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bliffement de la difcipline.

Ces reflexions avoient porté Ximenez à diffimuler, quoi qu'il n'y eût point de Prelat dans toute l'Efpagne qui fuppor taft plus impatiemment la diminution de fon autorité legitime ; ce n'eft pas qu'il y en eût aucun qui n'y fût infiniment fenfible; mais le peu d'apparence qu'il y avoit de remedier à la fource d'un fi grand mal, les avoit à la fin perfuadez que les maux particuliers qui en defcendoient 'eftoient tout à fait irremediables.

Ximenez fut le premier qui voulut éprouver fi le remede ne pourroit point venir de l'endroit mesme d'où venoit le mal; mais il le fit avec un figrand fecret, que quelque fuccez que pût avoir cette tentative, fa reputation n'en fouffriroit aucun préjudice. Il écrivit donc au Pape mefme, & lui reprefenta, avec toutes les précautions poffibles, que fes predeceffeurs en accordant des exemptions aux Eglifes particulieres n'avoient pas prétendu qu'elles ferviffent à détruite la difcipline de l'Eglife, ou à en empêcher le retabliffement; qu'il eftoit perfuadé que ce n'eftoit pas non plus l'intention de Sa Sainteté en les maintenant ; que cependant c'eftoit prefque le feul ufage qu'en faifoient ceux qui en jouif

foient alors qu'ils en prenoient occafion de vivre dans une licence, non feulement scandaleuse, mais mefme contagieufe pour tout le refte du Clergé dont ils faifoient partie; qu'il n'y avoit que deux remedes à un fi grand mal; l'un de revoquer toutes les exemptions, & de remettre tout le Clergé dans la dépendance des Evêques comme il avoit efté autrefois ; l'autre, de confentir au moins qu'il pût agir dans cette occafion en qualité de Deputé de Sa Sainteté, & de Commisfaire Apoftolique : Que cet expedient ne portoit aucun préjudice aux droits du Saint Siege ; qu'au contraire l'on ne pouvoit mieux les eftablir qu'en faifant voir qu'un Primat de toute l'Efpagne n'auroit agi dans la circonftance dont il eftoit queftion, qu'en qualité de fon Commiffaire, & en vertu d'une députation extraordinaire.

Soit que le Pape fût perfuadé des bonnes intentions de Ximenez. & qu'il crût qu'il y alloit du bien de l'Eglife de les feconder, ou qu'il ne voulût pas mécontenter un Prelat qu'il fçavoit eftre tout puiffant auprés de leurs Majeftez Catholiques, il agréa le fecond expedient qu'il lui avoit propofé, & fit expedier un Bref en datte du 23. de Juin 1497, par

lequel il le nommoit Commiffaire Apoftolique pour la Reformation des Eglifes exemptes, & des perfonnes privilegiées de fon Diocefe, & generalement pour tout ce qu'il jugeroit à propos de faire pour le bien de fon Eglife: la Commillion mefme eftoit fi ample, qu'elle n'eftoit restrainte par aucune claufe ni limitée à aucun temps déterminé.

L'on croyoit que Ximenez uferoit de cette commiffion d'autant plus à la rigueur, qu'il avoit lieu d'eftre aigri de la refiftance peu refpectueu fe que lui avoient faite les perfonnes contre lesquelles il l'avoit obtenue. Cependant, foit qu'il apprehendaft qu'en agiffant de la forte les plaintes des perfonnes intereffées n'obligeaflent le Pape ou à la revoquer, ou à la reftraindre, ou pour quelqu'autre raifon qui n'eft pas connue, il en ufa avec tant de moderation & de circonfpection, qu'il rétablit la Difcipline Ecclefiaftique dans tout fon Diocese, & ne donna aucun lieu de fe plaindre qu'il en usast avec trop de rigueur.

Tant de chofes difficiles entreprises & executées en fi peu de temps, eurent par rapport à Ximenez le fuccez qu'elles ont coutume d'avoir: Elles lui acquirent beaucoup de reputation, mais elles lui

firent auffi un grand nombre d'ennemis. Il trouva bien-toft le moyen de fe faire plus d'amis qu'il n'en avoit perdu; voici qu'elle en fut l'occafion.

Les Rois de Caftille & de Leon, predeceffeurs de la Reine Catholique, pour fournir aux frais de la guerre contre les Maures, avoient efté obligez de charger les peuples de ces deux Royaumes d'un grand nombre d'impôts. Le plus accablant de tous eftoit celui que l'on appelloit Alcabala: Il confiftoit à payer au Roy la dixième partie du prix de toutes les ventes & échanges : Quoique ce tribut fût de lui-mefme fort à charge, il le devenoit encore davantage par les pilleries & les chicanes de ceux qui eftoient chargez d'en faire le recouvrement. Il naiffoit de là une infinité de cés, les Fermiers prétendant qu'on les fraudoit,& que les declarations n'eftoient pas exactes, & les Marchands foutenant contraire. L'on avoit fur cela fait plufieurs Reglemens, mais ils n'avoient fervi qu'à donner lieu à de nouvelles chicanes, & à multiplier les procez. Pour en arrefter le cours, les Marchands obtinrent qu'on s'en tiendroit à leur ferment fur la quantité, la qualité, & le prix de leurs marchandifes. Ce remede

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produifit un autre mal, qui fut de rendre les faux fermens fort communs, les Marchands ne faifant aucune difficulté de fe parjurer, pour autorifer des declarations frauduleufes. Comme les vices utiles font en peu de temps de grands progrés, la mauvaise foy eftoit paffée du commerce dans toutes les actions civiles & l'habitude du parjure eftoit devenue fi grande, qu'il n'y avoit rien de plus ordinaire.

La guerre des Maures ayant efté l'occafion ou le pretexte de cette impofition, elle ne fut pas pluftoft finie, que le peuple demanda d'en eftre déchargé. L'affaire fut propofée au Confeil de Confcience, & enfuite au Confeil d'Etat. Ximenez y opina fortement dans l'un & dans l'autre en faveur de la fuppreffion de l'Alcabala; mais l'avantage qui en revenoit au Trefor Royal, & les oppofitions des Grands, dont la plupart avoient des affignations fur la levée de cet impoft, empêcha l'effet de fes bonnes intentions: Il fut continué, & les abus, qui en eftoient les fuites prefque neceffaires, continuërent auffi.

Ximenez, qui aimoit autant le peu-, ple, qu'il avoit peu d'inclination pour les Grands, dont il croyoit l'abaiffement neceffaire pour relever l'Autorité Roya

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