y eût fi peu d'égard dans un païs où l'on eftoit accoutumé à lui obéir fans replique.

L'experience que prit Ximenez fut de les faire recevoir avec beaucoup d'honneur, de leur témoigner en apparence beaucoup de confiance, & d'agir en effet auffi indépendamment d'eux, que s'il n'y en eût point eu. Mais les nouveaux Commiffaires eftoient trop habiles pour ne fe pas appercevoir du peu d'état qu'on faifoit d'eux, & ce mépris alloit trop loin pour le diffimuler.Ils en firent hautement leurs plaintes; & voyant qu'on n'y avoit point d'égard,ils partirent auffi-toft pour Rome, aprés avoir fait fignifier qu'ils s'oppofoient à tout ce qu'on entreprendroit au préjudice de leur Commiffion. Soit que Ximenez n'eût pas prévû les fuites de ce départ, ou qu'il crût avoir affez de crédit pour y remedier, il ne s'y oppofa pas; il regarda au contraire leur retraite comme ne pouvant eftre qu'avantageufe à fes deffeins; il en arriva cependant tout autrement.

Ce qui s'eftoit paffé en Caftille choquoit affez l'autorité du Pape pour n'avoir pas befoin qu'on l'animât fur un pareil fujet. Cependant les Cordeliers n'ayant rien oublié pour cela,le Pape priț

Ce Bref

Novem

fi mal la chofe, qu'il refolut pour fe venger, d'empêcher la reformation, & de deffendre d'autorité abfoluë de la continuer.Il fut confirmé dans ce deffein par les Cardinaux que les Cordeliers avoient gagné. Ils acheverent de l'irriter; mais ils lui confeillerent en même-temps, pour éviter le fcandale qu'une pareille deffenfe pourroit caufer, de fe contenter pour le prefent de futpendre le pouvoir des Commilaires, jufqu'à ce que Sa Sainteté en eût ordonné autrement.

Le Pape approuva cet avis, & fit aufeft datté fi-toft expedier un Bref pour en ordondu 9. de ner l'execution; il eftoit addreffé à leurs bre1496. Majeftez Catholiques. Sa Sainteté s'y l'an 6.du plaignoit en peu de paroles du peu d'écat d'A- gard que l'on avoit eu pour les Commiflexandre faires envoyez de fa part. Elle ajoûtoit

Pontifi

VI.

qu'ils lui avoient même fait des plaintes de plufieurs mauvais traitemens qu'ils avoient reçûs; qu'un pareil excés commis contre des perfonnes revétues de fon autorité ne fe pouvoit pas diffimuler qu'elle eftoit refolue d'en prendre une connoiffance exacte, pour rendre enfuite à un chacun toute la juftice qui fe trouveroit luy cftre due, que cependant elle fufpendoit les Commiffaires & leur deffendoit de paffer outre à la reformation

jufqu'à ce qu'elle en eût autrement or

donné.

elle

Dés

que la Reine cut reçû ce Bref, envoya querir Ximenez pour le lui communiquer; elle ajouta enfuite que cette affaire lui donnoit trop de chagrin, qu'elle eftoit refoluë de l'abondonner, &qu'elle croyoit en eftre fuffisamment déchargée envers Dieu, puifque le Pape lui-mefme s'y oppofoit.

Mais les grandes affaires ne font prefque jamais plus proches d'un heureux fuccez que lors qu'elles en femblent plus éloignées. Ximenez s'oppofa avec refpect à la refolution de la Reine, & il fçut menager fur cela fon efprit avec tant d'adreffe, qu'il l'engagea plus que jamais

proteger ce grand deffein; mais ce fut à condition qu'il fe chargeroit lui-mefme de le faire réüffir. Ille promit effe&tivement à la Reine, & de fon cofté cette Princeffe agit avec tant de chaleur auprés du Pape, qu'il ne fe contenta pas de lever l'interdit des Commiffaires > mais qu'il nomma expreffément Xime- * Cette nez, l'Evêque de Jaën, * & celui de Ca- dans tane Ville de Sicile, qui eftoit alors en l'Anda Caftille en qualité d'Internonce, pour fous la terminer cette affaire en dernier reffort.

Ximenez n'eût pas plustost reçû sa

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Commiffion, qu'il s'apperçut que Cordeliers avoient eu le credit d'y faite gliffer une claufe qui la rendoit tout à fait inutile dans l'exécution; elle confiftoit en ce que Sa Sainteté ordonnoit aux trois Commiffaires de faire leur Commiffion par eux-mêmes, & leur oftoit expreffement le pouvoir de nommer quand il en feroit befoin des Subftituts en leur place.

Ximenez écrivit fur cela à Sa Sainteté & il le fit avec tant d'adreffe, & lui fçût fi bien reprefenter les inconveniens de cette claufe que le Pape la revoqua, & donna pouvoir aux Commiffaires de fubdeleguer ceux qu'ils jugeroient à propos, lors qu'ils ne feroient pas en eftat d'agir par cux-mefmes.

Alors Ximenez, que les difficultez & la refistance avoient rendu plus ardent, reprit l'affaire de la Réformation tout de nouveau, & y apporta tant d'application & tant de foins, qu'il en vint enfin heureufement à bout. Il la foûtint depuis avec tant de fermeté, & fçut fi bien prévoir tout ce qui la pourroit détruire, que les chofes font encore aujourd'hui à peu prés fur le mefme pied qu'il les avoit éta, blies. Tous les Hiftoriens d'Efpagne par lent de cette entreprife, & de l'heureux

fuccez

fuccez qui la fuivic, comme d'une des plus grandes actions de Ximenez; & ils demeurent tous d'accord que tout autre que lui n'y eût jamais réüssi.

La Reformation des Ordres Religieux fut bien toft fuivie de celle du Diocese de Tolede. Ximenez l'avoit fort avancée dans les deux Synodes Diocefains qu'il avoit tenus; mais il avoit rencontre un obftacle qui l'avoit empêché d'y mettre la derniere main ; il confiftoit, en ce qu'il y avoit plufieurs Eglifes dont le Clergé, comme dépendant immediatement du Saint Siege, le prétendoit exempt de fa Jurifdiction,& par confequent de fa vifire,& de l'execution de fes Ordonnances: Il y avoit mefme plufieurs particuliers, ly qui fous pretexte qu'ils eftoient Officiers de Sa Sainteté, ce qui eft affez ordinaire en Efpagne, prétendoient avoir les mêmes exemptions.

L'abus eftoit vifible; mais il eftoit de la derniere importance à Ximenez de ne fe point commettre avec la Cour de Rome; & quand mefme il l'eût fait, il n'étoit pas fans apparence qu'ayant accordé ces privileges pour le faire des creatures dans tous les Diocefes particuliers, elle fe feroit un point d'honneur de les maintenir aux depens mefme du retaTome I.

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