la queue. Le Marquis de Cadix perdit en cette occafion trois de fes freres, deux de fes neveux & prefque tous les parens & fes domeftiques; Il ne fe fauva de l'Infanterie que ce qu'il plut aux Maures laiffer échaper pour porter l'effroy dans les Villes voifines avec les nouvelles de leur victoire. La Cavalerie eut cfté traitée de mefme fi Boabdil n'euft fait ceffer le carnage pour faire des prifonniers. Le Comte de Cifuentes qui fe trouva du nombre offrit en vain une groffe fomme pour fa rançon; foit que les Maures euffent def. fein d'affoiblir les Rois de Caftille en retenant une partie de leur Nobleffe prifonniere, ou qu'ils vouluffent avoir dequoi faire des échanges dans la fuite de la guer ils s'obftinerent à retenir tous leurs prifonniers, & ne voulurent mettre perTonne à rançon.

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Ce refus obligea le Comte de Cifuentes à nommer un adminiftrateur general des grands biens qu'il poffedoit dans l'Evefché de Sigüença pour en avoir foin tant que dureroit fa prifon : Quoi qu'il ne manquaft ny de parens ny d'amis qui s'en fuffent chargez d'autant plus volontiers que de pareils emplois ne font d'ordinaire fans profit, la haute probité de Ximenez qui lui estoit connuë, & son

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habileté qu'il avoit éprouvée en d'autres occafions, le porterent à lui confier aveuglément le foin de toutes les affaires. Ses parens eurent beau lui écrire qu'il ne devoit pas tant fe fier à un étranger qu'il ne lui donnaft pour adjoint quelqu'un de fa maifon; le Comte perfifta à vouloir qu'il euft feul l'administration de tous les biens.

Ximenez répondit à la confiance du Comte au delà de ce qu'il avoit efperé. Pendant le peu de tems qu'il eut le gouvernement de fes affaires il acquita une partie de fes dettes; & le Comte eftant forti de prifon, outre des fommes confiderables qu'il avoit épargnées il lui remit fes biens & fes affaires en beaucoup meilleur eftat qu'il ne les avoit reçuës. Le Comte qui n'eftoit pas moins genereux que riche, & qui avoit à la Cour un credit proportionné à fa naiffance & aux grands fervices qu'il avoit rendus à l'Etat, avoit deffein de témoigner fa reconnoiffance à Ximenez d'une maniere proportionnée à la grandeur de fes fervices; mais il lui en ofta l'occafion en quittant Alvar. le monde. Il refigna fes Benefices à BerGomez. nardin de Cifneros le plus jeune de fes liv. I. freres, & prit l'habit de Saint François dans les Cordeliers de Tolede.

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Une refolution fi extraordinaire furprit également tout le monde, chacun en juà fa maniere; les uns crurent qu'elle eftoit l'effet de la profonde melancolie à laquelle il eftoit fujet : d'autres que la paffion qu'il avoit pour l'étude dont le tu multe & les embarras du monde le détournoient, l'avoit porté à chercher cette retraite Quelques-uns mefme jugeant de cette démarche par ce qui arriva depuis, s'imaginerent qu'il ne l'avoit faite que par un preffentiment fecret de la grandeur à laquelle il eftoit deftiné; que fa bonne fortune l'avoit conduit dans le Cloître; & qu'il n'y fuft jamais entré s'il n'avoit prévû qu'il y feroit une fortune qu'il n'euft aparamant jamais faite dans le monde. Il y en eut peu qui fe perfuadaffent qu'une pieté folide euft efté le principal motif de ce nouvel engagement. Ce n'eft pas que Ximenez n'euft vefcu jufqu'alors d'une maniere affez reglée pour convaincre tout le monde qu'il n'avoit point cu d'autre vûë; mais comme la Reforme n'eftoit pas encore bien introduite chez les Cordeliers, ils ne vivoient pas d'une maniere affez édifiante pour faire concevoir cette bonne opinion de ceux qui s'engageoient parmi eux dans un âge aufli avancé que celui de Ximenez. Il faut Tome I.

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avoüer pourtant que la maniere exacte & religieufe dont il vefcut dans le Cloître, & la haute pieté dont il y fit toûjours profeffion, ne laiffent aucun lieu de douter que le devotion n'euft la meilleure part à fa retraite.

Mais de tous ceux qui furent furpris de la refolution que Ximenez venoit d'executer, il n'y en eut point qui le fuft davantage que le Cardinal de Mendofa qui avoit fuccedé depuis peu à Alfonfe Ĉarillo dans l'Archevefché de Tolede. Il ne fe peut rien ajouter à la furprise dans laquelle fut ce Prelat lorfqu'il le vint faluer dans ce nouvel habit; il le méconnut d'abord, quoi qu'il eust esté dans fa plus étroite confidence lors qu'il n'eftoit qu'Evefque de Siguença, puis l'ayant reconnu, il parut fort en peine des raifons qui avoient pu le porter à s'engager dans un eftat fi different du premier qu'il avoit embraffé. Ximenez le fatisfit d'une maniere qui lui conferva toute l'eftime que ce Prelat avoit conçue pour lui. Le Cardinal lui fit enfuite des reproches obligeans de ce qu'il avoit privé le Clergé en general & lui-même en particulier d'une perfonne qui lui pouvoit eftre fi utile; il le pria d'employer fes grands talens au fervice de fon Eglife; il lui

donna tout pouvoir dans fon Diocefe, & l'affura qu'il ne laifferoit échaper aucune occafion de lui témoigner fa reconnoiffance des fervices qu'il lui avoit rendus lors qu'il eftoit Grand Vicaire de Siguença. L'Archevefque lui tint plus qu'il ne lui avoit promis, car il fut en effet la caufe ou l'occafion de la grande fortune que Ximenez fit depuis; & quoi qu'il ne penfaft pas peut-eftre alors qu'il feroit un jour fon fucceffeur, il eft certain qu'aprés la Reine Ifabelle il n'y eut perfonne qui contribuaft davantage à le faire Archevefque de Tolede. Car pour le refte de cette grandeur prodigieufe à laquelle il parvint aprés avoir efté élevé à la premiere Dignité Ecclefiaftique de toute l'Espagne, il n'en fut redevable qu'à luime fine.

Ximenez vefcut dans le Noviciat de la maniere du monde la plus exemplaire. Il ne fe pouvoit rien ajoûter à l'amour qu'il faifoit paroiftre pour le filence, pour la pauvreté & pour la retraite ; & fa modeftie & fon humilité eftoient telles qu'il fembloit avoir oublié ce qu'il avoit efté dans le monde, & toutes les grandes qualitez qui l'y avoient diftingué.

L'année de fon Noviciat eftant finie, il fit Profeffion dans le Monaftere de Ta