante pour le temps, n'auroit pu le satisfaire, si elle n'eût retracé quelque image de guerre. Son entrée à Milan, après la défaite des Suisses en 1515, fut célébrée par une de ces fêtes. Les joûtes se firent dans la place devant le château de Milan, en présence des dames. Le Roi lui-même y voulut joûter; car, dit le maréchal de Fleuranges, il n'y faillit oncques; Brion y blessa le comte de Saint-Pol d'un coup de lance à l'œil, présage de ce qui devoit arriver à Henri II. On sait ce que disoit de ces exercices un envoyé du Grand-Seigneur Si c'est tout de bon, ce n'est pas assez; si ce n'est qu'un jeu, c'est trop.

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Le même maréchal de Fleuranges décrit vivement les fêtes qui furent données à Amboise, lorsque Laurent de Médicis, neveu de Léon X, vint tenir le Dauphin sur les fonts au nom du Pape, et en même temps

Véra, Hist.

Mém. de Fleuranges.

épouser Madeleine de Boulogne, dont il eut Catherine de Médicis. Fleuranges nous apprend en passant, que Laurent avoit bien fort la grosse V..... et de fréche mémoire. Madeleine de Boulogne, étoit jeune et belle, et quand elle espousa ledict Laurent, elle ne l'espousa pas seul, car elle espousa la grosse V..... quant et quant. Le banquet, le bal durèrent jusqu'à deux heures après minuit, heure alors plus qu'indue,

puis on mena coucher la mariée, qui estoit trop plus Mém. du belle que le marié. Suivent huit jours de combats, là Maréchal de où estoit le nouveau marié, qui faisoit le mieux qu'il Fleuranges. pouvoit devant sa mie. On assiégea ensuite une grande ville de bois. Le connétable de Bourbon faisoit le siége, le duc d'Alençon défendoit la place, le Roi venoit au secours, et s'introduisoit dans la ville avec Fleuranges. Il y trouvoit une nombreuse artillerie; c'étoient de gros canons de bois, cerclés de fer, qui tiroient avecque de la poudre, et les boulets, qui estoient grosses balles pleines de vent, et aussi grosses que le cul d'ung tonneau, qui frappoient au travers de ceulx qui tenoient le siége, et les ruoient par terre sans leur faire aucun mal, et estoit chose fort plaisante à veoir des bonds qu'elles faisoient. Le Roi, le duc d'Alençon et Fleuranges faisoient ensuite une sortie, ils étoient bien reçus par Bourbon et Vendôme; il se livroit là un grand combat, le plus beau qu'on ait oncques vu, et le plus approchant du naturel de la guerre; mais le passe-temps ne plut pas à tous, car il y en eust beaucoup de tués et affolés. A ces combats qui tuent et qui affolent, joignons le tison de Romorentin, le coffre de la Roche-Guyon, la lance de Montgommery, et nous verrons que tous ces jeux

approchoient trop en effet du naturel de la guerre. Les tournois du camp du drap d'or furent remarquables, en ce que personne n'y fut blessé considé rablement. Les femmes mêmes se piquoient de briller dans ces dangereux exercices; « Catherine de Médicis M. le P. IIé<< en eût disputé le prix aux seigneurs de la Cour les nault, Fran<< plus adroits et les plus exercés ». La duchesse d'Angoulême y paroissoit aussi quelquefois.

çois II.

L'affluence des femmes et la galanterie magnifique de François I, donnoient un air de fête perpétuelle à la Cour dans son état le plus simple; Louis XI avoit rebuté les Castillans par sa basse simplicité, François I éblouit Charles-Quint par le luxe de sa maison. On peut ajouter à ce que nous en avons dit, tous les détails qu'on trouve dans Brantôme sur la richesse des Capit. Franç. habits et des ameublemens, sur le goût et le choix art. Franc. I. des tapisseries, sur tous les objets de luxe alors connus. Mais rien ne frappa tant le sobre Charles-Quint, que la somptuosité de la table du Roi, et plus encore de celle du connétable de Montmorenci. L'Empereur admira ce luxe, il le vanta beaucoup, mais il ne l'imita point; bientôt les François le portèrent jusque dans les camps, et ce fut une des causes de leurs mauvais succès dans la guerre de 1542. Charles jugea qu'il falloit à l'armée des évolutions et non des banquets; du fer et des soldats, non de l'or et des valets.

DES JUREMENS.

Les gentilshommes avoient alors un jurement ou une formule de serment particulière qui les distinguoit, comme le cri de leurs armes et comme leur

Brantôme, art. Franç. I.

devise; et les rois, qui, dans ces siècles guerriers se piquoient surtout d'être les premiers gentilshommes de leur royaume, avoient aussi cette mauyaise habitude; c'étoit un air cavalier, dont le très - cavalier Brantôme paroît faire assez de cas. Louis XI, en qualité de dévot, juroit la Páques-Dieu; Charles VIII, par le jour-Dieu; Louis XII disoit à tout moment : Que le diable m'emporte! Et c'est peut-être le souvenir de ce Roi si aimé qui a tant répandu ce jurement dans toute la France. François I, ce Roi chevalier, juroit toujours: Foi de gentilhomme, serment qui a, dit-on, depuis inspiré plus de confiance que celui de Roi, qui devroit pourtant être le plus sacré. On a marqué la succession de ces quatre princes par leurs juremens dans un mauvais quatrain du temps.

Quand la Páques-Dieu décéda.

Louis XI.

Par le jour-Dieu lui succéda.
Charles VIII.

Le diable m'emporte s'en tint prés.

Louis XII.

Foi de gentilhommie vint après.
François I.

Cet usage a subsisté après eux. Le violent Charles IX juroit tant, qu'il n'est distingué par aucun jurement particulier; Henri IV avoit son ventre-saint-gris (1) si connu, qui n'a point été répété, sans doute parce qu'il ne signifioit rien. La timide circonspection de

(1) Saint Gris, c'est, dit-on, saint François; Ventre-Saint-Gris, c'est un Franciscain, plaisanterie de Protestans, qu'on avoit apprise à Henri IV, dans son enfance.

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