ftoire eft augmentée de plus d'un quart. Cela n'eftoit pas difficile à faire; on fçait que les premiers Historiens du Cardinal Ximenez, & particulierement Alvare Gomez avoient fait fa vie beaucoup plus ample que les derniers Auteurs qui l'ont écrite ; on avoit donc laiffé beaucoup de chofes dont il a esté aisé de profiter: à la verité elles n'eftoient pas effentielles à l'Hiftoire de ce grand homme, mais elles ne laiffent pas d'eftre d'un fort grand agrément. La Vie de Ximenez en eft beaucoup plus belle & plus exacte, la curiofité du Lecteur en eft plus fatisfaite, elle n'a plus rien à fouhaiter.

On peut juger de-là qu'on n'a rien ajouté d'étranger au fujet ; car fi l'on fut tombé dans ce défaut, on auroit fait à la verité cette Hiftoire plus ample, mais on l'auroit défigurée, & l'on ne

pouroit pas dire que les additions l'ont renduë plus belle & plus exacte, tout tient donc au fujet, tout l'éclaircit, tout l'embellit, & tout ce qu'on a ajouté lui donne un air de nouveauté qui n'eftoit pas à négliger dans une troifiéme Edition.

L'on a fait encore quelque chofe de plus, on a retouché plufieurs recits: il y en a mesme qu'on a entierement refais; on ne fait pas difficulté d'avoüer à

cette occafion que cette Hiftoire eftant le coup d'effai de l'Auteur, il n'eftoit prefque pas poffible qu'il ne lui euft échapé beaucoup de chofes, foit pour la pureté & l'exactitude du style, foit pour les graces de la narration. On a remedié à tous ces défauts, & l'on n'a rien épargné pour le faire avec fuccés. Deux raisons ont porté l'Auteur à ce nouveau travail : le

bon accueil

que le Public a bien voulu faire à cette Hiftoire dés qu'elle a paru, & la beauté du fujet. Ila cru qu'il ne pouvoit trop s'appliquer à mériter l'approbation qu'on lui a donnée, & qu'une auffi belle Vie que celle du Cardinal Ximenez ne pouvoit eftre écrite avec trop de foin.

Car enfin ( s'il m'est permis de repeter icy ce que j'ai déja dit dans le premier Avertiffement) on fçait que la fin de l'Hiftoire eft d'inftruire, mais d'inftruire agréablement. Pour inftruire outre la verité qui eft comme l'ame de l'Hiftoire il faut avoir de grandes choses à dire, il faut qu'elles foient dignes d'eftre tranfmifes à la Pofterité. Pour inftruire agréablement il faut de la diverfité dans les évenemens, de la varieté dans les faits que l'on rapporte.

Ceft ce qui fe rencontre dans le fujet dont il s'agit. Le Cardinal Ximenez dont on écrit l'Hiftoire, eftoit de fon tems ce que le Cardinal de Richelieu a esté prefque de nos jours; leur genie, leurs grandes qualitez, leur fortune, leur politique, leurs maximes, leurs entreprises, leur fuccés, tout fe reffemble. Il eft vrai que Ximenez avoit je ne fçai quoi d'auftere dans les mœurs, de fevere dans la conduite qui dégeneroit quelquefois en rudeffe. On le lui a fouvent reproché. Le Cardinal de Richelieu au contraire avoit beaucoup de politeffe, l'efprit plus fouple & qui fçavoit beaucoup mieux s'accommoder au tems & aux circonftances.

Mais en revanche la feverité du Cardinal Ximenez eftoit accompagnée d'une probité conftante, égale, incorruptible, á iiij

d'un amour tendre pour le peuple, & de cette qualité fi rare, mais pourtant fi neceffaire à tous ceux qui gouvernent, que l'Ecri ture appelle la faim & la foif de la juftice. D'ailleurs cette fermeté inflexible qu'on lui a reproché eftoit éclairée. Il penetroit fi bien la liaifon des caufes & des effets, l'enchaînement des éyenemens, le fort & le foible de ceux à qui il avoit affaire, qu'il forçoit (pour ainfi dire les obftacles qui paroiffoient les plus invincibles à s'accommoder à la politique.

La naiffance & l'éducation de ce grand homme ne contribuerent prefque rien à le former 'tel qu'on vient de le representer, & qu'on le verra dans cette hiftoire. La famille qui le donna à l'Espagne, quoique prétenduë Noble, y eftoit à peine connuë. Il paffa la moitié de sa vie dans