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principal ouvrage, écrit dans cette mesure de vers, est un poème sur Alexandre le Grand. Mais Alexandre n'est qu'un prétexte, et le poème est une allégorie continuelle du règne de Philippe Auguste. On y trouve quelques vers sententieux, auxquels il ne manqueroit qu'un vernis moderne pour être retenus et pour passer en proverbe. Tels sont ceux-ci :

N'est pas roi qui se fause, et sa rézon dément.....
Miex vaut amis en voie que en borse denier.....
Pire est riche mauvais que pauvres honorés.

Le treizième siècle voit briller ce Hugues de Bersy, célèbre par ses satyres; ce Thibaut, comte de Champagne et roi de Navarre, à qui sa maîtresse, quelle qu'elle fût, inspira ces chansons si galantes, qu'il gravoit sur les murs et sur les vitres de son château de Provins; ce Gautier de Coincy, moine de Saint-Médard de Soissons, rival de Thibaud pour les chansons et les poésies amoureuses; ce Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, aussi bon poète que mauvais politique; ce Charles d'Anjou, à qui le soin de conquérir des couronnes et d'exercer des vengeances cruelles laissoit encore du temps pour cultiver la poésie; ce Raoul, comte de Soissons, fameux par sa valeur, par ses vers, par sa longue vie, et ses services continués sous quatre rois. Marie de Brabant, seconde femme de Philippe le Hardi, aimoit les vers autant que les avoit aimés Henri duc de Brabant son père; elle aida un poète célèbre, nommé Ly-Roix Adenez, à mettre en ordre le roman de Cléomadez. Le même poète avoit mis en rythme les beaux faits des anciens chevaliers, entre autres, ceux d'Ogier le Danois, de Ber

trand, dit le Preux ou le Vaillant, poète provençal, auteur d'un poème contre les Ariens et de diverses poésies galantes; Guyot de Provins, qui écrivit vers la fin du douzième siècle et le commencement du treizième, et dans les ouvrages duquel il est fait mention de la boussole, long-temps avant les époques où plusieurs auteurs en fixent l'invention, les uns disant que le Vénitien Marc Paul la rapporta de la Chine vers l'an 1260; les autres que le Napolitain Flavio Gioia ou Goya fit cette découverte en 1302, dans Amalfi, qui en a pris une boussole pour ses armes. La fleur de lis, que toutes les nations mettent sur la rose au point du Nord, semble prouver quelque chose en faveur de la France. Marc Paul et Flavio Goya peuvent seulement avoir perfectionné cette in

vention.

Guyot de Provins appelle la boussole Tremontaigne, ou Marinette, ou Pierre Marinière.

Plusieurs de ces poètes ne manquent point de talent, tous manquent de goût. Amour honnête, esprit de débauche, sentimens de piété, tout se confond dans leurs ouvrages, rien n'est à sa place.

Guillaume de Lorris étoit jurisconsulte aussi bien que poète; mais celui qu'on peut regarder comme le premier et le plus ancien des jurisconsultes françois, est Pierre de Fontaines, qui vivoit aussi sous saint Louis. Comptons encore parmi les jurisconsultes françois de ce siècle, saint Yves, curé et official de Tréguier, défenseur généreux du pauvre et de l'orphelin; Gui le Gros, gentilhomme languedocien, qui fut pape sous le nom de Clément IV; Pierre de Tarentaise, natif de Bourgogne, archevêque de Lyon, puis

pape sous le nom d'Innocent V; Simon de Brie, chancelier de France sous saint Louis, et depuis pape sous le nom de Martin IV; Gilles de Rome, de la maison de Colonne, moine augustin, général de son ordre, puis archevêque de Pourges, qui écrivit contre Boniface VIII en faveur de Philippe le Bel, dont il avoit été précepteur. C'est ce docteur très-fondé dont nous avons parlé plus haut.' Henri de Suze, archevêque d'Embrun, puis cardinal et évêque d'Ostie, fut surnommé la source et la splendeur du droit. Sa Somme du Droit canonique et civil s'appelle la Somme dorée.

Les établissemens de saint Louis font époque dans la jurisprudence françoise.

Ce grand prince avoit établi au trésor de la sainte chapelle une bibliothèque publique, qui contenoit seulement quelques exemplaires de la Bible et des Pères; il y venoit souvent seul, et sans être connu ; il se faisoit un plaisir d'expliquer à ceux qu'il y troúvoit, les endroits difficiles des livres qu'on leur fournissoit.

Son attention scrupuleuse à n'élever que le mérite et la vertu, avoit rempli l'Eglise de France de saints prélats, la plupart amis des lettres. Nous en pourrions donner une longue liste; nous nous contenterons de citer Gilles, archevêque de Tyr, garde des sceaux, confesseur de saint Louis, et Guillaume, évêque de Paris, que Nicolas de Bray, auteur d'une vie en vers de Louis VIII, appelle Gemma Sacerdotum, Cleri decus.

Au commencement de ce siècle, Ville-Hardouin écrivit l'histoire de la prise de Constantinople par les

François et les Vénitiens, c'est le premier historien qui ait écrit en françois. Après lui vient ce sire de Joinville dont nous avons aussi en vieux françois une vie de saint Louis, excellente pour le temps, et qui sera toujours nécessaire. Il est inutile de nommer après lui Guillaume de Nangis et ses continuateurs, historiens utiles.

Quatorzième siècle.

Le beau moment des lettres au treizième siècle avoit été le règne de saint Louis; au quatorzième c'est celui de Charles V. Alors écrivoit ce Pétrarque, à qui Rome et Paris offroient à l'envi la couronne poétique, et qui appartient à la France par ses travaux, surtout par ses amours. Laure y tenoit dans Avignon cette Cour d'amour que la dame de Romani sa tante avoit renouvelée. L'intérêt touchant du malheur n'est pas répandu sur les noms de Pétrarque et de Laure, comme sur ceux d'Héloïse et d'Abailard, mais l'amour et le talent leur ont donné encore plus d'éclat.

Charles V, dit Christine de Pisan, avoit été instruit en lettres moult suffisamment. On a retenu de lui cette maxime qui annonce des lumières : Les clercs où a sapience l'on ne peut trop honorer, et tant que · sapience sera honorée en ce royaume, il continuera à prospérité; mais quand déboutée y sera, il décherra. Sous son règne les chants royaux, ballades, rondeaux, commencent d'avoir cours, dit Pasquier, et la chaîne des poètes françois se forme pour ne plus s'interrompre; l'institution des Jeux Floraux attribuée

à Clémence Isaure, excita parmi eux une grande émulation dans tout ce siècle.

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Charles l'éclaira ce siècle, il voulut même éclairer les siècles suivans. Il commença le premier à former cette bibliothèque, ce grand dépôt des connoissances et des erreurs humaines, l'utile ornement de Paris, l'admiration et l'envie de l'étranger. Les savans, encouragés par ses bienfaits, font enfin quelques efforts heureux; les anciens, sont traduits, les modernes peuvent être lus, tous les genres de littérature sont cultivés, l'histoire trouve un Froissard, et l'auteur du Songe du Vergier aperçoit les bornes des deux puissances. Des temples, des palais dignes de ce nom sont élevés et décorés au Louvre, à Vincennes, à Beauté, à Saint-Ouen, à Creil, à Melun, à Montargis. Les jardins s'embellissent leurs productions, leur parure toujours utile ont conservé leurs noms dans les antiquités de la capitale; la rue de la Cerisaye, la rue Beautreillis nous montrent la place qu'occupoient les jardins de l'hôtel de Saint-Paul. Des manufactures s'établissent ou se perfectionnent; des artistes étrangers sont appelés en France; l'horlogerie est plus connue, les mathématiques plus cultivées; le spectacle de machines que donna Charles V à l'empereur Charles IV son oncle, lorsque ce prince vint à Paris en 1378, suppose aussi des progrès dans la mécanique, et la découverte que des commerçans de Dieppe avoient faite de la Guinée sous le même règne, en suppose de grands dans la navigation.

Les foiblesses du temps se mêloient à cet amour des lettres et des arts; elles retardoient l'esprit en l'égarant. L'alchimie et l'astrologie judiciaire, par

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