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xemple: Que pendant qu'il donnoit à fes Apoftres une connoiffance claire de tous les mysteres, il n'en parloit au peuple qu'en paraboles, c'eft à dire, d'une maniere envelopée & obfcure, à laquelle il ne pouvoit rien comprendre; Qu'on ne pouvoit tirer à confequence l'exemple des Apoftres; parce qu'outre qu'ils n'avoient jamais traduit ni fait traduire l'Ecriture Sainte, & qu'ils s'eftoient contentez de la laiffer entre les mains du peuple dans l'eftat qu'ils l'avoient trouvée, l'Eglife n'eftoit alors compofée que d'un petit nombre de perfonnes choifies, humbles, fidelles, prévenues d'une profonde veneration pour tous nos myfteres; au lieu qu'il s'agiffoit de la mettre entre les mains de tout un grand peuple accoutumé à les tourner en ridicules, & à blafphemer ce que nous avons de plus faint: Que les Peres Grecs & Latins n'avoient peut-eftre pas efté autant de fon fentiment qu'il le pouvoit croire : qu'ils avoient toujours eu de grandes referves pour les nouveaux Chreftiens, & qu'il fçavoit mieux que perfonne combien il leur eftoit ordinaire de dire, fans s'expliquer davantage, Ce que les Chreftiens jçavent; ce que les Fideles connoiffent.

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Pour ce qui eft de la recitation de

Juillet

1500.

l'Office divin en langue vulgaire ; fans approfondir la queftion, il fe conten:a de dire, que l'ufage de l'Eglife y eftant contraire, il ne croyoit pas qu'une Eglife particuliere eût droit de s'en difpenfer. L'Archevêque de Grenade se rendit aux • raifons de Ximenez ; les traductions furent fupprimées, & les ufages reçûs dans l'Eglife Romaine y furent exactement fuivis.

Les chofes eftoient alors à Grenade dans une profonde tranquilité, & les deux Archevêques jouifoient avec plai fir du fruit de leurs travaux, lors que cette joye fut troublée par la mort de Le 20. l'Infant Michel. Ximenez partit auffide l'an toft pour en porter la nouvelle à leurs Majeftez, & leur donner toute la confolation dont il ne doutoit point que la Reine en particulier n'eût d'autant plus de befoin, que cette perte ne pouvoit fe reparer, cette Princeffe n'eftant plus d'â ge à avoir des enfans. Mais comme Elle eftoit perfuadée que la complexion délicate & mal faine de l'Infant ne lui permettroit pas de vivre long temps, il la trouva toute preparée à cet accident. Le cours des affaires n'en fut prefque point interrompu, & elle fe trouva dans peu de jours en eftat de donner audience, & d'affifter au Conseil.

La premiere affaire importante que l'on y traita depuis l'arrivée de Ximenez, fut celle des Deputez de l'Ifle Espagnolle, comme on l'appelloit alors, ou de faint Domingue, comme on l'appelle aujourd'hui du nom de fa Capitale. Elle avoit cfté découverte il y avoit environ huit ou neuf ans par Chriftofle Colomb, fameux Pilote de Gennes, qui avoit entrepris avec fuccés la découverte de cette partie de la terre, que l'on appelle le Nouveau Monde, fous la protection des Rois Catholiques Ferdinand & Ifabelle, & par le fecours qu'ils lui avoient don

né.

Ces Deputez eftoient deux Religieux de faint Jerôme : Ils avoient cfté envoyez par ceux de cet Ordre, qui avoient accompagné les Espagnols à la conquête de cette Ifle, afin d'y eftablir la foy en mefme temps qu'ils y eftabliroient la domination de leurs Majeftez Catholiques. Ils avoient en vain demandé Audience depuis leur arrivée, le credit de ceux qui eftoient intereffez dans les plaintes qu'ils venoient faire, la leur avoit fait refufer. Ils defefperoient mefme qu'on leur rendit juftice, quand mefme l'on fe refoudroit à la fin de les écouter ; & ils ne fongcoient plus qu'à s'en retourner avec

le déplaifir d'avoir fait inutilement un voyage fi long & fi perilleux, lors que

Ximenez arriva à Seville.

La reputation qu'il avoit d'aimer fouverainement la juftice, & de l'appuyer toujours de tout fon credit, qui que ce fût qui y fût intereffé, les porta à avoir recours à lui, & à lui demander fa protection. Ximenez la leur accorda d'autant plus volontiers, que leur vertu & les peines qu'ils avoient fouffertes pour létablissement de la Foy, ne lui cftoient pas inconnues. Comme on fçavoit le fujet de leur voyage, & qu'ils n'avoient point fait difficulté de publier en arrivant qu'ils eftoient venus exprés pour demander juftice coutre le Gouverneur, contre les Troupes, contre les Officiers de Juftice, & generalement contre tous les Espagnols qui eftoient paffez dans leur Inle; il les exhorta à lui parler avec toute forte de liberté fans épargner perfonne, ni lui cacher aucun des defordres qui avoient befoin de l'autorité de leurs Majeftez pour eftre corrigez.: Il leur promit fur cela toute fatisfaction; mais il les avertit de ne rien avancer qu'ils ne fuffent en eftat de juftifier.

Sur cette affurance, les deux Deputez lui dirent les larmes aux yeux, qu'ils

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avoient quitté leur patrie, & tout ce qu'ils avoient de plus cher, pour aller dans des terres inconnuës parmi des fauvages, dont ils ne fçavoient ni la langue ni les coûtumes le feul defir de procurer › par la gloire de Dieu en leur annonçant l'Evangile : Que bien loin d'eftre aidez dans une fi fainte entreprise par ceux de leur nation, comme ils avoient eu lieu de s'y attendre ils eftoient tous les jours traverfez; qu'ils ne fongeoient qu'à s'y enrichir, & à faire des efclaves pour travailler aux mines: Que les naturels du païs eftoient traitez avec tant d'inhumanité qu'il en mouroit tous les jours un tres grand nombre; que l'on ne faifoit en cela aucune difference entre ceux qui avoient embraffé la Religion Chreftienne, & ceux qui perfiftoient dans leur infidelité: Qu'ils eftoient tous également affujettis, & traitez avec la mefme cruauté: Que l'on avoit ouvert le ventre à plufieurs Indiens pour aller chercher leur or jufques dans leurs entrailles: Que l'on avoit dreffé des chiens pour aller à la chaffe aux hommes; que les Efpagnols

les y conduifoient eux-mefmes; & que les malheureux Indiens en eftoient cruellement déchirez & mangez tous vifs; Qu'il eftoit arrivé fouvent qu'eftant fur

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