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que par l'honneur qu'il eut de commencer la fortune du célèbre Amyot. Nous avons de lui, entre autres ouvrages, une traduction en vers françois de la dispute d'Ajax et d'Ulysse dans les Métamorphoses, et une traduction du Courtisan de Balthasar Castiglioné. C'est de Colin que Marot a dit dans son Eglogue à François I :

Aussi l'abbé de Saint-Ambroys Colin
Qui a tant beu au ruisseau Caballin,
Que l'on ne sait s'il est poète né,
Plus qu'orateur à bien dire ordonné,

Est du grand roi, qui les siens favorise,
Et les lettrez avance et autorise,

Non-seulement voulontiers escouté,

Mais tant plus plaist que plus il est gousté.

Les du Bellay-Langei Martin et Guillaume joignoient les talens de la littérature à ceux de la guerre et de la négociation. Jean leur frère, qui fut depuis évêque de Paris, cardinal, et qui mourut doyen du Sacré Collége, surpassoit tous les prélats de son temps en lumières et en éloquence; il fut de tous les ambassadeurs de François I celui qui fit le plus respecter son maître dans les Cours étrangères. René, autre frère des du Bellay, évêque du Mans, étudioit la physique, et soulageoit les malheureux.

Jean de Lascaris, après son ambassade de Venise, étoit retourné aux Médicis ; les faveurs de Fran; çois I le ramenèrent à sa Cour, où il fut un des plus utiles instrumens de la restauration des lettres. François I le mit avec Budée à la tête de la bibliothèque

qu'il forma principalement par leurs soins à Fontainebleau.

De tous ces savans qui entouroient François I et qui instruisoient sa Cour sans la déparer, celui dont la réputation a le mieux soutenu les regards de la postérité, celui qui a le plus balancé la gloire d'Erasme et le plus consolé la France de n'avoir pu fixer dans son sein cet homme libre et désintéressé, c'est Guillaume Budée. La profonde connoissance du Grec, le talent d'écrire en latin, sinon avec l'élégance de Cicéron, du moins avec la science de Varron, son zèle pour l'avancement des lettres l'ont rendu à jamais célèbre; on peut regretter que, content d'appuyer sa réputation sur des écrits savans et solides, il n'ait pas assez cherché à l'étendre par des écrits agréables. Erasme n'a pas manqué de donner à la sienne cet éclat nécessaire; mais la modestie étoit en tout le caractère de Budée : il fuyoit et la faveur des grands et la faveur populaire; il s'ensevelissoit loin. de la Cour dans la retraite et dans l'étude. Les bienfaits, osons dire l'amitié de François I vint l'y chercher; ce grand roi l'appela auprès du trône, et l'y fixa; il lui donna une charge de maître des requêtes, le fit élire prévôt des marchands, et le nomma intendant de la librairie, ce qui vouloit dire alors bibliothécaire du Roi. C'est aux grands à se défier de l'intrigue qui rampe et de l'orgueil qui s'élève; c'est à eux à rechercher, à prévenir le mérite qui s'éloigne et se cache. Quel sage ira dire à un grand : Soyez mon ami, et quel besoin les grands et les rois même n'ont-ils pas de l'amitié d'un sage? François I voulut rendre utiles tous les talens de Budée; il crut que sa franchise vertueuse ne seroit point déplacée dans le séjour de la politique; il l'envoya en ambassade à Rome.

Budée étoit digne non- seulement de converser avec Léon X, mais de traiter avec les Caton et les Fabrice.

Tels étoient les hommes que François I admettoit à sa familiarité, et qui formoient, pour ainsi dire, son conseil de littérature. C'étoit un spectacle bien simple et bien noble que le vainqueur de Marignan déposant ses lauriers aux pieds de la philosophie, adoucissant la gloire des armes par celle des lettres, voulant tout connoître pour tout embellir, concevant ou adoptant des idées du mieux en tout genre, cherchant à tout perfectionner et à se rendre meilleur lui-même, consultant des sages, quelquefois les éclairant, toujours les entretenant de ce ton de douceur et d'égalité qui convient à la sagesse, qui semble oublier l'orgueil du rang pour mieux l'illustrer, et qui redouble le respect en paroissant l'exclure. Quelque aversion que la philosophie et l'humanité inspirent pour la guerre, on pouvoit pardonner à un jeune héros, à un roi de vingt ans d'avoir reconquis l'héritage de ses pères, et d'avoir humilié l'orgueil des Suisses qui s'attaquoit trop hautement aux rois, et qui disposoit trop facilement des couronnes; la philosophie elle-même applaudissoit aux succès d'un prince, qui étendoit le domaine des lettres en étendant le sien; on jugea que l'accroissement des lumières dans l'Europe auroit été plus plein et plus rapide, si le trône impérial eût été déféré à François I. Les électeurs donnèrent leurs voix à son rival; les savans de toutes les nations prodiguant leurs suffrages à François I, lui formoient un autre empire indépendant des ressorts de l'intrigue et des jeux de la fortune.

Les savans de profession doivent tout leur temps à l'étude, les rois ne peuvent y donner que ces momens qu'on appelle improprement perdus, Un roi sage n'en perd point: ces heures que la nature est forcée de dérober aux soins du gouvernement, profitent au gouvernement même, et servent au bonheur du monde ; lorsque le souverain les emploie à cultiver son esprit en le délassant, il rapporte aux affaires un esprit à la fois plus calme et plus étendu; l'histoire, la philosophie lui ont fait voir en grand les objets qu'une politique de routine envisage trop par de petits côtés; il a vu la politique dans ses vrais principes, les révolutions dans leurs causes, le bien et le mal dans leur source; ses regards tomberont désormais de plus haut sur les choses humaines et en embrasseront mieux la chaîne. C'est dans cet art de se délasser utilement et de s'exercer par le repos, que François I a surtout excellé. Le langage de tous les contemporains, tant nationaux qu'étrangers, est uniforme à cet égard; c'est partout le même cri d'admiration (1): tous représentent son palais comme l'école d'un philosophe, comme la demeure d'un sage. A table, à la chasse, en voyage, aux promenades, aux récréations, son cortége de savans l'accompagnoit. Nulle conversation oiseuse; toujours on proposoit quelque question utile, on agitoit quelque point de littérature, on approfondissoit quelque sujet d'histoire, on parloit sur

(1) Nulla illi unquam cœna, nullum prandium, nulla statio aut ambulatio sine colloquiis et disputationibus litterariis peracta est: ut quicumque mensam ejus frequentarent..... doctissimi et diligentissimi philosophi scholam frequentare, arbitrarentur. ( Pierre Galand. Orais. funeb. de François I.)

tout de l'histoire naturelle, science pour laquel'e François I avoit un goût particulier, et dont il étoit assez instruit; nul objet n'étoit exclu, nulle connoissance n'étoit négligée. L'homme d'état et l'artisan, le guerrier et le laboureur, dit un savant étranger, auroient pu profiter également de ces utiles entreThomas Hu- tiens. Ce savant (1) avoit beaucoup voyagé, rien ne bert. Vie de l'avoit tant frappé que la table de François I, et parmi l'élect. palat. les savans qu'il y entendoit discourir avec tant de lumière et de profondeur, celui qu'il assuroit avoir écouté avec le plus de plaisir et de fruit, c'étoit François I lui-même. Voilà ce qu'écrivoit, après avoir quitté Paris, ce sujet d'un prince allemand, qui n'avoit nul intérêt de flatter le Roi: voilà ce que la voix publique a toujours répété.

Frédéric II.

Du Châtel se distinguoit dans ces conversations par une liberté courageuse et par une éloquence utile. Cette liberté déplaisoit à quelques courtisans, et cette éloquence à quelques beaux-esprits; ils firent je ne sais quelle cabale pour le perdre, ils essayèrent d'en dégoûter le Roi, ils affectèrent de contredire du 'Châtel avec amertume et avec acharnement, ils tâchèrent de le confondre sans pouvoir y réussir. Le Roi les laissoit faire, parce que cette contradiction aiguisoit les esprits et produisoit la lumière; mais il fit dire à du Châtel par le Dauphin, qu'il ne se décourageât point, qu'il se gardât bien de changer de ton, qu'il continuât d'instruire son roi et ses ennemis, que le seul moyen de perdre sa faveur seroit de contenir son zèle

(1) Thomas Hubert, Liégeois, secrétaire de l'électeur palatin Frédéric II, dont il a écrit la vie, et à la suite duquel il étoit venu en France en 1535.

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